tag:blogger.com,1999:blog-80276857569862512622024-03-13T16:00:06.885+01:00Mutant ?on ne va jamais aussi loin que lorsqu'on ne sait pas où l'on vaUnknownnoreply@blogger.comBlogger329125tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-47213008270093068082020-10-19T13:06:00.001+02:002020-10-19T13:06:10.349+02:00Les leçons de « Charlie Hebdo » et de l'affaire ObonoC'est toujours rigolo, les coïncidences. Mercredi 2 septembre s'ouvrait le procès des attentats de janvier 2015 devant la cour d'assises spéciale de Paris, inaugurant quarante-neuf jours d'audience au terme desquels quatorze personnes (dont trois par défaut) seront jugées pour leur soutien logistique aux tueries de Charlie Hebdo, Montrouge et de l'Hyper Cacher. Le week-end précédant, une partie de l'écosystème médiatico-politique s'affolait autour d'un article fictionnel et anonyme de Valeurs Actuelles mettant en scène une représentation de la députée LFI Danièle Obono en victime de la traite négrière organisée par les Africains et les Arabes au XVIIIe siècle. <br /><br />Si on remonte à la chemise du baptême – ce que le procès en cours ne fera sans doute malheureusement pas – une partie du « soutien logistique » aux attentats de janvier 2015 peut être attribué aux mensonges et aux manipulations d'un groupuscule islamiste, la « Société islamique du Danemark » qui, après avoir été débouté de sa plainte contre Jyllands-Posten, avait envoyé ses membres en Égypte, au Liban, en Syrie et au Pakistan accompagnés d'une plaquette mélangeant les dessins que le quotidien danois avait effectivement publiés et d'autres documents n'ayant rien à voir avec son dossier « blasphématoire ». Des ajouts, comme par hasard, des plus incendiaires. On y voyait un Mahomet au groin de cochon – en réalité, la photo d'un participant barbu d'un concours d'imitation de cris d'animaux prise par un journaliste d'Associated Press dans un village des Hautes-Pyrénées – et deux images produites par des fondamentalistes chrétiens américains traitant pour l'une Mahomet de démon pédophile et représentant pour l'autre un musulman en train de se faire sodomiser par un chien durant sa prière. En 2005, c'est surtout à cause de ce fascicule, et non pas tant des pages du Jyllands-Posten, qu'une partie du monde musulman s'embrasera pour faire réellement démarrer « l'affaire des caricatures ». La même qui se soldera par des claquements de kalachnikov dix ans plus tard à Paris et ses alentours. <br /><br />L'affaire Obono-Valeurs Actuelles est heureusement moins sanglante mais relève des mêmes procédés d'exacerbation factice et fallacieuse de l'indignation. Je pense en particulier à un montage ayant circulé sur les réseaux sociaux et laissant croire qu'un dessin représentant la députée avec des chaînes autour du cou avait constitué la une de l'hebdomadaire droitiste. J'y pense tellement que j'ai moi-même failli tomber dans le piège des faussaires et me référer à cette fausse une pour donner de ma voix dans le grand chœur réprobateur. Alors que je réfléchissais à un tweet soulignant combien ce genre de « dérapage » n'a rien d'étonnant quand on laisse l'extrême-droite faire de la liberté d'expression sa chasse gardée, j'ai pris trois secondes supplémentaires pour réorienter mes doigts vengeurs vers ma messagerie et demander à ce qu'on m'envoie l'article incriminé. Une fois lu, je l'ai su affublé d'énormément de défauts – comme avoir été écrit selon toute vraisemblance par un poulet sans tête –, mais j'ai su par la même occasion que le racisme n'en faisait pas partie. Contrairement à la description qui en est faite et qui justifie la plainte que Danièle Obono affirme avoir déposée. <br /><br />Il en est des lynchages comme des bancs de poissons. Vous pouvez faire entendre raison – ou changer de direction – à quelques individus dans le lot, le mouvement général n'en sera en rien altéré. C'est ainsi que se comportent les phénomènes proprement systémiques, c'est ce qui les rend si terrifiants. <br /><br />L'ultime ironie de l'histoire, c'est que Danièle Obono fut elle-même victime d'une foule rendue délirante par des contre-vérités quand, il y a trois ans, l'extrait décontextualisé d'une interview sur RMC laissait croire que « vive la France » lui écorchait la bouche. Sur cette même chaîne, il y a quelques jours, alors que Jean-Jacques Bourdin l'aiguillonnait en lui rappelant qu'elle avait écrit n'avoir « pas pleuré pour Charlie » en 2015 ou qu'elle portait aujourd'hui plainte contre Valeurs Actuelles après avoir signé une pétition en 2012 défendant la liberté d'expression d'un groupe de rap, Obono n'a pas fléchi. L'ouverture du procès est un « moment important », a-t-elle dit, qu'il « ne faut pas rabaisser en essayant de créer de mauvaises polémiques ». Quelques minutes plus tard, elle demandait au journaliste de la juger « sur des positions argumentées, pas sur des fantasmes, pas sur des falsifications ». Autant de très bons conseils, qu'importe qu'elle soit la dernière à les appliquer.<br /><br /><div style="text-align: right;">Texte paru dans <a href="https://www.lepoint.fr/debats/peggy-sastre-les-lecons-de-charlie-hebdo-et-de-l-affaire-obono-04-09-2020-2390386_2.php#xtmc=obono-charlie&xtnp=1&xtcr=1" target="_blank">Le Point</a></div>Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-18355562591855794072020-10-17T22:39:00.004+02:002020-10-18T01:00:13.661+02:00Ne blesser personne, le nouvel impératifDans les périodes de crise, il y a souvent cette question que l'on finit par poser : et vous, quand avez-vous pris conscience que quelque chose était en train de basculer ? La fameux passage entre l'avant et l'après. Bien sûr, ce genre de jalon relève d'une reconstruction. A posteriori, notre esprit tire des fils entre des points qui n'ont rien à voir ensemble pour donner un sens à une réalité dont la complexité nous échappe. C'est une sorte de pansement de la cervelle ou, plutôt, de sac en papier dans lequel on respire quand vient poindre la crise de panique. Dans mes synapses surchauffées à moi, c'était un jour de 2016 ou de 2017. J'avais passé la bonne partie d'une soirée à discuter avec un ami journaliste des schismes apparus dans nos rédactions après l'attentat de Charlie Hebdo. Il s'étonnait que les choses soient allées si vite. Que les failles se soient creusées si fort. Que d'anciens camarades de machine à café en soient venus, quasiment du jour au lendemain, à ne plus s'adresser la parole et à (métaphoriquement) cracher parterre au passage de l'un ou de l'autre pour conjurer le mauvais œil d'une cohabitation désormais insupportable pour tout le monde. Moi, comme souvent, je faisais ma blasée. Je lui disais que ce n'était que la dernière métamorphose en date d'antagonismes remontant à très loin et faisant feu de tout bois pour se manifester. Mes borborygmes sur les racines conflictuelles de notre nature humaine ayant moyennement attisé son attention, j'étais passée au niveau proximal. Je lui avais dit qu'il y avait eu des histoires similaires au moment de la fatwa contre Salman Rushdie et, encore avant, lorsque la "révolution" iranienne excitait des intellectuels bien au chaud à Neauphle-le-Château et glaçait le sang d'autres, ceux qui allaient vite devoir se décider entre la valise ou le cercueil à Téhéran. Qu'encore avant il y avait eu Césaire et Aragon, l'Affaire Kravtchenko, Victor Klemperer qui notait en douce ces si subtils changements linguistiques affligeant les démocraties qui s'effondrent. Bref, que les temps de tension reviennent à intervalles irréguliers et qu'on n'avait finalement pas tant que ça à se plaindre. (De mes gènes du ghetto, j'ai hérité de la technique de consolation dite "Vus de Babi Yar, tes problèmes c'est peanuts". Je vous la conseille, elle est super efficace). <br /><br />À un autre moment de la conversation, je lui disais avoir remarqué une inflexion dans ses articles. Qu'il me semblait avoir changé un fusil d'épaule, ne plus écrire sur des sujets fâchant autant qu'auparavant les foules des réseaux sociaux, ces poissons rouges barbotant dans leur dopamine boostée par algorithmes interposés et tournant de l'indignation de la veille à celle oubliée le lendemain pour une autre. Je lui demandai si la chose était volontaire ou le fait d'ordres venant d'en haut. Sa réponse : que l'évolution était de son propre chef et qu'il avait effectivement préféré se focaliser sur des sujets à "faible charge polémique", de peur qu'une explosion de cocotte-minute réticulaire en vienne à ficher ses shrapnels dans sa santé mentale. Puis il avait ajouté : "aujourd'hui, en France, il n'y a jamais eu autant de journalistes et d'intellectuels sous protection policière". <br /><br />Voilà, moi elle est là mon épiphanie. La seconde où la grenouille prend conscience de la température de la casserole. Du monde où ce qui était encore anormal en 1989 avec le calvaire de Rushdie est devenu monnaie courante. Une fonction comme une autre dans l'équation du choix rédactionnel. "Sur quoi vais-je écrire aujourd'hui ? Ah non, pas là-dessus, je risque de surchauffer la bile d'hypersensibles qui voudront me faire la peau, je vais plutôt en rester à un sujet <i>à faible charge polémique</i>". <br /><br />Quelques mois plus tard, j'entendais une ancienne journaliste préciser la nouvelle ligne éditoriale qu'elle comptait faire appliquer dans le magazine dont elle était récemment devenue la rédactrice en chef : "J'aimerais que personne ne soit blessé par nos contenus". La boucle était bouclée. Le schisme ouvert avec les attentats de Charlie Hebdo s'était enfin refermé. Les terroristes avaient gagné. <br /><br /><div style="text-align: right;">Texte paru dans <a href="https://www.lepoint.fr/debats/peggy-sastre-ne-blesser-personne-le-nouvel-imperatif-01-08-2020-2386331_2.php" target="_blank">Le Point</a> </div> <br />Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-21388492250640631902020-07-01T19:30:00.000+02:002020-07-01T19:34:19.687+02:00Interview avec Clément Boileau[Interview réalisée juste avant le confinement et qui n'est pas parue pour cette raison]<br />
<br />
<b>1) Peu avant la remise des César, vous avez publié sur Slate une longue interview de Samantha Geimer, victime de Polanski, laquelle dénonce pourtant l'hystérie collective autour de sa personne (Polanski). Son discours semble inaudible (elle se décrit comme "bad victim"), que ce soit aux US comme en France. Comment l'expliquez-vous ?</b><br />
<br />
Je ne me l'explique pas vraiment. Samantha Geimer a tout fait pour être « prise aux sérieux » comme victime de viol : elle avait 13 ans à l'époque, elle a porté plainte dès le lendemain, elle n'est jamais revenue sur sa version des faits, elle n'est pas psychologiquement instable, elle ne s'est pas effondrée... et pourtant elle subit l'une des pires injustices qui soit, celle d'être considérée comme quantité négligeable de sa propre histoire. Premièrement de la part du système judiciaire américain, qui refuse d'abandonner les poursuites contre Polanski comme elle le demande depuis des décennies. Ensuite, de la part de beaucoup de féministes qui lui refusent, là encore, la solidité qu'elle expose en la prenant, à tort, comme une défense des agresseurs sexuels. Comme s'il fallait être à tout jamais démolie par un viol pour être littéralement crédible. J'y vois une inversion des valeurs assez pernicieuse, car en « exigeant » du viol qu'il soit un crime indélébile chez ses victimes, on offre sur un plateau un pouvoir immense aux prédateurs sexuels. Les femmes, comme Geimer, qui se sont relevées de leur viol, pour certaines immédiatement après leur agression, sont bien plus nombreuses qu'on voudrait bien le croire. Elles devraient être montrées en exemple, pas traitées comme des anomalies et des anormales. La résilience et l'anti-fragilité ne devraient pas être jugées comme des « menaces » pour les victimes de violences sexuelles. Au contraire. Je ne sais pas ce qu'il y a de plus émancipateur que d'envoyer ce message à qui a cru jouir de votre anéantissement : non, ça n'a pas marché et tu ne réussiras jamais.<br />
<br />
<b>2) Vous-même, mais aussi Claude Askolovitch ou Natasha Polony (par exemple), ont réagi à la tribune de Virginie Despentes. Cette critique plutôt modérée du mélange des genres, et plus largement de la radicalité (en ce qui concerne le féminisme), est presque toujours taxée de "crime de la pensée". La forme de la contestation (à l'image de la tribune de Virginie Despentes) l'emporte-t-elle désormais sur le fond de l'argumentation ?</b><br />
<br />
Nous sommes dans un temps de radicalisation assez générale et qui est loin de ne se limiter qu'au féminisme. En réalité, je pense qu'il touche toutes les grandes idées progressistes à avoir émergé grosso modo ces trois derniers siècles et selon une trajectoire en trois étapes. La première, c'est celle de l'apparition. À ce stade, l'idée est socialement « contre-nature » (comme l'était l'anti-racisme au temps de l'esclavage, par exemple) et rencontre logiquement une très forte et violente opposition dans la population. Ensuite, vient le temps de la diffusion, quand l'idée séduit de plus en plus de monde, jusqu'à gagner sa naturalité culturelle : la monstruosité est désormais chez ceux s'y opposent. Puis vient le temps de la rétractation. L'idée coule de source, elle n'a plus rien de séditieux et les activistes qui ont tout intérêt à ce qu'elle garde son côté frondeur sont obligés de lui trouver des expressions de plus en plus artificielles, dans le mauvais sens du terme, quitte à recommencer à s'aliéner une proportion croissante de la population. Je pense qu'on entre dans cette phase avec le féminisme, ce qui explique l’espèce d'économie de guerre intellectuelle que nous observons aujourd'hui sur ces sujets. Et lorsqu'on en est à creuser ainsi des tranchées, le centre et la modération ont effectivement bien du mal à tenir.<br />
<br />
<b>3) L'on a assisté depuis le début de l'affaire à quelques rétropédalages (Darroussin, Claire Denis) à propos de Polanski. Mais globalement les deux camps les plus bruyants (l'un, réactionnaire, plutôt de droite, et l'autre, radical, plutôt de gauche) occupent le terrain. N'y a-t-il plus de place pour une pensée plus complexe, moins manichéenne, voire indécise ? Peut-on parler d'une nouvelle période pour le moins obscurantiste ?</b><br />
<br />
Je ne crois pas que Claire Denis ait rétropédalé. Elle a tout de suite été limpide en disant que remettre un César à Polanski ne lui avait pas posé problème et, il y a quelques jours, elle a confirmé sa lucidité en disant qu'il ne fallait pas y voir un « crachat » à la figure des victimes de violences sexuelles ou que le sexisme n'expliquait probablement pas qu'on n'ait pas voulu d'elle au départ comme « marraine » des espoirs. Elle n'a pas voulu jouer le jeu du pouce vers le haut ou vers le bas, et c'est tout ce qu'on peut souhaiter à une artiste qui, professionnellement, doit savoir tirer parti des ambiguïtés et des nuances de gris. Cela étant dit, oui, je crains que la chasse aux non-alignés à laquelle nous assistons aujourd'hui n'augure pas grand chose de bon. À mes yeux, une bonne société est une société dépolitisée au maximum parce qu'elle a su régler, et donc dépasser, les conflits inter-groupes les plus vénéneux pour construire et renforcer la concorde civile. Une société sainement fonctionnelle est celle qui épargne à ses membres d'avoir à choisir un camp. À l'inverse, les périodes les plus obscurantistes, les plus socialement toxiques de l'histoire humaine l'ont été, notamment, parce que la mentalité d'assiégés de quelques fanatiques a fini par contaminer une part importante de la population persuadée que ce choix, cette polarisation existentielle, était nécessaire à sa survie. Avant que la politique de la terre brûlée afférente à cet état d'esprit fasse son œuvre. Certaines féministes contemporaines carburent malheureusement à l'obsidionalité irrationnelle. Que de plus en plus de médias la véhiculent, soit par conviction, soit par calcul, a tout du poison social. Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-38351307373305467392020-05-12T04:05:00.000+02:002020-05-12T04:07:25.365+02:00Des idées zombies et d'un gros problème de consanguinité dans la famille sceptique<br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Il souffle un vent mauvais dans le
monde de la vulgarisation scientifique française.
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Ne jouissant pas d'un emploi du temps
élastique, j'aimerais réduire ce post aux portions congrues et je
vais donc me permettre de ne pas rejouer tout le sketch. En quelques
mots, cependant, voilà ce qui m'incite à agiter bénévolement mes
doigts sur mon clavier : une nouvelle métamorphose de la
« polémique » sur le patriarcat du steak. Ou « affaire
Touraille », pour la baptiser de façon un peu moins chargée
en blagouilles. Comme j'y ai déjà consacré en 2017 un bon mois de
ma vie professionnelle – des recherches qui se sont soldées par la
publication de ces <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="http://www.slate.fr/story/155300/patriarcat-steak-existe-pas">deux</a></u></span></span>
<span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="http://www.slate.fr/story/155450/pourquoi-patriarcat-steak-resonance-mediatique">articles</a></u></span></span>
– j'espère que vous excuserez mon laconisme relatif. Mais j'espère
aussi que vous conviendrez que ce travail me justifie à penser que,
même si je n'ai pas comme tout le monde la science infuse, <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="http://lamutationestenmarche.blogspot.com/2018/02/non-je-ne-raconte-pas-que-des-sornettes.html">je
sais un tantinet de quoi je parle</a></u></span></span>.</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">En 2017, la déprime d'une amie
suédoise, à l'époque doctorante en anthropologie, avait été la
proverbiale goutte d'eau par laquelle mon vase avait débordé pour
me décider à « débunker » le patriarcat du steak. Ses
idées noires, elle les devait au documentaire produit par Arte
« Hommes grands, femmes petites » pour lequel Touraille
avait été conseillère scientifique. Et ça que le film avait
certes été diffusé dans son pays, mais il était passé plutôt
inaperçu et avait donné lieu à quelques articles en soulignant
l'inanité. En France, rien de tout cela et même pire. Comme seules
y parviennent les idées zombies, le « patriarcat du steak »
était en train de reprendre du poil de la bête à la faveur de
recensions journalistiques aussi exaltées que scientifiquement
atterrantes. L'heure était venue pour moi d'agir avec mes moyens du
bord.
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Si vous me suivez depuis un petit bout
de temps (et je sais que certains me lisent depuis que mes écrits
sont sortis au grand air, ce qui fait un bail, donc salut et merci à
vous), vous devez savoir que le « débunk » n'est pas mon
exercice de prédilection. Ayant traîné ma foi assez longtemps dans
le monde académique, je sais qu'il peut exister un sacré fossé
entre les travaux des chercheurs et ce que des commentateurs
extérieurs en perçoivent, même (et surtout) s'ils se sentent
parfaitement informés et dès lors justifiés à exprimer leur grand
avis. Ce qui fait que je me donne comme règle de limiter au maximum
mes écrits professionnels à une présentation positive de
recherches que je ne me suis pas cassé la binette à mener. C'est
peut-être de la paresse, c'est peut-être de l'humilité, c'est
peut-être une conscience fondamentale de mon insondable débilité,
mais le fait est que la présentation négative, et a fortiori
l'évaluation critique, je la laisse aux pairs. Comme toute règle,
celle-ci a ses exceptions et mon travail sur le « patriarcat du
steak » en est une. Et pas des moindres.</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">De fait, j'en avais et j'en ai toujours
gros d'observer la complaisance que les recherches de Touraille
peuvent susciter. À l'époque, c'était surtout dans le monde
médiatique, aujourd'hui c'est dans celui qui s'autoproclame
sceptique et prétend avoir comme mission la chasse aux
pseudo-sciences et aux fake news pour dessiller son prochain dans
l'amour pur de la vérité vraie. Sur les réseaux sociaux, j'ai
l'habitude de caractériser cet univers comme celui des
« zététichiens ». Au départ, il s'agissait uniquement
d'un jeu de mot qui m'amusait (que voulez-vous, je suis simple), mais
à la réflexion, c'est très bien trouvé pour désigner ceux qui
confondent leur métier-passion avec celui d'un chien de garde,
d'autant plus agressif qu'il est aveugle aux doubles standards qui le
maintiennent docilement enchaîné.
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Je dis à dessein « les
recherches de Touraille », parce que contrairement à ce que
j'ai pu lire ces derniers jours, l'anthropologue n'a pas été
victime d'un travestissement de ses idées dans les traductions
« grand public » qui en ont été données. Je ne vous
demande pas de me croire sur parole (ou sur la base du lourd travail
de documentation que j'ai effectué en 2017, auquel, par définition,
vous n'aurez jamais accès), mais de prendre dix minutes de votre
temps pour visionner <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.canal-u.tv/video/universite_toulouse_ii_le_mirail/le_genre_et_apres_table_ronde_caroline_de_hass_priscille_touraille_laure_bereni_marie_helene_bourcier_sandrine_dauphin.12999">cette
intervention</a></u></span></span> faite en 2012 (si vous avez une
heure devant vous, regardez l'ensemble de la table ronde, elle vaut
son pesant de cacahuètes, à faire passer avec une bonne rasade de
prozac). Si vous y trouvez, dans la bouche de Touraille, quelque
chose qui s'approche de près ou de loin de la fameuse « prudence
épistémique » quand vous l'entendrez se présenter en
héritière du « féminisme matérialiste » qui cherche à
« déconstruire » les biais hétéro-normés de la
recherche en trouvant dans les sciences humaines et sociales, des
moyens de « contrer les sciences de la vie » en se posant
notamment plus souvent la question « pourquoi on se
reproduit ? », je suis prête à manger mon slip.
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">L'expérience de l'esprit que je vous
propose, c'est d'imaginer un chercheur (c'est du neutre) qui se
présenterait comme héritier du nationalisme ethnique et qui se
targuerait de vouloir contrer la démographie en y traquant ses biais
cosmopolites. M'est avis qu'il ne trouverait pas sa place dans le
catalogue des Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme et que
je ne serais pas la première à m'en plaindre. On pourrait aussi
imaginer ce même chercheur qui, dans ses publications académiques,
se ferait « prudent » dans la formulation de ses
hypothèses, mais qui une fois plongé dans le confort d'une
conférence militante, se lâcherait sévère sur toutes les petites
et grandes causes qui l'animent. J'ose espérer qu'il aurait une
tripotée d'adeptes de l'esprit critique sur le dos pour lui mettre
son double discours sous le nez. Certes, on est là en plein dans le
paralogisme du « si ma tante en avait » (par définition,
on ne peut pas connaître à l'avance le résultat d'une expérience
qui n'a jamais été menée), mais je pense, j'estime, je suppute,
que vous voyez où je veux en venir. Dans le second cas, le
mastodonte idéologique ferait sursauter tout le monde (ou presque),
dans le premier, il ne chatouille (quasiment) personne.</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Et c'est un problème éléphantesque.
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Parce que c'est un de mes chevaux de
bataille (et donc de mes biais personnels), j'y vois la conséquence
d'un milieu sceptique qui, comme tant d'autres, fonctionne en chambre
d'écho. Je suis d'autant bien placée pour le penser que, me situant
au doigt mouillé au centre gauche de l'échiquier politique (et même
très à gauche en ce qui concerne les questions dites de mœurs),
j'ai régulièrement des frissons de chagrin et de pitié pour les
rationalistes penchant à droite espérant percer « dans le
métier ». Quand je constate tout ce que je me prends « dans
la gueule » de ce même milieu parce que j'ai l'outrecuidance
de pouffer devant les dogmes de l'intersecte (ce que Pluckrose et
Lindsay désignent comme le champ des « <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.amazon.com/Cynical-Theories-Scholarship-Everything-Identity_and/dp/1634312023">cynical
theories</a></u></span></span> »), j'ai davantage envie de leur
tapoter dans le dos et leur offrir un gros paquet de chocorêves que
de leur conseiller de persévérer.
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Mais c'est un mauvais réflexe. Comme
partout, l'uniformité idéologique est un fléau pour l'esprit.
Vouloir dans le milieu sceptique davantage de gens « de
droite » (ou, plus précisément, davantage de gens ne
s'identifiant pas à cette bâtardise de gauche « woke »
qui phagocyte, nécrose et métastase à peu près tout ce qu'elle
touche comme l'atroce rogaton de pensée totalitaire qu'elle est) ne
relève pas de la question, somme toute assez débile, de la
« représentativité ». Non, diversifier le milieu
sceptique, c'est avant tout et tout simplement le rendre meilleur. Je
vous renvoie à <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.contrepoints.org/2018/10/19/327885-le-debat-scientifique-ne-peut-pas-se-passer-de-pluralisme-moral">cet
article</a></u></span></span> pour plus de précisions. Un article,
ironie de l'histoire (non) ayant été refusé par tout un tas de
médias « sceptiques » avant d'atterrir dans cet himmonde
repaire d'alt-right de droite-droite qu'est Contrepoints.
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Par exemple, si ce pluralisme –
c'est-à-dire le contrôle par chacun des biais de confirmation d'un
autre – était routinier chez les sceptiques, on ne verrait pas de
grosses légumes zététichiennes considérer que mes articles de
2017 sont « à charge » contre Touraille. Si je suis
agnostique quant à l'importance du « contradictoire »
dans le journalisme en général, j'ai un credo strict en ce qui
concerne le journalisme scientifique : on ne donne pas,
qu'importe que cela puisse rapporter socialement de se la jouer grand
prince du mi-chèvre mi-chou, cinq minutes à la terre plate et cinq
minutes à la terre ronde. C'est même ici l'un des rares domaines où
j'exhorte mes conspécifiques à « choisir ton camp, camarade »
en fonction de l'état des connaissances disponibles. Car pour
paraphraser je ne sais plus qui, le but du journaliste scientifique,
ce n'est pas citer l'un qui dit qu'il pleut et l'autre qui dit qu'il
y a du soleil, c'est ouvrir sa putain de fenêtre et raconter le
temps qu'il fait. Dans ce sens, oui, mes articles sont « à
charge », parce que les recherches de Touraille sont chargées
d'absurdités créationnistes de gauche. Les mêmes qui, en 2017,
avaient poussé deux éminents biologistes, Michel Raymond et Bernard
Godelle, à rappeler au <i>Journal du CNRS</i> qu'il avait véhiculé
une « fake news scientifique » en les présentant comme
« démontrées ». Il est dit couramment que les
vulgarisateurs feraient le boulot que les chercheurs n'ont pas le
temps d'accomplir. Dans ce cas, bien des vulgarisateurs pourraient
prendre une retraite anticipée.
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Car depuis 2017, que s'est-il passé ?
Sur le plan scientifique du patriarcat du steak, absolument rien. Les
hypothèses de Touraille sur l'influence que les « régimes de
genre » auraient pu avoir sur le dimorphisme sexuel continuent
à n'intéresser personne. Pour qui connaît un peu la cervelle des
scientifiques et leur magnétisme à « idées farfelues »
(aka briseuses de consensus), autant dire que c'est peut-être le
plus gros indice de leur faiblesse : si Touraille était tombée
sur un diamant brut, ça se serait bousculé au portillon pour lui
donner des billes susceptibles de révéler le joyau (quitte à
proclamer qu'on l'a trouvé le premier, comme ce qui s'est passé à
moult reprises dans l'histoire des sciences, par exemple avec la
sélection de parentèle entre Hamilton et Maynard Smith). Mais non,
c'est tout l'inverse : pas un seul petit morceau de mouche ou de
vermisseau de donnée indépendante n'est venu étayer son édifice.
(On trouve cependant chez Touraille la parade infalsifiable :
c'est parce que la science du dimorphisme sexuel est bourrée de
biais sexistes qu'on ignore la courageuse chercheuse qui a levé ce
lièvre, ce qui prouve bien que le sexisme est omniprésent dans les
sciences naturelles !)</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Sur le plan de la vulgarisation, par
contre, l'idée zombie a continué son petit bonhomme de chemin,
jusqu'à déclencher la bataille d'Hernani du YouTube scientifique
qui me pousse à écrire ce billet. Et à rappeler ce que Robert
Trivers disait à Napoléon Chagnon en des circonstances
intellectuelles similaires :
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: inherit;"><i>« J'ai enfin compris ce qu'ils
veulent dire par “débat équilibré”. Pour toute démonstration
claire de l'effectivité d'une explication sociobiologique d'un
phénomène quelconque, il faut “l'équilibrer” par un appel
complètement irrationnel aux conneries, aux émotions et au
politiquement correct ».</i></span></blockquote>
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Que cette irrationalité pointe de plus
en plus le bout de son nez dans le milieu sceptique me pousse à
stopper net ce post, car j'en ai les doigts qui saignent de tant
d'ironie mordante.</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="height: 0px;">
<span style="font-family: inherit;"><br />x</span></div>
Unknownnoreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-58280125495887352362020-03-05T16:22:00.000+01:002020-03-05T16:30:31.369+01:00An interview with Samantha Geimer<div style="text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjVa8S9pur4W82_o_wjb3aQ3b3PMZuc_iEJygS6MYyQgKuRhp9_6XjlQsYWLV_ZeDlW8kWr04yv_OQFoCbTml3EsDp7-6Dp1jvjojqa079Wa_TMcpWxYNsxWn8FkfnkiXpV7ebbm-FmB2QF/s1600/samantha_geimer.jpg" imageanchor="1"><img border="0" height="315" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjVa8S9pur4W82_o_wjb3aQ3b3PMZuc_iEJygS6MYyQgKuRhp9_6XjlQsYWLV_ZeDlW8kWr04yv_OQFoCbTml3EsDp7-6Dp1jvjojqa079Wa_TMcpWxYNsxWn8FkfnkiXpV7ebbm-FmB2QF/s640/samantha_geimer.jpg" width="640" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: right;">
<div style="color: black; font-family: arial; font-size: 11pt; font-style: normal; font-weight: 400; white-space: pre-wrap;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<b>Peggy Sastre : If I'm not mistaken (please correct me if I am), it's been
since 2003 that you've publicly defended Polanski's right to pursue
his career. How are you and how are you holding up with the recurring
controversies ?</b><br />
<br />
Samantha Geimer : Actually <a href="https://people.com/archive/forgive-and-forget-vol-48-no-24/" target="_blank">it was around 1997</a>. I am well, thanks for asking. These controversies only
affect me as much as I let them, I could disconnect if I chose.
But most of the time I still feel that I want to tell my own story
and continue to set the record straight as I did with my book.
I don’t know why the general public is so adverse to the truth, but
that has only gotten worse in recent years. The #MeToo movement,
which I believe meant to give us solidarity and strength, has been
turned on it’s head. Attacking famous and powerful men in
order to “take them down” for sexist or abusive behavior even if
it was unreported at the time and happened decades ago helps no one
being abused today. If we want society and men to evolve, I don’t
think demonizing people and labeling them as irredeemable is the way
to do it. I’ll never stop directing attention at the misconduct by
the court in our case, these things should not be left standing, it’s
dangerous to all of us.<br />
<br />
<b>One might have expected that a victim of sexual violence as
"famous" as you would have supported the #MeToo movement,
but instead, you chose to sign the open-letter I've co-authored in
January 2018 which was very critical of its excess. Why ?</b><br />
<br />
The #MeToo movement has devolved into something negative. I
am a feminist. I do not believe we elevate women by tearing down men.
I do not believe we stop sexual abuse and harassment by demonizing
those who behaved in a way that was accepted by society years ago and
demanding they are irredeemable now. It is counterproductive.
We need to educate people and change the world today. Equality is not
demanding you be protected, demanding you cannot be held accountable
for your own actions or criticize and report the actions of others
because as a women, you are simply a child, too weak to stand up for
yourself. Women are strong, women are smart, we fought hard for
our sexual freedom and should not go back so easily to gilded cages.<br />
<br />
<b>You're very clear that the media and the 1977 lawsuit against
Polanski were much traumatic to you than his rape. How do you explain
this ?</b><br />
<br />
The sex was brief, I understood what was happening, that it would
not last long and that I would go home soon. The media and the
court were much more unpredictable, a complete unknown, terrible
surprises and unfair and terrifying demands it seemed every day.
There was no way of knowing when and if it would ever end. It felt
much more deliberate and designed to harm.<br />
<br />
<b>In an interview, Polanski said it was Harvey Weinstein who dig up
your case in 2003, as an agitprop operation made to sabotage The
Pianist before The Oscars. Where you aware of this ?</b><br />
<br />
I was not. He also came out in his support years later.
It just shows how powerful men have used my case to their, and only
their own advantage over the years, I am a side note.<br />
<br />
<b>Speaking of propaganda, seeing the very same lies and untruths
about your case being waved over and over by people who claim to
defend victims of rape is very disheartening to me. It’s like truth
will always be the first casualty of politics and power struggles.
What's keeping you going ? Aren’t you sometimes tired of setting
the record straight ?</b><br />
<br />
I admit my level of frustration with the lies and use of my story
for the advantage of others is far higher than my frustration with
setting the record straight. If people don’t know, that’s
okay. When they tell untruths and use my story to advance their own
causes it is much more of a violation. It shows the hypocrisy of the
“activists”.<br />
<br />
<b>Your book is full of very powerful statements. As this one : “It
is disconcerting to be a young girl and know that people are on your
side yet still feel a sense of regret you weren’t damaged enough.
Almost immediately, from the start of this case, I felt the pressure
to be damaged. But I refused to be damaged enough to be a “good”
victim.” Why is rape the sole crime where victims have to be pretty
damaged to be “good” victims ? And even to be heard ? And why a
rape victim is always suspect if she recovers too well ?</b><br />
<br />
I have never been able to reconcile that so many wish me to be
brutalized to fit their anger and indignation. We must care for
victims of sexual assault and help them recover, to insist that they
must carry pain and damage to somehow support other victims is
ridiculous on it’s face. A strong woman is a good example, perhaps
strong women intimidate some people. To need a victim to feel
pain for your own satisfaction or benefit is just as much of an abuse
as an assault.<br />
<br />
<b>Your case in 1977 tells a story where psychiatrists fancy
themselves as film critics and were somewhat lenient with Polanski
because of his talent as filmmaker. Isn’t that ironic that, more
than 40 years later, we have now cinema professionals who fancy
themselves as police and judges ?</b><br />
<br />
That is a good example of the double edged sword of celebrity.
Sometimes it gets you better treatment, but sometimes it makes you a
target. It is those who are not famous that suffer at the hands
of those who use celebrities for their own ends. 1977 what
happened to me was not uncommon and was not viewed as such a
violation as it is today. Today, young women are simply used in a
different way by activists, courts and attorneys, still the powerful
abuse the weak to their own ends.<br />
<br />
<b>One lie about you is that you’re suffering from “Stockholm
syndrome”, but it’s very clear reading your book that it’s very
much not the case. You're not in awe of Polanski at all, he even
seems to vanish from your mind almost at the minute he raped you. Now
that psychiatry has gained some scientific ground (and is very far
from what it was in the 70’s), we know it’s a very normal and
healthy reaction from the brain : we forget things that are too
painful in order to survive and thrive again. Why is that so
difficult to understand to so-called “anti-rape activists” ?</b><br />
<br />
True advocates do not trade on the pain of victims or use and
abuse them without their consent to advance various causes.
This dark side of advocacy does not care about helping victims heal
and changing views to make the world a safer place. It simply uses
the pain and fear of women to stoke outrage and anger for its own
sake, bringing attention to itself, not societies problems with
sexual violence. In short, they don’t care, they just want to use
you.<br />
<br />
<b>Few people seem to know you’ve decided to sue Polanski for
sexual assault in civil court in 1988, after you’ve discovered he’d
romanticized what he did to you in its autobiography - and that
you’ve won, 5 years later. This ignorance was logical at the time
because of the clever thing your counsel did to hide your case from
the press. But nowadays, it just seems like an inconvenient truth
people want to hide as to profit from the narrative “Geimer didn’t
get justice and Polanski fled from it”. What do you think ?</b><br />
<br />
He fled from injustice which he and I were both the victim of and
I was glad he did. That is the truth plain and simple. It is
that injustice that has followed me for 4 decades, not his actions
that night. The civil suit gave me the justice the court count
not, but Roman remains the victim of a corrupt system and and immoral
judge.<br />
<br />
<b>Reading your book, your blog, your op-eds, your posts on social
media… I have the strong sense you’re a very tough, clever and
clear-headed woman. Where did you get that ?</b><br />
<br />
I believe that came from my mother. Watching her good
example and facing what I did at such a young age. It toughened
me up and gave me good lessons in self preservation, you have to be
in charge of yourself. You cannot let the actions of others
determine how you feel and react. You need to take responsibility for
yourself and do what is best for you, don’t give your power to
others.<br />
<br />
<b>In 2018, in a public event, a french scholar told me I’ve thrown
my resilience “at the face of victims” writing and publishing the
so-called “Deneuve’s letter”. I still haven't gotten over it
because it summarized all too well what I think is wrong with the
public discussion about rape. As if a rape victim has to never
recover, because if she does, she’ll be a threat for other victims.
Do you think it’s possible to change that ? How ?</b><br />
<br />
All of us, victims and loved ones, want the same thing, recovery,
health, happiness. I will never understand how people who say that
are advocates and promote pain, damage, fear, anger and revenge.
It goes contrary to loving a person to wish and demand these feelings
from someone who has already been hurt. To demand victims remain
perpetually damaged as if that is the only way to prove sexual
assault is wrong, is abusive and absurd. It is just another way to
hold women back, to control them and convince them they are weak.
That is not for me.<br />
<br />
<b>“Distinguishing Polanski is spitting in the face of all victims.
It means raping women isn’t that bad” said Adèle Haenel in the
New York Times. What do you think of that ?</b><br />
<br />
I disagree entirely, asking all women to carry the burden of their
assaults along with the outrage of others for eternity is spitting in
the face of all women who have recovered and moved on with their
lives. Dragging victims along in order to punish those who have
done wrong simply abuses the victims further. It is not for others to
say how any victim of assault should feel. When you deny victims
forgiveness and closure for your own selfish need to hate and punish,
you injure them further. They have the right to let go of their
past and men have the right to rehabilitate and redeem themselves
when they have admitted wrongdoing and made amends.<br /></div>
</div>
<div style="color: black; font-style: normal; font-weight: 400; text-align: right; white-space: pre-wrap;">
<div style="text-align: justify;">
<div style="text-align: right;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-size: small; white-space: normal;">(Draft version of the interview published </span><a href="http://www.slate.fr/story/187944/interview-samantha-geimer-affaire-roman-polanski-victime-viol-violences-sexuelles" style="white-space: normal;" target="_blank">here</a><span style="font-size: small; white-space: normal;">)</span></span></div>
</div>
</div>
<div style="text-align: right;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "arial"; font-size: 14.6667px; white-space: pre-wrap;"><br /></span></div>
</div>
Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-20725570855771964822020-01-05T23:28:00.000+01:002020-07-13T13:24:15.140+02:00Napoléon Chagnon, l'anthropologue contre les idéologues<b id="docs-internal-guid-496ae463-7fff-be1f-02b6-e6d5495c70b5" style="font-weight: normal;"><br /></b>
<br />
<div dir="ltr" style="line-height: 1.38; margin-bottom: 0pt; margin-top: 0pt; text-align: justify;">
<div style="margin-bottom: 0cm;">
L'histoire plaît aux autodidactes :
parce que l'institution académique ne fait rien qu'à étouffer les
vrais talents et promouvoir les demi-habiles, les conformistes et les
cireurs de pompes, la science avance sans elle. En annexe de cette
fable, il y a la figure du génie broyé de son vivant par des
coteries de médiocres mais qui, une fois mort, se voit réhabilité
au centuple. Comme s'il adressait son plus beau doigt à la postérité
et nous incitait à l'optimisme – vous verrez, la vérité finit
toujours par triompher.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
C'est l'histoire que raconte le majeur
de Galilée, relique païenne trônant au musée d'histoire des
sciences de Florence des siècles après le procès, l'abjuration de
« l’hérésie copernicienne », la prison à vie commuée en
assignation à résidence et la mort interdite de pierre tombale.
C'est le symbole autour duquel Alice Dreger, historienne des
sciences, construit son <i><a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/316214/galileos-middle-finger-by-alice-dreger/" target="_blank">Galileo's middle finger</a></i>,
catalogue de cabales académiques fomentées au nom d'une de nos
religions contemporaines – la « justice sociale » et
son orthodoxie identitariste de gauche. L'anthropologue Napoléon
Chagnon, mort le 21 septembre, y occupe une place centrale.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Parce qu'il voulait suivre la
« nouvelle synthèse » sociobiologique et souleva, comme
il le résume dans <a href="https://www.simonandschuster.com/books/Noble-Savages/Napoleon-A-Chagnon/9781451611472" target="_blank">son autobiographie</a>,
« la possibilité anthropologiquement désagréable que la
nature humaine soit elle aussi animée par une biologie produite par
l'évolution », Chagnon fut la victime d'une des pires chasses
aux sorcières scientifiques de ces quarante dernières années. Le
paroxysme, comme l'écrit Dreger, « de ce qui se passe lorsque les
cœurs en viennent à tellement saigner que les cerveaux ne sont plus
correctement oxygénés ».
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Il y a deux ans, en découvrant Dreger
à un moment où j'étais moi-même la cible d'une telle hémorragie
en miniature, j'ai ressenti une étrange émotion. Un mélange de
terreur et de réconfort. La terreur, parce que son inventaire
ordonne d'abandonner tout espérance : même au sein du bastion
censément le plus rationnel qui soit, nos cervelles de macaques à
peine mutés boivent les rumeurs comme du petit lait et font la fine
bouche dès qu'il s'agit d'en vérifier les fondements. Le réconfort,
parce que je comprenais que je n'étais ni seule, ni anormale, ni
même crypto-nazie comme je commençais (presque) à le croire à
force de le voir répété. J'avais seulement travaillé avec ou sur
des scientifiques « coupables » d'avoir poursuivi des
idées aussi passionnantes qu'impopulaires et subséquemment
« punis » de leur tarabustage de vaches sacrées par des
menaces de mort, des semaines passées sous protection policière,
des vies personnelles sabotées et de la santé ruinée. En lisant
Dreger, j'ai aussi pleinement saisi le conseil que Chagnon m'avait
donné une quinzaine d'années plus tôt.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
À l'époque, je projetais une
réorientation vers des recherches de terrain intégrant
anthropologie et biologie. Chagnon était mon fanal. Comme des
millions d'autres lecteurs, j'avais été subjuguée par sa
monographie sur les Yanomamö, le « peuple féroce » du
mythique bassin de l'Orénoque. En mal de ressources
bibliographiques, je lui avais aussi écrit pour savoir « Comment
faire pour devenir vous ? ». Il allait me donner les
références, tout en me dissuadant de continuer dans sa voie : « Tu
as vu ce qu'ils m'ont fait ? Alors que je suis une sommité ?
Toi tu n'es même pas encore née que tu es déjà morte. Barre-toi
du monde académique le plus vite possible ». Notre bref
échange s'arrêta là. Je savais vaguement qu'un livre très
critique à son égard venait de sortir. Je sais aujourd'hui que je
ne connaissais même pas le quart de son histoire, celle de la
sommité qui se fait accuser de génocide par un faussaire que ses
pairs décident de prendre au sérieux pour vider des années de
querelles.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Comme me le fait remarquer sa
petite-fille, la cinéaste Caitlin Machak, le calvaire de Chagnon
s'éclaire d'autant mieux qu'on y voit « une histoire de
surdoué » parti de rien et qui n'a pas son pareil pour
susciter les jalousies. Né en 1938 à Port Austin, au Michigan, dans
une famille miséreuse d'origine franco-canadienne de douze enfants –
son prénom impérial lui vient de son grand-père, un de ses frères
écopera de « Verdun » –, Chagnon entre à l'université
grâce au peu d'argent que son père avait réussi à économiser sur
sa pension de G.I. et ses petits boulots. S'il débute des études
orientées vers la physique et l'ingénierie, en travaillant à côté
comme ambulancier ou arpenteur-géomètre, les quelques heures que
son cursus réserve aux sciences humaines le font « tomber
amoureux » de l'anthropologie. Il se décide pour une carrière
consacrée à l'étude de peuples « vraiment primitifs »,
qu'il mènera à l'université du Michigan, Penn State, Northwestern,
l'université de Californie à Santa Barbara et l'université du
Missouri. En 1964, le doctorant Chagnon s'envole pour la jungle
vénézuélienne et un premier séjour de recherche qui inaugure une
série d'une petite trentaine en trente ans. Lorsqu'il est titularisé
à l'université du Michigan, Chagnon a 27 ans. Son étude des
Yanomamö ouvre quant à elle une fenêtre sur l'histoire de humanité
vieille de dizaines de milliers d'années.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
À l'instar de Marx, Chagnon montre que
l'histoire des peuples est bien l'histoire des guerres, sauf que ses
données contredisent un axiome du matérialisme historique :
les Yanomamö ne se tapent pas dessus pour des choses, mais pour des
femmes. « Dans les années 1960, la théorie anthropologique la
plus scientifique affirmait que les membres des tribus, tout comme
ceux des nations industrialisées, ne se battaient que pour des
ressources matérielles rares – nourriture, pétrole, terres,
approvisionnement en eau [...]. Pour un anthropologue, laisser
entendre que les conflits avaient quelque chose à voir avec les
femmes, c'est-à-dire la compétition sexuelle et reproductive,
équivalait à un blasphème ou, au mieux, à une absurdité. [...]
D'un autre côté, aux yeux des biologistes, une telle observation
n'avait non seulement rien de surprenant, mais elle était
parfaitement normale pour une espèce à reproduction sexuée. Ce qui
les étonnait, c'était que les anthropologues pussent considérer
ridicule l'application aux humains de la lutte reproductive, tant la
compétition des mâles rivalisant pour des femelles était un
phénomène répandu dans le monde animal ».
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
L'histoire que raconte Chagnon ne se
contente pas d'agacer la « biophobie » de ses collègues.
Étayée des données ethnographiques parmi les plus précises jamais
produites, elle a le malheur de dynamiter le mythe du « bon
sauvage ». En plus d'avoir des conditions de vie largement en
deçà de la « précarité » – « Nous avons tous
fait du camping, mais imaginez les conséquences hygiéniques d'un
camping de trois ans au même endroit avec deux cents congénères
sans égouts, eau courante ni collecte des déchets, et vous aurez
une petite idée de la vie quotidienne chez les Yanomamö. Et de la
vie telle qu'elle était durant une bonne partie de l'histoire
humaine » – Chagnon observe combien les Yanomamö ne vivent
absolument pas en symbiose édénique avec leur environnement qu'ils
saccagent dès qu'ils en ont l'occasion, soit grosso modo quand ils
ne sont pas trop occupés à sniffer des plantes hallucinogènes ou à
tuer des enfants – ceux de leurs rivaux en priorité, mais parfois
les leurs. Pour fignoler la cible qu'il a dans le dos, Chagnon
atteste que les hommes les plus violents – les unokais, statut
honorifique accordé aux tueurs – se reproduisent davantage que les
autres. La violence ne serait donc pas qu'un phénomène
« socialement construit ».</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
L'histoire de Chagnon est aussi celle
d'un tempérament. Sarah Blaffer Hrdy me parle de son « Nap »
comme d' « un homme chaleureux et bon enfant avec un
formidable sens de l'humour », mais qui avait aussi « une
personnalité que l'on pourrait qualifier de “teigneuse”. Il
aimait provoquer les gens ». Pour Machak, c'est le caractère d'un
gosse obligé de « faire ses preuves » parce que né à une
sale époque et d'un homme aux valeurs profondément libérales qui,
coupé du monde moderne au moment de sa « révolution
culturelle », n'en rattrapera jamais les codes. Dreger a une
jolie formule en parlant de « sa surdité politique – son
incapacité (ou sa réluctance constitutive) à chanter juste ». Son
autre gros problème ? Son obstination à croire sa dévotion
envers la méthode scientifique suffisante pour lui garantir le
salut.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
À l'heure où Chagnon pense naïvement
se ranger des controverses en prenant sa retraite, l'ouvrage d'un
dénommé Patrick Tierney est annoncé. L'homme, aujourd'hui
volatilisé, se présentait comme un « journaliste
anthropologue », mais Dreger le soupçonne d'avoir été « une
marionnette » en « service commandé » de Terence
Turner et Leslie Sponsel, deux adversaires de Chagnon. Dans son livre
– et son article du New Yorker qui fera le tour du monde –
Tierney livre une litanie d'accusations aussi mensongères que
dévastatrices contre Chagnon et le généticien James V. Neel, son
ami et collaborateur en Amazonie mort d'un cancer quelques mois
auparavant. Florilège : dans le cadre d'expériences « eugénistes
» et « fascistoïdes », Chagnon et Neel ont utilisé un vaccin
contre la rougeole qu'ils savaient défectueux et qui fera des
centaines de morts parmi les Yanomamö ; Chagnon en a payé d'autres
pour qu'ils s’entre-tuent face caméra ; il adorait jeter ses
bergers allemands sur les gens et tirer en l'air pour intimider son
monde ; la plupart de ses données sur les avantages adaptatifs de la
violence sont bidonnées ; il admire le sénateur Joseph
McCarthy et sa chasse aux communistes.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
À la veille de la publication, Turner
et Sponsel envoient une lettre d' « alerte » à
l'American Anthropological Association (AAA) où ils comparent
Chagnon à Mengele. Sans même l'ouvrir, l'AAA diligente une
commission d'enquête. La manœuvre provoque l'ire de nombreux
chercheurs qui démissionnent sur-le-champ de l'AAA. Parmi eux,
Raymond Hames, qui recommande cependant Blaffer Hrdy. Elle refusera
l'invitation, démissionnera elle aussi et, près de vingt ans plus
tard, son souvenir de cet assassinat en règle est encore vif. « J'ai
lu les directives de la commission » m'écrit-elle, « et
j'ai réalisé qu'il s'agissait d'un coup monté, que la conclusion
ne pouvait être que “coupable”. Le problème, c'est que dans les
années 1960, lorsque Nap était parti pour la première fois étudier
les Yanomamö, il pensait s'être engagé à faire de la recherche
scientifique. Au fil de sa carrière, les “règles” ont changé,
une transformation qui peut se résumer en ce qu'un détracteur de
Chagnon proclamait à l'époque et que je n'ai jamais oublié : “On
ne fait pas de la science, on fait le bien.” […] Alors si le but
de la commission était de savoir si Chagnon avait ou non œuvré à
aider les Yanomamö, la seule réponse honnête allait forcément
être “Non, il était là pour faire des recherches". Je ne
voulais pas participer à cette mascarade ».</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
En 2002, juste avant que la commission
ne rende un rapport mi-chèvre mi-chou – Chagnon y est exonéré
des charges les plus graves, tout en étant rappelé à l'ordre pour
des manquements éthiques anachroniques – Blaffer Hrdy reçoit un
étrange courrier de la part de Jane Hill, sa directrice : «
Détruisez ce message. Le livre n'est qu'un tas de fumier (nous
utiliserons des mots plus ripolinés dans notre rapport, mais nous
sommes tous d'accord là-dessus). Je pense néanmoins que l'AAA
devait faire quelque-chose, parce que je suis persuadée que les
travaux des anthropologues auprès des peuples indigènes en Amérique
latine [...] et leur avenir ont été gravement remis en question par
ces accusations. Le silence de l'AAA aurait été interprété comme
un acte d'approbation ou de lâcheté. La postérité jugera du
bien-fondé de cette décision ».
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
À la fin de son autobiographie,
Chagnon s'excuse pour le ton de plus en plus « déprimant »
pris par son écriture, accablé qu'il était par « la puanteur
persistante » laissé par « l'explosion dans la presse
nationale et internationale d'un extraordinaire scandale ». Il
venait pourtant d'être élu à l'Académie des sciences américaine,
distinction comparable à un Prix Nobel, mais il préférait lister
tout ce dont la cabale l'avait privé. « Je n'ai pas beaucoup
voyagé, pas beaucoup pêché, je n'ai pas chassé la grouse et le
faisan avec mes chiens, je n'ai pas été à beaucoup de concerts,
pas lu beaucoup de romans pour le plaisir et je n'ai pas passé
davantage de temps avec ma famille ». L'histoire d'un temps pour
toujours perdu et d'un génie qui, s'il n'avait pas dû attendre la
mort pour être réhabilité, n'en avait pas moins été broyé.</div>
<div id="sdfootnote2">
</div>
</div>
<b style="font-weight: normal;"><br /></b>
<br />
<div dir="ltr" style="line-height: 1.38; margin-bottom: 0pt; margin-top: 0pt; text-align: right;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: "arial"; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre;">Article paru dans Causeur n°74</span></div>
<br />Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-31773878202209620982019-12-08T00:40:00.003+01:002019-12-08T00:41:09.326+01:00Chronique "Peggy la science", in Causeur n°73 (novembre 2019)<b><a href="http://tinyurl.com/CrabeTambour" target="_blank">Crabe à la carte </a></b><br />
<br />
Tous les animaux sont capables d'apprendre mais la complexité de l'apprentissage spatial n'est pas donnée à tout le monde. Comme son nom l'indique, l'apprentissage spatial désigne le processus grâce auquel un organisme arrive à se repérer dans un endroit donné et à adapter son comportement en fonction des informations mémorisées. Jusqu'à présent, cette aptitude n'avait été démontrée que chez les vertébrés et quelques insectes – les fourmis et les abeilles sont parmi les bestioles les plus spatialement futées, c'est-à-dire flexibles, de la planète. Du côté de leurs cousins crustacés, les données se font plus rares. Que les crustacés possèdent significativement moins de neurones que les insectes – un cerveau d'écrevisse renferme grosso modo 90.000 neurones, contre plus d'un million chez l'abeille – pourrait prédire quelque difficulté en la matière. Mais en fait non : les crustacés décapodes manifestent une belle sophistication cognitive et parviennent à intégrer un itinéraire ou à naviguer dans un lieu inconnu. D'où l'idée d'une équipe de chercheurs en biologie marine : prendre une douzaine de crabes enragés (c'est le nom de l'espèce, pas de leur maladie) pour voir s'ils arrivaient à se débrouiller dans un labyrinthe débouchant sur une récompense – une moule – et à se rappeler l'itinéraire quatre semaines plus tard. Pour parvenir au bout du labyrinthe et pendant une heure maximum, les crabes devaient effectuer cinq changements de direction et risquaient à trois reprises le cul-de-sac. Ce qui n'est pas rien, qu'on possède ou non une cervelle de crabe. En quatre semaines, à raison d'un essai par semaine, les chercheurs ont observé un progrès constant de leurs cobayes à pinces. Au bout de trois semaines, les crabes trouvaient la sortie à tous les coups, arrivaient même à la moule de plus en plus vite et, plus important encore, prenaient la mauvaise direction bien moins souvent. Deux semaines plus tard, les scientifiques allaient complexifier l'exercice : plus aucune moule n'attendait les crustacés ! Pas de panique, tout ce petit monde a relevé le défi en moins de 8 minutes. <br />
<br />
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<b><a href="http://tinyurl.com/FoiePasDroit" target="_blank">Mauvaise greffe </a></b></div>
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<b><br /></b>Dans certaines régions du Ghana, lorsque quelqu'un se suicide, on sort son cadavre par la fenêtre ou par un trou creusé spécialement dans un mur pour préserver la maison du mauvais œil. Si le suicidé s'est pendu à un arbre, il doit être abattu et brûlé. Aux États-Unis, une chambre d'hôtel de luxe est dévaluée aux yeux de potentiels clients si quelqu'un s'y est donné la mort. Selon Jesse Bering et ses collègues, les tabous stigmatisant le suicide dans le monde entier sont renforcés par un biais cognitif : l'essentialisme psychologique. Soit l'idée que les parties d'un tout posséderaient une nature interne, invisible, une essence qui leur donnerait une identité fixe et dicterait leurs comportements. L'essentialisme psychologique va souvent de pair avec la contamination symbolique, soit la croyance qu'il suffit à deux objets (ou entités) de se retrouver en présence l'un de l'autre pour échanger des propriétés de manière irrémédiable. Croire qu'un suicidé est forcément une mauvaise personne relève de l'essentialisme psychologique. Ne pas vouloir dormir dans son lit, c'est de la contamination symbolique. Est-il possible que ces croyances nous polluent la tête même lorsque notre vie est en danger ? Selon l'étude de Bering et al., la réponse est peut-être bien que oui. Lorsqu'on demande à des gens de s'imaginer en attente d'une greffe de cœur, ils sont bien plus rétifs à l'accepter s'il provient d'un suicidé que d'une personne victime d'un accident ou d'un homicide. Les chercheurs font cependant remarquer que le cœur n'est pas n'importe quel organe – dans bien des cultures qui y situent le siège de l'âme, il véhicule son propre essentialisme psychologique, le cardiopsychisme. Leurs résultats ont donc toutes les chances d'être moins inquiétants dans un véritable contexte clinique. Sans compter que les suicidés font de toutes façons de très mauvaises fermes à greffons : leurs cadavres sont souvent retrouvés trop tard pour que leurs organes aient encore une quelconque utilité. <br />
<br />
<a href="http://tinyurl.com/YabonLeRat" target="_blank"><b>À bon macaque bon rat </b></a></div>
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On le sait, il y a de l'huile de palme partout. On le sait aussi, le palmier à huile ne fait pas que du bien aux écosystèmes des pays tropicaux qui le cultivent, notamment à cause des vilains produits servant à protéger les plantations des ravageurs. Parmi eux, le rat, responsable à lui tout seul de 10% de perte chaque année. Parce qu'il adore boulotter du palmier, le macaque à queue de cochon traîne aussi une sale réputation dans les plantations de Malaisie, mais les recherches d'Anna Holzner et de ses collègues, de l'Institut Max Planck d'anthropologie évolutionnaire de Leipzig, pourraient la dissiper. Non seulement ces singes représentent une nuisance très marginale pour les palmiers – un clan va s'envoyer seulement 0,56% des fruits cultivés sur son territoire –, mais leur appétence pour les rats la compense très largement. Selon les calculs de Holzer et al., un groupe de macaques peut grignoter jusqu'à 3.000 rats par an, soit une belle réduction de 75% de ces ravageurs, et faire passer les dégâts causés par les rongeurs de 10% à 3%. Le gain équivaut au rendement de 406.000 hectares ou 650.000 dollars sonnants et trébuchants. Une découverte qui n'a pas été sans stupéfier les scientifiques, vu qu'ils pensaient le régime du macaque essentiellement frugivore, avec peut-être quelques incartades carnées vers des lézards ou des petits piafs. L'un dans l'autre, l'étude a tout d'une bonne nouvelle pour les primates, qu'ils soient à queue de cochon, cultivateurs ou militants écologistes : en collaboration avec des ONG et des entreprises huilières, les chercheurs œuvrent désormais à concevoir de plantations durables où les populations de macaques seront préservées et patrouilleront comme raticides à poils. Une stratégie gagnant-gagnant pour la biodiversité comme pour l'agro-industrie. </div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-83513576045336780052019-12-08T00:36:00.001+01:002019-12-08T00:36:45.809+01:00Chronique "Peggy la Science", in Causeur n°72 (octobre 2019)<b><a href="https://tinyurl.com/CoucouTuVeuxVoir" target="_blank">Téléphone caleçon</a></b><br />
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<b><br /></b>
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Aux jeux des amours et des hasards contemporains, c'est une question qui se pose : mais au fait, pourquoi des hommes se photographient-ils les bas morceaux avant d'intégrer ces images à leurs correspondances galantes ? Selon un sondage YouGov de 2017, du côté des émetteurs, le phénomène des dick-pics (« photos de bite », dans la langue de Molière) concernerait 27% des hommes de 19 à 39 ans et, du côté des destinataires, 53% de leurs homologues féminines. Si on y réfléchit trois secondes, il ne s'agit que la métamorphose ultra-moderne d'une très vieille habitude tant, depuis que le monde est monde, le phallus et l'imagerie phallique symbolisent à la fois la masculinité triomphante et nombre de ses annexes thématiques comme la puissance, la virilité, la force et même le statut social. Par exemple, chez les Bororos du Brésil, étudiés notamment par Lévi-Strauss, plus votre étui pénien est long, plus vous êtes de la haute. Des graffitis offerts à la postérité par des soldats romains sur le mur d'Hadrien aux zizis gribouillés à la hâte et aux quatre coins de la planète sur des tables d'écoliers ou des cloisons de lieux d'aisance, l'obsession pour l'organe masculin ne date pas d'hier et n'est sans doute pas près de nous abandonner demain. Ce qui ne répond toujours pas à la question : en plus d'en avoir la possibilité technologique, pourquoi les hommes sont-ils si friands de selfies génitaux ? Pour le savoir, cinq psychologues œuvrant au Canada et aux États-Unis se sont retroussé les manches et ont conçu, excusez du peu, la première étude de l'histoire de la science à analyser, données empiriques à l'appui, les raisons et les traits de personnalité des envoyeurs de ces autoportraits très intimes. Grâce à leur échantillon de 1087 hommes hétérosexuels, où une bonne moitié étaient familiers de la pratique, les chercheurs ont pu déterminer que la motivation numéro un de ces messieurs traduisait un « état d'esprit transactionnel ». En d'autres termes, que s'ils montraient leurs parties, c'est parce qu'ils voulaient que leurs correspondantes leur rendent la monnaie de leur pièce et leur montrent les leurs, le tout non pas pour les humilier, les rabaisser, leur faire peur ou encore les oppresser, mais tout simplement pour pimenter l'ambiance et passer le plus vite possible du virtuel au réel. Malheureusement, si cela part d'un bon sentiment, l'astuce est loin de marcher à tous les coups. Pourquoi ? Parce qu'hommes et femmes n'ont, en moyenne, pas les mêmes critères en ce qui concerne leurs stimuli sexuels, les femmes étant aussi dégoûtées par l'obscénité que les hommes sont titillés par des images crues. « Cela ne veut pas dire qu'il faut accepter aveuglément ce type d'activité », tient à préciser Cory L. Pedersen, l'auteur principal de l'étude et directeur du laboratoire de recherches en sexologie scientifique ORGASM de l'université polytechnique de Kwantlen (Canada). Selon Pedersen, interrogé par Eric W. Dolan de PsyPost, ces travaux ne justifient pas non plus l'impunité des hommes envoyant de manière non sollicitée de telles images, car cela « viole le consentement ». Par contre, s'il y a quelque chose à retenir de son étude, c'est que « sans la science pour guider notre compréhension de nos comportements, nous avons toutes les chances de nous tromper sur les intentions des individus ». Comme le fait de croire que l'envoi de dick-pics traduirait de la misogynie, du sexisme, de l'hostilité ou encore un tempérament impulsif, colérique ou agressif alors, qu'au pire, elles ne sont que la traduction, là encore, d'un très archaïque et très universel trait humain : la difficulté qu'il y a à se mettre dans la tête d'autrui lorsqu'on veut le mettre dans son lit. <br />
<br />
<b><a href="https://tinyurl.com/ReineDesAbeilles" target="_blank">Mixité bien ordonnée </a></b><br />
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À l'heure où Marlène Schiappa, notre Secrétaire d'État chargée de l'égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations, travaille d'arrache-pied à augmenter la présence du beau sexe dans les emplois et secteurs professionnels les plus prestigieux, une étude sur la manière dont hommes et femmes ne collaborent pas de la même manière avec leurs congénères selon qu'ils évoluent dans un groupe mixte ou unisexe devrait être d'urgence versée à ses dossiers. Dans cette recherche, menée en Russie et rassemblant quinze expériences et 180 volontaires (dont 77 femmes), Anastasia Peshkovskaya, Tatiana Babkina et Mikhail Myagkovn, chercheurs en sciences cognitives et en mathématiques appliquées, montrent que la coopération est meilleure dans les groupes mixtes et masculins et moins bonne dans les groupes exclusivement féminins, où la défiance et la compétition sont bien plus accentuées et les échanges plus difficiles. De fait, lorsqu'elles ont affaire à leurs semblables, les femmes ont plus de chance de recourir à des stratégies de type « œil pour œil, dent pour dent », à faire preuve de bien moins d'indulgence en cas de trahison et à encourager des punitions plus sévères en cas de transgression des règles. </div>
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<b><a href="https://tinyurl.com/UltimeChance" target="_blank">La der des der </a></b></div>
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<b><br /></b>L'effet dit de la « dernière tournée », conceptualisé en 1979 par le psychologue social James W. Pennebaker et ses collègues, statue que plus l'heure de fermeture du bar approche, plus vous aurez de chances d'y trouver quelqu'un à votre goût pour le ramener chez vous. Ce qui signifie, basiquement, que moins nous avons d'opportunités de choix, plus nous nous décidons vite et moins nous faisons la fine bouche. Quarante ans plus tard, une équipe dirigée par l'anthropologue Helen Fisher a voulu savoir si ce qui s'observait sur un laps de temps relativement court pouvait s'appliquer à l'échelle d'une vie. En l'espèce : est-ce que les femmes ont tendance à davantage sauter sur tout ce qui bouge lorsqu'elles approchent de la ménopause, alors qu'elles étaient plus précautionneuses et sélectives lorsque leurs ovocytes étaient plus frais ? La réponse est oui, avec un constat sans appel : seule la prise de décision sexuelle est accélérée, tout le reste de l'activité libidinale restant inchangée. </div>
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Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-87600698125881517812019-12-08T00:25:00.003+01:002019-12-08T00:29:40.248+01:00Chronique "Peggy la Science", in Causeur n°71 (septembre 2019)<a href="https://tinyurl.com/PireCertain"><b>Le pire n'est jamais certain</b></a><br />
<br />
Comme son nom l'indique, le trouble anxieux généralisé (TAG) se caractérise par la peur de tout et de n'importe quoi, un sentiment d'angoisse diffus qui ne vous quitte pas, des soucis excessifs, la conviction que le pire est toujours sûr et que tout tournera forcément mal. Véritable et très handicapante maladie qui ne se résume pas au seul fait d'avoir une mère ashkénaze, sa thérapie cognitive de choix consiste, avec l'aide d'un professionnel en santé mentale, à considérer ses angoisses comme des hypothèses et à voir si la vie les confirme ou non. Sauf qu'à l'instar des paranoïaques qui ne sont pas forcément dénués d'ennemis, on peut parfaitement envisager que les angoisses des anxieux ne soient pas toujours ni automatiquement irrationnelles. Deux chercheurs en psychologie clinique affiliés à l'université de Pennsylvanie (États-Unis) viennent de se pencher sur la question – à quelle fréquence ces préoccupations sont-elles fondées ? Leur réponse et bonne nouvelle : quasi jamais. Dans leur étude, 28 patients atteints de trouble anxieux généralisé devaient, tous les jours et plusieurs fois par jour (on le leur rappelait par SMS) noter le plus précisément possible toutes les angoisses qui leur passaient par la tête. Ensuite, pendant un mois, ils étaient invités à les surveiller et à dire aux chercheurs si elles finissaient par se réaliser. Bien sûr, l'expérience s'est focalisée sur des soucis réalisables le temps de l'exercice – donc oui pour « je vais louper mon examen demain », mais non pour « je vais mourir d'un cancer » ou « les nazis vont revenir ». En moyenne, les participants ont signalé entre trois et quatre soucis testables par jour. Résultat ? 91,4% des angoisses n'ont donné aucune suite et sur les 8,6% restants, les choses ont été moins pires que prévu dans un cas sur trois. Pour environ un participant sur quatre, aucune angoisse ne s'est jamais réalisée durant l'expérience. L'étude confirme par ailleurs le bien-fondé de la thérapie cognitive de l'anxiété généralisée : le fait de se concentrer sur ses soucis et de surveiller leur potentielle concrétisation se traduit par une amélioration notable de son état. À l'inverse, les quelques patients qui ont vu leurs préoccupations se réaliser étaient en moins bonne forme à la fin qu'au début de l'expérience. On touche ici du doigt la fonction adaptative de l'anxiété : nous dire de faire attention aux dangers. Et comme les détecteurs de fumée, c'est beaucoup moins grave s'ils se déclenchent trop que pas assez. <br />
<br />
<div>
<a href="https://tinyurl.com/VieuxMythos"><b>Vieux mythos</b></a><br />
<br />
Quelle est la meilleure technique pour vivre centenaire ? Le régime crétois ? Faire dix-mille pas par jour ? Avoir un chien, un chat, ne pas fumer et limiter la viande rouge ? Selon l'état actuel des recherches, les records de longévité des fameuses « zones bleues », ces régions du monde où l'espérance de vie est significativement supérieure à la moyenne des mortels, sont principalement dus à la génétique, à une alimentation riche en légumes et à un épais tissu social. Mais selon Saul Justin Newman, facétieux chercheur en sciences des données affilié à l'université nationale australienne, il y aurait un autre facteur à prendre en compte : le bidonnage. Dans une étude en attente de publication, il montre en effet que l'arrivée de certificats de naissance aux États-Unis s'est soldé par une chute de 69 à 82% du nombre de centenaires. De même, les zones bleues parmi les plus célèbres comme la Sardaigne ou les îles d'Okinawa, au Japon, se caractérisent par un faible niveau de vie, un taux d'alphabétisation au ras des pâquerettes, une criminalité en roue libre et une espérance de vie inférieure aux diverses moyennes nationales. Ce qui fait dire à Newman que « la pauvreté relative et une courte espérance de vie constituent des prédicteurs inattendus d'un statut de centenaire et supercentenaire, et étayent le rôle primordial de la fraude et de l'erreur dans la survenue de records de longévité ». Jeanne Calment, qu'un généalogiste russe dit avoir falsifié le certificat de naissance de sa mère pour frauder les assurances et le trésor public, pourrait s'en retourner dans sa tombe.<br />
<br />
<b><a href="https://tinyurl.com/PineDeMouche">Qui ne pine pas dort</a></b><br />
<br /></div>
<div>
Certains souvenirs durent toute une vie, d'autres s'effacent en un quart de seconde. Il semblerait qu'il y ait un lien avec le sommeil. Plusieurs études menées sur des rongeurs montrent en effet que les circuits neuronaux actifs pendant l'apprentissage se « rallument » lorsqu'ils dorment. Ce processus semblable à notre sommeil paradoxal pourrait renforcer la mémoire en transférant l'information dans des zones de stockage à long terme. Mais la cervelle mammifère étant ce qu'elle est – complexe – en décrypter plus avant les mécanismes n'est pas chose facile. D'où l'idée de chercheurs de l'Howard Hughes Medical Institute (États-Unis) de se tourner vers les mouches du vinaigre, sympathique bestiole n'ayant, insigne avantage, que quelques neurones dans sa caboche À l'aide d'outils de génétique moléculaire, Ugur Dag et ses collègues ont analysé comment le sommeil jouait sur l'apprentissage de la mouche en général et, en particulier, sur son apprentissage de la séduction. De fait, chez l'insecte, les femelles ont tendance à ne plus vouloir batifoler lorsqu'elles ont déjà été honorées et les mâles ont donc tout intérêt à apprendre quelles belles approcher et lesquelles autres ignorer s'ils ne veulent pas perdre leur temps (qu'ils n'ont pas à foison, car même sans acte de naissance en bonne et due forme, la mouche du vinaigre meurt vite). En moyenne, le souvenir d'un râteau dure une journée chez monsieur mouche. Ce que Dag et al. ont observé, c'est que les mâles qui s'étaient pris plusieurs vestes passaient plus de temps à roupiller. En outre, si les sadiques scientifiques les privaient de sommeil, les mouches n'apprenaient pas de leurs erreurs. Le tout ayant à voir avec les neurones sécréteurs de dopamine, contrôlant à la fois le sommeil et le stockage des souvenirs à long terme.</div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-916205828331448402019-12-08T00:18:00.001+01:002019-12-08T00:19:12.470+01:00Chronique "Peggy la Science", in Causeur n°70 (été 2019)<br />
<b>Evolution, piège à cons</b><br />
<br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
C'est un paradoxe du comportement
humain dans les sociétés industrielles : en tendance, un
statut socio-économique élevé y est négativement associé au
succès reproductif. En d'autres termes et à la louche, les riches
font moins d'enfants que les pauvres. Un phénomène des plus
perturbants lorsqu'on a Darwin en tête, car en toute bonne logique
évolutionnaire, en avoir dans les poches (surtout lorsqu'on est un
homme) augmente à la fois vos chances auprès de ces dames et votre
capacité à sustenter les besoins (forts gourmands) d'une
descendance. Une tripotée d'études montrent d'ailleurs qu'il en est
ainsi dans les sociétés pré-industrielles peuplant la littérature
anthropologique et ethnologique – quelques cadors se partagent la
part du lion de la procréation, tandis qu'une foule de miséreux
meurent sans avoir eu l'heur de transmettre leurs gènes aux
générations futures. Mais dès que la modernité pointe le bout de
son nez, la corrélation semble s'inverser, tant et si bien que des
esprits chagrins y ont vu un gros indice du fléchissement des lois
de la sélection naturelle dans nos cervelles contemporaines, voire
un sacré caillou dans la chaussure des sciences darwiniennes du
comportement.
</div>
<br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Sauf qu'il semblerait que cette
inversion des courbes ne soit en réalité qu'une illusion générée
par des études mal fagotées, comme l'avancent des chercheurs
affiliés notamment à l'université de Stockholm et à l'Institut
Max Planck de démographie. Le QI étant lourdement associé au
statut social, Martin Kolk et Kieron Barclay ont eu la riche idée
d'analyser les liens entre fertilité et aptitude cognitive générale.
Pour ne pas bouder leur plaisir, ils ont pondu l'étude la plus
solide à ce jour en passant à la moulinette statistique les données
de 779.146 hommes (soit tous les Suédois nés entre 1951 et 1967,
merci les registres du service militaire) dont la prolificité a été
surveillée jusqu'à leurs 50 ans bien tapés (une limite standard de
la fenêtre reproductive masculine). Que trouve-t-on dans ce bijou
méthodologique ? Que par rapport aux individus dans la moyenne
(QI à 100), le groupe le moins doté en intelligence (QI < 76) a
0,56 enfant en moins, tandis que les plus cognitivement privilégiés
(QI > 126) en ont 0,09 de plus. La différence pourrait sembler
faible, mais elle est largement suffisante pour que les effets
cumulés de cette reproduction différentielle se fassent sentir à
l'échelle historique d'une population. Et même sans élargir autant
la focale, le phénomène est palpable : dans la cohorte examinée
par les scientifiques, les hommes à très petit QI ont bien plus de
risque de mourir sans descendance (ou de faire tout au plus un seul
enfant) par rapport aux gros QI, qui laissent fréquemment derrière
eux deux ou trois héritiers. Au passage, que ceux qui flipperaient
de voir l'idiocratie advenir après-demain se rassurent, le lien
positif entre la reproduction de ces messieurs et leur intelligence
semble toujours exister, comme ce fut le cas pendant les centaines de
milliers de générations qui nous ont précédés et qui nous ont
permis de devenir le singe relativement débonnaire que nous sommes
aujourd'hui.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Pour Michel Raymond, directeur de
recherche au CNRS et responsable de l'équipe Biologie Évolutive
Humaine au sein de l'Institut des Sciences de l'évolution de
l'université de Montpellier, une telle sélection différentielle
pour les capacités cognitives – au cours de notre histoire
évolutive, les gènes des forts en thème ont mieux perduré que
ceux des corniauds – explique le <i>« gros organe cognitif »</i>
que contient notre <i>« grosse tête »</i>, surtout si on
la compare aux <i>« primates dont nous sommes les cousins »</i>.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;">Reste qu'on
touche ici un autre paradoxe : toute mirifique qu'elle soit,
notre cervelle a encore du mal à comprendre les mécanismes dont
elle est le fruit. Raymond y voit principalement deux raisons. La
première relève d'une </span><span style="color: black;"><i>« habitude
de baigner dans le dualisme pénétrant les nombreuses facettes de
notre culture » </i></span><span style="color: black;">avec
une</span><span style="color: black;"><i> « séparation de
l'esprit et du corps [qui] tend à prêter à la cognition des
propriétés que la science ignore ».</i></span><span style="color: black;">
Ici, le monde magique de Harry Potter est un cas d'école où l'on
trouve d'ailleurs la seconde raison de l'ascension poussive du
darwinisme vers notre cervelle : les propriétés cognitives
extra-normales ne sont que très rarement associées à la fertilité
dans nos productions culturelles les plus populaires et les plus
influentes. Sauf que si une meilleure capacité cognitive ne conduit
pas à laisser davantage de descendants dans la nature, comment une
cognition aussi complexe que la nôtre aurait-elle pu évoluer ?</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><i>« Non
seulement les enjeux reproductifs ne sont pas expliqués à l'écolier
pour mieux comprendre l'Histoire, les agissements des rois et des
empereurs, les guerres et les conquêtes, mais la reproduction est
aussi absente de l'imaginaire collectif</i></span><span style="color: black;">,
note Raymond. </span><span style="color: black;"><i>Ainsi, Dumbledore n'a
pas d'enfant, tout comme l'autre très puissant sorcier Voldemort </i></span><span style="color: black;">»</span><span style="color: black;"><i>.</i></span>
Ce qui caractérise aussi Merlin l'enchanteur et bien d'autres
personnages de fiction dont les facultés mentales nous émerveillent.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<span style="color: black;">Esprit et corps par défaut séparés, peu
ou pas d'exemples de bonus fertile pour l'intelligence qui nous
permettraient de saisir l'évolution de nos traits et caractères,
</span><span style="color: black;"><i>« les conditions culturelles ne
sont pas propices pour la compréhension intuitive des phénomènes
évolutifs relatifs à la psychologie ou la cognition »</i></span><span style="color: black;">,
regrette Raymond.</span><span style="color: black;"><i> « On sait que
le chasseur ne réalise pas un tirage au hasard dans la population
des proies : ce sont les animaux ayant un cerveau plus petit qui
se retrouvent tendanciellement dans la gibecière. Le chasseur
contribue ainsi à modifier la psychologie des proies : par
exemple, les plus craintives vis-à-vis de l'homme ont un avantage de
survie, et donc de reproduction »</i></span><span style="color: black;">.
</span>
<br />
<span style="color: black;"><br /></span>
L'humain n'échappe pas à la règle, même si la règle semble
vouloir encore et toujours lui échapper.<br />
<br />
<div lang="en">
<a href="https://tinyurl.com/y62xqyoe" target="_blank">Référence</a></div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-83143317304609940242019-12-08T00:11:00.000+01:002019-12-08T00:11:01.643+01:00Chronique "Peggy la Science" in Causeur n°69 (juin 2019)<br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<a href="https://tinyurl.com/y6aw4psx" target="_blank"><b>Il est pas bonobo mon fils ?</b></a></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
A priori, passer une bonne moitié de
sa vie sans pouvoir se reproduire ne sert à rien (du moins sur un
plan biologique). Tel est pourtant le lot des femelles chez certains
animaux, comme dans notre espèce et chez quelques grands mammifères
marins comme les orques. Serions-nous des anomalies de la nature ?
Que nenni. L'astuce, dictée par la dure loi de la sélection de
parentèle, c'est que la fin de la période fertile ne signifie pas
forcément l'arrêt complet du destin génétique. En effet, les
diverses attentions portées à une progéniture arrivée, elle, à
maturité sexuelle, peuvent se traduire par une amélioration de son
succès reproducteur individuel tout en s'épargnant les risques
inhérents à une reproduction en état de senescence avancée – en
partant du principe que vous partagez 50% de votre patrimoine
génétique avec vos enfants, mieux vaut qu'ils procréent comme des
lapins car vous empocherez 25% supplémentaires à chaque tête de
pipe. Cet « effet grand-mère » est avancé pour
expliquer l'apparition de la ménopause chez l'humaine qui, à partir
d'un certain âge, a davantage à gagner à subvenir à la
reproduction de ses enfants et petits-enfants qu'en se fadant
elle-même tout le boulot de la gestation et de l'élevage. Jusqu'à
présent, le phénomène avait surtout été observé sur des
filiations féminines : parce que la reproduction mâle est bien
plus incertaine, mieux vaut placer ses billes sur le ventre de ses
filles. Mais il semblerait que chez les bonobos, célèbres à la
fois pour leurs matriarcats et leur conséquent interventionnisme
sexuel, les mères gagnent le gros lot génétique en aidant leurs
fils à féconder à tour de bras et ce contrairement aux chimpanzés
– leurs très proches cousins plus belliqueux et patriarcaux.
Plusieurs stratégies sont mises en œuvre par les mamans bonobos :
attirer fiston dans des endroits où pullulent les femelles en
chaleur, faire fuir d'éventuels concurrents lorsqu'il a une
ouverture et user de son statut social pour lui dégoter les
meilleurs partis. Les scientifiques formulent d'ailleurs une
hypothèse propre à faire défaillir une féministe orthodoxe :
si les bonobos femelles forment de si puissantes coalitions, ce n'est
pas parce qu'elles sont de fières amazones ayant déconstruit avant
tout le monde la « masculinité toxique », mais parce que
cela sert les intérêts reproductifs de leurs fils (et les leurs,
par la même occasion). Les chiffres parlent d'eux-mêmes :
lorsqu'ils ont maman dans les parages, les bonobos mâles ont jusqu'à
trois fois plus de chances que les esseulés de devenir d'heureux
papas.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<a href="https://tinyurl.com/y3y7esrp" target="_blank"><b>Toutes des putes, même les chauve-souris</b></a></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
À écouter bien des culturalistes, on
en viendrait à croire que les échanges économico-sexuels ne sont
que les fruits d'un système de production capitaliste lentement
constitué dans notre très oppressive et inégalitaire espèce
depuis l'apparition de l'agriculture. Sauf que des chercheurs de
l'université de Tel Aviv viennent de tomber sur un gros os pour
cette théorie : chez les très mignonnes roussettes d’Égypte,
des chauve-souris frugivores, les femelles (ces traînées !)
échangent de la nourriture contre du sexe et les mâles pourvoyeurs
(ces porcs!) ont ainsi plus de chances de se reproduire que les
autres. Heureusement, l'étude ne fait pas que fragiliser l'assise
factuelle du féminisme matérialiste, elle permet aussi d'éclaircir
le mystère évolutionnaire que peut être le partage alimentaire
lorsque que les avantages qu'en retirent les fournisseurs ne sont pas
toujours évidents (en dehors des liens de parenté mentionnés
précédemment). Les scientifiques parlent parfois de « vol
toléré » lorsque que la riposte au pillage de ressources
n'est pas rentable pour le floué. À l'inverse, servir ses
congénères peut se révéler très avantageux pour le statut social
(comme lors du potlatch où ce sont les excès de dépense qui sont
les mieux vus) et le succès reproducteur qui lui est généralement
attaché. Dans les espèces où les rapports sociaux sont plus ou
moins durables, comme les chimpanzés ou les humains, subvenir aux
besoins alimentaires de femelles est une stratégie gagnant-gagnant :
chez les chasseurs-cueilleurs, il existe une corrélation positive
directe entre la générosité d'un individu (en termes de quantité
d'aliments offerts au groupe) et le nombre d'enfants qu'il aura. Cet
échange « sexe contre nourriture » est donc désormais
attesté chez les mammifères volants : les mâles qui se
laissent chiper de la nourriture sur leur museau par des femelles
voient leurs dons récompensés en tests de paternité positifs.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<a href="https://tinyurl.com/y27kh3bd" target="_blank"><b>Sois un héros, donne ton sperme !</b></a></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
L’Australie et le Royaume-Uni ont un
sacré handicap dans la vie : leurs législations ne leur
permettent pas de rémunérer les dons de sperme ni de garantir
l'anonymat aux hommes offrant leur précieuse semence à la
communauté. Cette valeur n'est pas qu'une figure de style :
dans le monde, les banques de sperme constituent une industrie
dépassant aujourd'hui les 3 milliards d'euros. Avec l'essor des
fécondations in vitro, que ce soit pour des raisons médicales ou
sociétales marquant une plus grande tolérance pour les familles
monoparentales ou les couples homosexuels, le secteur est promis à
une belle croissance. Alors comment faire pour éviter la pénurie de
gamètes et inciter aux dons bénévoles ? Selon l'équipe de
Laetitia Mimoun, de la Cass Business School de l'université de
Londres, jouer sur les archétypes de la masculinité est une
excellente stratégie. En l'espèce, son étude montre que les
banques de sperme britanniques et australiennes axant leur marketing
sur les figures du héros ou chevalier servant sont les plus à même
de renflouer leurs stocks. Dans tous les cas, le don de sperme est
présenté comme un moyen d'affirmer sa virilité, que ce soit en
acceptant un sacrifice (figure du héros, du soldat, etc.) soit en
sauvant une vie (comme le font les pompiers ou les secouristes).</div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-15233838959851300312019-12-08T00:03:00.003+01:002019-12-08T00:03:54.535+01:00D'une mentalité d'assiégé à l'autre – la nécessaire rénovation des « études de genre » ne se résume pas à une querelle de chapelles politiques<br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Le 3 novembre, Le Point publiait <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.lepoint.fr/debats/theorie-du-genre-confessions-d-un-homme-dangereux-03-11-2019-2344979_2.php">un
article</a></u></span></span> intitulé « Études de genre :
confessions d'un homme dangereux ». Signé de l'historien
canadien <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.trentu.ca/canadianstudies/faculty-research/undergraduate-faculty">Christopher
Dummitt</a></u></span></span>, il a été réduit et traduit par mes
soins, avant de passer entre les mains des équipes éditoriales du
Point, qui se sont occupées de son édition et de sa mise en ligne
dans le cadre d'un partenariat, débuté sur mon initiative en
septembre 2018, avec le magazine australien <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://quillette.com/">Quillette</a></u></span></span>.
Christopher Dummitt, professeur associé en études canadiennes à
l'université de Trent, y déroule sa « confession d'un
socio-constructionniste », pour reprendre le titre choisi dans
<span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://quillette.com/2019/09/17/i-basically-just-made-it-up-confessions-of-a-social-constructionist/">sa
version originale et intégrale</a></u></span></span>.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Le texte de Dummitt suit grosso modo
deux lignes directrices. D'une part, le chercheur détaille ses
mauvaises pratiques académiques, où l'égotisme, l'idéologie et
l'activisme primaient sur la méthode et les données, le tout sans
contrôle par des pairs eux-mêmes engagés des travaux hermétiques,
endogames et circulaires. De l'autre, il déplore que bon nombre de
ses collègues œuvrant dans le champ controversé des « études
de genre » fassent toujours un si mauvais travail, avec des
conséquences sociales et culturelles de plus en plus problématiques.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
S'il est par définition inédit dans
sa forme, l'article de Dummitt ne l'est pas dans son fond. L'effort
de rénovation de cette partie des sciences sociales aussi lourdement
militante qu'elle peut être rationnellement précaire est désormais
assez ancien et, parce que la sphère d'influence des « études
de genre » s'est considérablement élargie depuis leur venue
au monde académique, les échos de ces appels récurrents à leur
réforme débordent <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.lepoint.fr/debats/peggy-sastre-quelque-chose-de-pourri-au-royaume-des-sciences-humaines-11-10-2018-2262079_2.php">à
intervalles réguliers</a></u></span></span> dans l'espace du débat
« profane ». Tel est le contexte de la tribune de Dummitt
et si l'auteur fonde principalement son argumentation sur ses propres
errements, il se propose aussi comme un « cas-témoin »
d'un champ de recherches qui en est coutumier – une extrapolation,
soit dit en passant, d'autant plus appuyée dans sa version
originale.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
La question est importante et loin de
se résumer à une controverse d'ordre idéologique. Elle relève
aussi (si ce n'est surtout) d'enjeux scientifiques, épistémologiques,
culturels et même civilisationnels. Bien des<span style="font-style: normal;">
critiques des « études de genre », à l'instar de
Dummitt, ciblent ce champ de recherche parce qu'il est si « radical »
qu'il va jusqu'à remettre en question l'objectivité de la méthode
scientifique elle-même, jugée trahir une « construction
sociale » camouflant des rapports de pouvoir, de domination et
d'oppression. En d'autres termes, les « études de genre »
ne se contentent pas de véhiculer des opinions avec lesquelles tout
un chacun peut être ou ne pas être d'accord, elles reposent sur un
rapport à la connaissance proprement délirant niant jusqu'à
l'existence d'une réalité commune susceptible d'être
universellement appréhendée par des outils rationnels. Ce sont des
enjeux majeurs. </span>
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
Malheureusement,
depuis une semaine, ils semblent avoir été réduits à l'énième
avatar du clivage droite-gauche, avec chaque extrémité du spectre
faisant marcher à plein régime sa machine à biais pour plier le
texte de Dummitt et le faire rentrer dans leur vision du monde comme
dans un lit de Procuste.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">Les
hostilités ont commencé à droite avec une reprise de l'article au
mieux légère, au pire, totalement déformée. Le cas le plus
flagrant est celle de </span><span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/societe/jai-honte-jai-tout-invente-de-z-lun-des-grands-pontes-de-la-theorie-du-genre-fait-son-mea-culpa-112479?fbclid=IwAR0F9D2XE5FIcYouj5S0NcRFLN-tzvzfrUTC_MtCSPWxCgSgRvCy15CGF9Q"><span style="font-style: normal;">Valeurs
Actuelles</span></a></u></span></span>, relayée notamment par <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://twitter.com/LaManifPourTous/status/1191749693405093888">la
Manif pour tous</a></u></span></span>.<span style="font-style: normal;">
Le titre choisi, « “J’ai honte, j’ai tout inventé de A à
Z” », fait en effet croire à une citation qui n'est jamais
dans le texte, en V.O. comme en V.F. En réalité, Dummitt déclare
avoir honte de </span><i>certaines </i><span style="font-style: normal;">parties
de son livre sur l'histoire de la masculinité au Canada tiré de sa
thèse et, du côté de « l'invention de A à Z », elle
ne concerne que les liens logiques entre les données historiques
issues des archives (étape fondamentale de son travail d’historien
où Dummitt se dit « en terrain sûr ») et les
interprétations qu'il en donnait, à savoir que la masculinité ne
relèverait que d'une </span><i>pure</i><span style="font-style: normal;">
construction sociale alimentée par des rapports de domination et de
pouvoir entre hommes et femmes, sans lien aucun, par exemple, avec
des réalités biologiques. Scientifiquement parlant, la faute est
déjà suffisamment grosse pour ne pas avoir besoin d'en rajouter.
</span>Mais Valeurs Actuelles a jugé bon de charger la mule et de
publier des informations erronées, comme le fait que Dummitt serait
« un des grands pontes » de « la théorie du
genre » (formule qui ne désigne rien de précis) ou encore une
« référence mondiale » de son champ de recherche. Ce
que Dummitt ne dit, là non plus, jamais dans son texte, en précisant
que sa stature de chercheur est relativement modeste, avec une
réputation bornée peu ou prou au Canada. D'autres sites,
journalistes et commentateurs ont fait cette même erreur, et les
réseaux sociaux bruissent depuis de « droitards » n'en
pouvant plus de joie d'exhiber « le cas Dummitt » comme
une preuve accablante de leurs petites marottes et de leur mentalité
d'assiégé.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Rebelote en miroir chez les
« gauchistes ».
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Le 7 novembre, Libération publiait <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.liberation.fr/checknews/2019/11/07/est-il-vrai-qu-un-des-peres-des-etudes-de-genre-a-admis-que-ce-domaine-des-sciences-sociales-n-etait_1762055">un
article</a></u></span></span> dans sa rubrique CheckNews intitulé
« Est-il vrai qu'un des “pères” des études de genre a
admis que ce domaine des sciences sociales n'était pas sérieux ? ».
Un article, là encore, qui laisse de côté toute la dimension
scientifique, culturelle et même <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://americanmind.org/essays/welcome-to-culture-war-2-0/">civilisationnelle</a></u></span></span>
des errements des études de genre exposés par Dummitt et d'autres
pour ne se focaliser que sur l'idiotie d'une guéguerre entre
méchants de droidroite et gentils de gôgauche.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Signé de Jacques Pezet, son titre
reprend une question posée par un internaute à laquelle l'équipe
de CheckNews a estimé bon de répondre, comme il est d'usage dans
cette rubrique de « vérification de l'info ». Selon la
présentation qu'en fait Jacques Pezet sur <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://twitter.com/Jacques_Pezet/status/1192371822165135360">son
compte Twitter</a></u></span></span>, son article a vu le jour parce
que « la presse de droite française » aurait voulu
« décrédibiliser les études de genre en brandissant le
repenti de ce qui semblait être une figure de pointe dans le
domaine, qui dénonçait le manque de sérieux de ses pairs, guidés
par l'idéologie ».
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
La « vérification de l'info »
de Jacques Pezet cible donc la renommée présumée de Christopher
Dummitt et, une fois attestée comme peu ou prou inexistante, le
volet de la « décrédibilisation » coule de source :
elle n'a pas lieu d'être. La méthode a de quoi laisser songeur tant
elle confond erreur conséquente et, ici, inconséquente : que
Dummitt soit ou non une « référence » des études de
genre n'enlève rien à l'intérêt et à la portée de son exposé.
S'il avait eu à « vérifier » le mea culpa d'une ex
<span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2019/nov/06/i-was-an-astrologer-how-it-works-psychics">astrologue
dans le Guardian</a></u></span></span> dénonçant la dangerosité de
son ancienne pratique, Jacques Pezet aurait-il considéré comme
suffisant des messages d'Elizabeth Teissier ou de Françoise Hardy
lui disant que Felicity Carter leur était inconnue au bataillon ?
C'est pourtant sur une telle « logique » que CheckNews
construit son « argumentation » pour laisser entendre que
les aveux de Dummitt ne confesseraient rien d'autre qu'une querelle
de chapelles politiques.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">Une
autre « vérification de l'info » aurait pu constater le
décalage manifeste entre la source et sa reprise. Le phénomène est
certes déplorable, mais des plus courants dans la presse, y compris
</span><span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="http://www.slate.fr/story/149598/personne-ecrit-de-manifeste-anti-diversite-google"><span style="font-style: normal;">« de
gauche »</span></a></u></span></span><span style="font-style: normal;">
– ce qui ne le rend pas moins déplorable, nous sommes d'accord.
Mais là où je ne suis pas d'accord, c'est lorsqu'on entend
amalgamer non seulement la source primaire et ses reprises biaisées
et erronées – qu'elles soient du fait de rédactions ou de
journalistes s'exprimant à titre privé sur Twitter et que CheckNews
a </span><span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.lopinion.fr/edition/politique/checknews-emmanuelle-ducros-lettre-ouverte-a-liberation-facebook-191488"><span style="font-style: normal;">le
malheur d'avoir dans le pif</span></a></u></span></span><span style="font-style: normal;">
– pour y déceler, semble-t-il, les indices d'un grand complot
visant à saper les études de genre non pas pour des raisons
scientifiques, mais idéologiques. Une nouvelle fois, on ne parle pas
du sujet, mais de ses propres marottes et de sa propre mentalité
d'assiégé.</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Sauf qu'il y a encore plus grave dans
l'article de CheckNews et je me limiterai à deux exemples. Le
premier est la présentation que fait <span style="font-style: normal;">Jacques
Pezet </span>de Quillette – un soi-disant « site réactionnaire
qui, sous couvert de liberté d’expression, va laisser le champ
libre à un discours académique qui peut être racialiste,
xénophobe, antiféministe ou transphobe ». En lien semblant
sourcer cette affirmation comme venant du camp « de gauche »,
<span style="font-style: normal;">CheckNews oriente ses lecteurs vers
</span>RationalWiki. Sur ce même site, à la <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://rationalwiki.org/wiki/Mali">page
Mali</a></u></span></span>, on peut lire qu'avant « d'être
colonisé par les <strike>grenouilles</strike> Français, le Mali
était le siège d'un grand empire. Le seul truc vraiment cool
là-bas, c'est qu'il y a plein de chèvres ». Est-ce là ce que
pense « la gauche » du Mali ? Ou faut-il accorder à
cette « définition » le même crédit qu'au chapelet
d'anathèmes censé caractériser la ligne éditoriale de Quillette ?
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Le second est la contextualisation que
propose <span style="font-style: normal;">Jacques Pezet des débats
sur le manque de scientificité des « études de genre »
et de l'exemple qu'il donne des</span> « trois
Américains » ayant piégé en octobre 2018 des « revues
scientifiques avec des articles canulars pour discréditer
les études de genre ». Il commet ici deux erreurs
supplémentaires. L'une est inconséquente – les trois auteurs de
la série de canulars sont Helen Pluckrose (Britannique) et James
Lindsay et Peter Boghossian (Américains) – et l'autre conséquente
: le projet dit « Sokal au carré » ne visait pas à
« discréditer les études de genre », mais en révéler
les pires défaillances et en appeler à réformer en profondeur un
champ de recherche parasité et corrompu par l'identitarisme, comme
<span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://areomagazine.com/2018/09/25/identity-politics-does-not-continue-the-work-of-the-civil-rights-movements/">sont
parasités et corrompus</a></u></span></span> par cette même
« intersecte » les mouvements libéraux de justice
sociale parmi les plus essentiels de ces cinquante dernières années.
Ce que, depuis la fuite de leur expérience dans la presse et son
arrêt prématuré, Pluckrose, Lindsay et Boghossian n'ont cessé de
répété en <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://areomagazine.com/2018/10/02/academic-grievance-studies-and-the-corruption-of-scholarship/">long,
en large</a></u></span></span> et en <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.newstatesman.com/politics/feminism/2018/10/dog-rape-and-mein-kampf-feminist-text-why-we-hoaxed-journals-terrible">condensé</a></u></span></span>.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Comme l'écrit <span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://twitter.com/chrisdummitt1/status/1192506373428404224">sur
Twitter Christopher Dummitt</a></u></span></span>, « si
certains à droite exagèrent mes propos et déforment mes arguments,
la gauche les ignore totalement et se focalise sur des attaques ad
hominem. Tout ce débat pour savoir qui serait le “père” des
études de genre est idiot et sans intérêt. Le vrai problème,
c'est que mon travail est conforme aux paramètres de ces
disciplines. Et que les erreurs ou les sauts de logique que j'ai
commis sont régulièrement commis par d'autres. »</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Une autre de ces informations qui
n'aura pas été vérifiée par CheckNews. Sans doute parce qu'elle
n'avait pas été relayée par « la presse de droite » ?
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br />
</div>
<div style="text-align: right;">
Version originale de <a href="https://www.lepoint.fr/debats/peggy-sastre-la-mise-au-point-sur-un-des-peres-des-etudes-de-genre-12-11-2019-2346757_2.php" target="_blank">l'article</a> paru dans Le Point le 12 novembre 2019</div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-12444304730819573912019-12-07T23:58:00.002+01:002019-12-07T23:58:50.077+01:00La qualification du crime<br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Soigner une maladie exige d'en
comprendre les causes. Les violences conjugales sont une pathologie
affectant le plus petit organe du corps social, le couple.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Au stade où nous en sommes de
l'histoire en forme d'auto-domestication de notre espèce, le couple
est une communauté d'égaux où il n'est plus tolérable que l'un
impose sa loi à l'autre. Les violences conjugales sont très
durement sanctionnées par le droit, charpente civilisatrice s'il en
est. Depuis un quart de siècle, en France, tuer son conjoint est un
crime plus grave que de tuer son voisin. C'est logique, et c'est
heureux.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Mais l'ouverture du « Grenelle
des violences conjugales » a été l'occasion d'un étrange
glissement sémantique traduisant un mauvais diagnostic posé sur la
maladie qu'il entend traiter. Selon des figures féministes
commentant ce dispositif, le Grenelle ne porterait pas sur les
« violences conjugales », mais les « violences
faites aux femmes ». De même, le terme de meurtre ou
d'homicide conjugal a été largement remplacé par celui de
« féminicide », qui met l'accent sur le sexe et le genre
des victimes comme s'il s'agissait de la raison de leur mort
tragique. Ce n'est pas le cas. Si les victimes des violences
conjugales sont majoritairement des femmes, ces violences touchent
aussi des hommes et surviennent dans des couples de même sexe, selon
une fréquence au moins équivalente (et selon certaines études,
supérieure) aux couples hétérosexuels. Les femmes tuées par un
homme dans notre pays et de par le monde ne le sont pas parce
qu'elles sont des femmes. Elles sont mortes parce qu'elles étaient
épouse, compagne, convoitée sans envie réciproque de « faire
couple », etc. Ce n'est donc pas leur identité ou leur nature
qui a fait d'elles des victimes, mais leur statut.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
En termes biologiques, les violences
conjugales sont une forme extrême de « rétention de
partenaire », soit toutes les tactiques permettant de préserver
son succès reproducteur en ne perdant pas son compagnon
d'accouplement. Ici, darwiniens et féministes radicales pourraient
être sur la même longueur d'ondes : il en va d'un continuum entre
la main que l'on serre quand on se promène dans rue et celle que
l'on envoie dans la gueule. Ces stratégies ne sont pas équivalentes,
mais elles visent un même objectif : contrôler et orienter la
sexualité d'autrui à son profit en prévenant, punissant et
palliant l'infidélité. C<span lang="fr-FR">omme pour bien des
phénomènes construits sur des fondations biologiques, ils
surviennent et perdurent parce qu'ils émergent d'un « calcul »
avantageux pour (les gènes de) leurs agents. </span>Dans sa forme
masculine, la rétention de partenaire répond à l'incertitude de
paternité <span lang="fr-FR">inhérente à la reproduction des
mammifères placentaires. Les hommes ayant le plus à perdre en cas
de tromperie, ils ont aussi le plus à gagner à l'éviter par tous
les moyens, y compris létaux. Voici quelques traces* des racines
évolutionnaires des violences conjugales : elles sont quasi
exclusivement motivées par la jalousie, la courbe des risques suit
celle de la fertilité féminine, les femmes y sont d'autant plus
vulnérables qu'elles ne sont pas mariées avec leur agresseur, ont
« recomposé » avec lui une famille avec leurs enfants
« d'un premier lit » ou forment (en étant les plus
jeunes) un couple à forte différence d'âge. Il ne s'agit en aucun
cas de justifications, d'excuses ou d'une incitation à regarder
ailleurs, seulement d'une étiologie que l'on ne peut ignorer pour
avoir quelque espoir de prévenir et traiter le mal. </span>
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span lang="fr-FR">*d'autres sont
consignées dans mon livre </span><span lang="fr-FR"><i>La domination
masculine n'existe pas </i></span><span lang="fr-FR">(Éditions Anne
Carrière)</span></div>
<br /><br />
<div style="text-align: right;">
Version originale de <a href="https://www.lepoint.fr/debats/peggy-sastre-la-qualification-du-crime-13-09-2019-2335479_2.php" target="_blank">l'éditorial</a> parue dans Le Point le 12 septembre 2019</div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-59105649747293749942019-12-07T23:55:00.002+01:002019-12-07T23:55:27.146+01:00Interview "Nouvelles féministes"J'ai été interviewée à la rentrée 2019 par un étudiant en journalisme préparant un dossier sur les "Nouvelles féministes", voici ses questions et mes réponses :<br /><br /><b><br /></b><div>
<b><br /></b></div>
<div>
<b>On voit émerger depuis plusieurs années, un militantisme féministe toujours plus actif sur internet. Comment le décririez-vous ? </b><br />Les réseaux sociaux ont été une aubaine pour les activistes et la militance en général, les féministes ne sont pas une exception. Leurs modalités d'action ne sont pas non plus spécifiques, il s'agit de trouver des messages simples et de les répéter ad nauseam. De ne pas véhiculer des arguments, des outils pour la pensée, l'échange, le dialogue, mais des éléments de langage et du débat préfabriqué. Ce n'est pas un monde, ce ne sont pas des codes qui m'intéressent.<br /><br /><br /><b>Comment internet a t-il (ou non) participer au renouvellement des idées féministes ? </b><br />Je ne vois pas de renouvellement, mais une sorte d'éternel retour du pire. Les « débats » qui semblent aujourd'hui hyper « actuels » sur l'écriture inclusive, les prétendues attaques contre la « dignité » féminine dans l'art / la publicité ou la soi-disant « invisibilisation » du clitoris, on les entendait déjà chez les suffragettes ou sur les campus nord-américains des années 1960 et 1970. La seule différence, à mon sens, avec des époques antérieures, c'est l'ampleur qu'a pris la propagande. Sa maintreamisation. Si les réseaux sociaux y sont pour quelque chose, c'est dans le sens où ils offrent aux journalistes une réserve quasi infinie de contenus très faciles et économiques à produire en masse, avec un taux de viralité souvent assez élevé.<br /><br /><br /><b>Quelles sont les courants dominants qui s’expriment sur internet ? </b><br />Ce sont les mêmes courants dominants que partout ailleurs. Du victimaire, du constructionnisme, de la théorie du complot à peine déguisée en lutte contre le grand Satan patriarcal, sans compter l'émergence d'un courant anti-science et anti-raison gravitant autour d'une valorisation de la figure de la sorcière. On voudrait faire passer les femmes pour des décérébrées, réactiver les pires clichés misogynes, on ne s'y prendrait pas autrement. C'est navrant.<br /><br /><br /><b>Quelle vision du féminisme défendez-vous de vôtre côté ? </b><br />Pour tout vous dire, vous tombez à une période où j'ai de moins en moins envie de défendre quoi que ce soit en général et un quelconque féminisme en particulier. La profonde bêtise de bien des débats estampillés « féministes » m'épuise et je n'aime pas être épuisée. Mon prochain livre n'en parle quasiment pas. Il est bien possible que le suivant n'en parle pas du tout. Avant d'être féministe – c’est-à-dire de défendre une égalité en droits absolue des hommes et des femmes – je suis pacifiste et rationaliste. Le féminisme que je soutiens étaye la concorde civile et s'intègre dans une vision rationnelle du monde. Celui que je critique sème des graines de guerre civile et se gave d'obscurantisme.<br /><br /><br /><b>Que pensez-vous des pratiques militantes telles que le « public shaming » ? </b><br />Beaucoup de mal. Comme de l'ostracisme en général, dont le public shaming n'est qu'un échantillon. Dans son dernier livre, <i>Dominion</i>, Tom Holland voit dans le féminisme dénonciateur un avatar d'une antique culture chrétienne et son argumentation est très convaincante. Le tour profondément religieux que prend le féminisme depuis plusieurs années n'est pas à sous-estimer, il me semble. Et c'est d'autant plus cocasse que « la sorcière » soit désormais une figure tutélaire, car personne n'est meilleure en « chasse aux sorcières » qu'une féministe des réseaux sociaux...</div>
Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-71221021161748043512019-11-26T17:15:00.004+01:002019-11-26T17:24:12.445+01:00La chasse à la pub sexiste est absurde<br />
<span style="font-weight: normal;">Les publicités sexistes n'ont
plus droit de cité au Royaume-Uni. Depuis le 14 juin, l'organisme
chargé du contrôle des publicités diffusées dans les médias
traditionnels et numériques, l'ASA, traque et censure tout contenu
véhiculant des </span><i><span style="font-weight: normal;">« stéréotypes
de genre potentiellement dommageables »</span></i><span style="font-weight: normal;">.
Parmi les représentations hors-la-loi, le shérif des réclames cite
la ménagère jonglant entre les lessives et l'aspirateur pendant que
son mari n'en fout pas une ou le businessman en pleine bouffée de
panique devant un paquet de couches. Selon l'ASA, ces directives sont
issues d'un rapport, publié en juillet 2017, riche en </span><i><span style="font-weight: normal;">« preuves
suggérant que des stéréotypes nuisibles peuvent restreindre les
choix, les aspirations et les opportunités des enfants, adolescents
et adultes, et que ces stéréotypes peuvent être renforcés par
certaines publicités pour contribuer aux inégalités de résultats
liées au genre dans la société »</span></i><span style="font-weight: normal;">.
</span>
<br />
<span style="font-weight: normal;"><br /></span>
<br />
<div style="font-weight: normal;">
Ce champ lexical délicieusement
bureaucratique où l'on frémit face aux méchants stéréotypes, aux
opportunités cadenassées et à la bigarrure des existences est issu
d'une littérature académique et militante où les « preuves »
sont en réalité aussi fragiles que sont fortes les contraintes
qu'elles motivent. Soit la merveilleuse recette d'une usine à gaz
aux coûts d'exécution inversement proportionnels à son efficacité,
et donc à l'assentiment qu'elle est à même de susciter.
</div>
<div style="font-weight: normal;">
<br /></div>
<div style="font-weight: normal;">
La règle est aussi élémentaire que
trop souvent ignorée : avant de prendre des mesures liberticides et,
par définition, susceptibles d'être froidement accueillies, il
convient de démontrer de manière robuste qu'elles apporteront des
bénéfices importants à une grande partie de la population, tant
elles correspondent à des problèmes dont la réalité, l'ampleur et
la gravité en justifieront les coûts, les contraintes et les
contrôles.
</div>
<div style="font-weight: normal;">
<br /></div>
Il en va d'ailleurs d'un aspect assez peu étudié de l'actuelle
crise des populismes : elle est aussi alimentée par une contestation
de plus en plus forte des bureaucraties nationales et supranationales
qui ne sont plus perçues comme vectrices de gains existentiels
concrets. Comme si leur autorité suivait la loi des rendements
décroissants, avec des mesures toujours plus lourdes et des
bénéfices toujours plus ténus. Là où la situation est la plus
explosive, c'est lorsque les contraintes désignent une partie de la
population comme les adversaires du bon comportement, de la bonne
pensée, de la bonne marche en avant. À ce titre, elles sont
ressenties comme des leçons de morale et de maintien, et sont
violemment rejetées.
<br />
<br />
<span style="font-weight: normal;">La principale assise théorique
de la chasse à la pub sexiste est la « menace du stéréotype »
qui, pour la résumer, énonce que les préjugés auraient une action
auto-handicapante sur les individus – c'est l'idée qu'un même
exercice serait plus ou moins bien réussi par des filles selon qu'il
est présenté comme du « dessin » ou de la « géométrie »
parce que « la société » pousse les petites filles à
douter de leurs compétences mathématiques et, en fin de compte, les
empêche de devenir astronautes.</span> Sauf qu'à l'heure où les
sciences humaines et biomédicales sont en pleine crise de la
reproductibilité, la faiblesse de cette théorie ne cesse d'être
dénoncée par les experts.
<br />
<br />
En d'autres termes, la censure que met en œuvre l'ASA repose sur
un château de sable scientifique. Le pire dans l'histoire ? Que
les censeurs n'ont même pas consulté le rapport qu'ils prétendent
exploiter car on peut y lire : <i>« Concernant l'origine des
différences genrées, il n'existe aucun consensus scientifique et
elles sont probablement le fruit d'une combinaison de facteurs innés
et culturels. La littérature n'est pas concluante sur le rôle que
joue la publicité dans la construction ou le renforcement des
stéréotypes de genre comme dans les comportements genrés
stéréotypés ».</i> À moins qu'ils n'aient choisi de l'ignorer et
de suivre la voie de l'ingénierie sociale, aussi idéologiquement
biaisée que socialement incendiaire.<br />
<br />
<div style="text-align: right;">
Version originale de <a href="https://www.lepoint.fr/debats/peggy-sastre-la-chasse-a-la-pub-sexiste-est-absurde-15-07-2019-2324540_2.php" target="_blank">l'éditorial</a> paru dans Le Point le 15 juillet 2019</div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-34722861373293272732019-07-04T23:58:00.002+02:002019-07-04T23:58:37.509+02:00Chronique "Peggy la science", in Causeur n°68 (mai 2019)<br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<b><a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1069397118799298?fbclid=IwAR3UoqjTeImUjHgwZbI8CgbJrPiT_s-Pm4BrY-wsNO27shaPDzk3_OY2FoY" target="_blank"><span style="font-family: inherit;">Ticket de métro universel</span></a></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Chez les Indiens Kogi de Colombie, le
mythe de la création des sexes n'est pas une affaire de côte mal
taillée mais de poil pubien fertile. C'est lorsque la Mère
primordiale s'arracha un poil de chatte pour le planter au mitan d'un
corps agame que ce dernier se vit pousser un pénis – et que
l'humanité fut divisée en hommes et femmes. L'histoire peut être
cocasse, mais elle révèle surtout combien l'importance accordée à
la toison pubienne est loin de se limiter à l'époque contemporaine.
Contestant l'idée que le défrichage des bas morceaux serait une
invention aussi occidentale que récente, et uniquement fruit des
« injonctions » d'une société hypnotisée par les films
de boules et les marchands du temple cosmétique, Lyndsey K. Craig et
Peter B. Gray, anthropologues à l'université du Nevada, ont décidé
de mener la première analyse « systématique et
interculturelle » de l'épilation pubienne. Leur étude
exploite des « données descriptives » portant sur 72
cultures disséminées de par le monde et les époques – pour des
publications courant de 1894 à 2001. Il en ressort que la pratique
est bien universelle et ne peut être exclusivement expliquée par la
publicité et la pornographie de masse, vu qu'aucune des sociétés
pré-industrielles étudiées n'y avait accès. Pour ces maillots
primitifs, la technique de choix est l'extraction manuelle – avec
divers ersatz de pinces à épiler, comme les Indiens Tapirapé qui
se servent de coquilles de palourdes ou les Selknams de la Terre de
Feu (aujourd'hui disparus) qui s'arrachaient les poils avec les
doigts et une mixture de cendres. Craig et Gray montrent par ailleurs
que si les femmes sont les premières concernées, les hommes ne sont
pas en reste, tant il n'est pas rare que le débroussaillage soit
intégré dans un rituel marital marquant l'entrée à la fois dans
l'âge adulte et la vie sexuelle. La motivation numéro un est
d'ordre hygiénique – comme chez les Ila (Afrique australe) où les
femmes craignent que leurs poils ne piquent le pénis de leur
partenaire et l'infectent. Ce qui fait dire aux chercheurs que
l'épilation intime relève d'une évolution bioculturelle et que
l'entretien de la toison pubienne, où la dégradation des protéines,
lipides, acides gras et stéroïdes secrétés par les glandes
sudoripares produit un fumet variant au gré de l'état reproductif,
est avant tout un signal d'activité et de réceptivité sexuelles
sur lequel le complexe playboyo-esthétique n'a fait que capitaliser
depuis quelques siècles.
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<b><a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0963721418817755" target="_blank"><span style="font-family: inherit;">Les psychologies des extrêmes se rejoignent</span></a></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Christopher Hitchens, après Sigmund
Freud, en parlait comme du « narcissisme des petites
différences » – le fait que les ennemis les plus jurés ont
toutes les chances de se ressembler énormément. L'étude de
Jan-Willem van Prooijen et André P. M. Krouwel, chercheurs en
psychologie expérimentale et en sciences politiques à l'université
libre d'Amsterdam, confirme la conjecture en montrant que quatre
caractéristiques psychologiques unissent les extrémistes de gauche
et de droite. La première est une détresse intellectuelle – un
sentiment de « perte de repères », d'incertitude, voire
d'angoisse – qui agit comme un terreau à radicalité par la quête
d'une cause susceptible de redonner du muscle à une estime de soi
raplapla. Par exemple, et par rapport aux modérés, les extrémistes
disent souvent avoir peur pour leur avenir économique et expriment
beaucoup de méfiance vis-à-vis des institutions, notamment
gouvernementales. La seconde, découlant de la première, est un
« simplisme cognitif » ou un goût prononcé pour le
manichéisme, les solutions en noir et blanc et tout ce qui semble
clarifier un « environnement social complexe via un ensemble
d'hypothèses simples rendant le monde plus compréhensible ».
La troisième est un excès de confiance et un sentiment de
supériorité idéologique (« j'ai raison et pas toi »)
sur tout un tas de sujets allant de la sécurité sociale à
l'immigration en passant par la discrimination positive. Une tendance
corroborée par des tests vides de toute saveur partisane et qui
s'assortit d'une plus grande propension au biais de confirmation. La
dernière est un penchant prononcé pour l'intolérance et le
dogmatisme – et le fait de voir ses « jugements moraux comme
des absolus reflétant une vérité simple et universelle ». Le
tout, alertent les chercheurs, étant une formidable recette de
castagne entre groupes persuadés de n'avoir rien à voir les uns
avec les autres et tout à gagner de l'élimination de leurs «
antagonistes ».</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<b><a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-41258-2.pdf" target="_blank"><span style="font-family: inherit;">Une seule allergie vous irrite et tout un cerveau devient non-binaire</span></a></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">À l'heure où la saison du rhume des
foins et de la montée de sève bat son plein, une étude publiée
quelques jours avant l'équinoxe de printemps a de quoi laisser
songeur quant à la précarité de nos préférences amoureuses.
Menée par Kathryn M. Lenz (université de l'Ohio) et ses collègues,
cette étude établit un lien solide entre réaction allergique et
sexuation du cerveau : chez les rats, les femelles ayant été
exposées à un allergène durant leur gestation donnent naissance à
des petits qui, toute leur vie, auront des comportements sexuels
« atypiques ». En d'autres termes, les femelles nées de
mères ayant connu l'équivalent murin d'une grosse crise d'asthme se
comporteront comme des mâles. De fait, cet effet d' « inversion »
est bien plus fort chez les femelles, qui passeront le plus clair de
leurs journées à vouloir grimper leurs petites copines et à se
transformer en folles du cul à la moindre odeur féminine dans les
parages. L'action de l'allergie maternelle sur le développement
sexuel de la progéniture est aussi détectable au niveau cellulaire
dans le système nerveux des bestioles. Notamment, les filles de
mères allergiques auront une zone du cerveau (l'aire préoptique,
connue pour réguler la motivation sexuelle des mâles) plus riche en
synapses qu'à l'accoutumée. Mais si le changement se fait en miroir
chez les mâles, il ne se traduit chez eux que par un moindre intérêt
pour la gaudriole, sans coming-out à prévoir.</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-39058562936583964352019-07-04T23:50:00.003+02:002019-07-04T23:50:58.964+02:00Quand l'université devient tribunal <br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Sur les campus de l'anglosphère, les
profs ont la trouille. <span lang="fr-FR">Dans un mélange de
consumérisme étudiant, d'emploi académique précaire et de
pleutrerie administrative mal camouflée en bienveillance
« pastorale », l'ambiance est radioactive.</span> Les
élèves peuvent accuser leurs enseignants d'à peu près n'importe
quoi et, dans les procédures disciplinaires kafkaïennes qui en
découlent, ces derniers n'ont quasiment aucun moyen de se défendre
sans bousiller leur carrière et leur santé. Récemment, j'apprenais
qu'un professeur new-yorkais était sous le coup d'une plainte pour
violation du Titre IX (la législation fédérale sanctionnant les
discriminations sexuelles dans les établissements recevant des
subsides publics) à cause de deux « crimes » perpétrés
dans ses cours de psychologie : avoir parlé de « sexualité
féminine » et indiqué que l'anorexie touchait davantage les
femmes blanches que les noires. Soit une expression anodine et une
réalité scientifique pouvant d'ailleurs s'étendre à tous les
troubles du comportement alimentaire. Dans le monde universitaire
américain, l'hubris fragiliste de la « culture de la
victimisation » est désormais telle que des enseignants sont
admonestés pour avoir voulu transmettre leur savoir, la raison
d'être de leur travail.
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Le 28 mai, une tribune publiée dans
The Atlantic dénonçait les périls que ce climat fait peser sur la
science et ceux qui l'ignorent. Luana Maroja, professeure de biologie
au Williams College et directrice de son programme de biochimie, y
détaille comment des faits scientifiques sont victimes de la même
censure qui occulte des opinions politiques ou des expressions
artistiques jugées offensantes par des étudiants toujours plus
avancés dans leur métamorphose en gardes rouges maoïstes. Après
avoir banni la formule « femme enceinte » (remplacée par
« humain enceint ») et interdit (ou voulu interdire) des
pièces de théâtre jugées « racistes » (mais néanmoins
écrites par des Afro-Américains), des élèves en viennent à ne
plus vouloir entendre parler de QI, d'héritabilité (le degré de
transmission génétique d'un trait, physiologique ou comportemental,
entre un parent et sa progéniture) et de sélection de parentèle
(une des plus grandes avancées de la théorie darwinienne au XXe
siècle, permettant notamment de comprendre la coopération et
l'altruisme dans le monde animal). Entre autres justifications de
leur « dénialisme biologique », les étudiants
prétendent que le QI a été inventé pour ostraciser des minorités,
que l'héritabilité est un mythe et que la sélection de parentèle
légitime le népotisme de Trump. Trois contre-vérités, mais si
Maroja cède aux griefs de ses étudiants – ou se retrouve face à
une administration acceptant de leur caresser la susceptibilité dans
le sens du poil – comment s'y prendra-t-elle pour les sortir de
l'erreur si la simple <i>mention</i> de ces phénomènes devient un
sacrilège ?</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">Il y a deux ans, presque jour pour
jour, des étudiants d'Evergreen, une autre université d'arts
libéraux américaine, patrouillaient sur leur campus armés de
battes de base-ball à la recherche d'un professeur de biologie, Bret
Weinstein, coupable à leurs yeux de racisme pour avoir critiqué le
bien-fondé d'une journée d'exclusion des Blancs. Dans le Wall
Street Journal, son épouse Heather Heying, elle aussi biologiste,
allait dénoncer une « attaque contre les valeurs des
Lumières : la raison, le questionnement et le dissentiment. Les
extrémistes de gauche en ont après la science. Pourquoi ?
Parce que la science recherche la vérité et que la vérité n'est
pas toujours convenable ». En écho au célèbre poème de
Martin Niemöller déporté en 1937, Heying intitulait sa tribune :
« D'abord ils sont venus chercher les biologistes ».
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br />
</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;">L'analogie n'est pas exagérée, car
vouloir faire taire un enseignant et se boucher les yeux et les
oreilles face à des faits qui nous « outragent » est un
carburant à ignorance. Une lacune où germent les despotes et
prospèrent les tortionnaires.</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="background-color: white; text-align: right;"><br /></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="background-color: white; text-align: right;">Texte original de </span><a href="https://www.lepoint.fr/editos-du-point/peggy-sastre-quand-l-universite-devient-tribunal-07-06-2019-2317503_32.php#xtmc=peggy-sastre&xtnp=1&xtcr=2" target="_blank">l'éditorial paru dans Le Point</a></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-12808558638884182912019-06-30T17:00:00.002+02:002019-06-30T17:00:55.876+02:00Interview avec Nancy Giampolo pour Clarin (Argentine)<span style="font-family: inherit;"><br /><b>Why do you ensure that the new feminism is puritanical and retrograde?</b><br />A prostitute and friend of mine once said to me that feminism was a great idea until it came to power. I think it's a good summary of what I'm concerned about in contemporary mainstream feminism. Its main goal is not how to free women or assure the gender equality but to rule and maintain its status. And the thing is that fear has always been a great tool of power – if you make people afraid, they are more prone to obey. Since my first book in 2009, I see mainstream feminism as one of the most blatant proof of the failure of sexual revolution, which was not, in theory, only a sexual liberation (you are free to fuck whoever and whenever you want) but also a liberation from sex (sex as no burden to the soul, especially for women). But with mainstream feminism, the « stain » of sex has never been so salient – in the old days, we punished « bad » women (a stigma that remains with prostitutes), now we punish « bad » men, but the motto is the same : no soul can be freed from the burden of sex. #Metoo is very exemplar of that trend I saw growing on the feminist blogosphere since decades : our first « silence breaker » in France was Sandra Müller, a journalist who said she was sucked into a « spatio-temporal abyss » because a man told her he wanted to make her come all night – with no threat whatsoever and the guy apologized the day after the incident (Müller now faces defamation charges). What message do we convey when we say this ? That a sexual comment has the power to annihilate you ? It's very victorian – women are delicate flowers who have to be put under glass because the world is full of dangers for their « purity ». And it's an old and sorry trick.<br /><br /><br /><b>In your view, what are the main points that the new feminism uses to undertake "witch hunts"?</b><br />Again, a politics of fear. The day after our manifest, some mainstream feminists wrote a counter- letter to accuse us to be defenders of rapists and paedophiles. A former Minister of Women's Rights even said on a very popular radio show that our letter was an excuse to rape in fancy clothes. That's text-book agit-prop : obscure the facts with fear, make people react and not think. Dig trenches between friends and foes, against which everything is allowed. Here, we found again the « stain », the defilement logic : your « ennemies » are not people, they are existential threats, so they must be sought and destroyed.<br /><br /><br /><b>What is the position the manifesto signers have regarding the sorority concept and the idea that a woman who claims to have been harassed could never lie?</b><br />I can't speak for all the signatories, I only speak for me. To me, sorority displays the religious (or "mystic" as Bertrand Russell said) nature of the feminism I despise. When you don't want to understand, let alone change, reality, but to build cults, tribes, ministries where you stay among clones and hunt the heretics. For that, you need a dogma and a gospel - the utopia of the sorority is one of these unfalsifiable categories. And its goes hand in hand with the « believe all victims » mantra, as women were one big and monolithic category of pure angels absolutely devoid of bad intentions. People can lie about being dead to fool the police or insurances, but no woman can lie about being « inappropriately » touched or talked ? Give me a break ! It's a simple law of supply and demand – when victimhood becomes a status currency, you have all the incentives of the world for lying about being one. And now's the time. The backlash will be ugly, but sadly predictible.<br /><br /><br /><b>What do you think would be truly empowering for a Western woman today?</b><br />The same as ever : to have the means to sustain your own existence. Don't depend on anyone and the rest will follow. And as a rationalist feminist, I will add <i>Nullius in verba</i> : Take nobody's word for it. Always check facts and practice critical thinking, as the search for the truth is the best venture ever, whether or not you have a vagina. </span><br />
<div>
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div style="text-align: right;">
<span style="font-family: inherit;">Version originale de l'interview parue dans <a href="https://www.clarin.com/opinion/peggy-sastre-feminismo-main-stream-prueba-cabal-fracaso-revolucion-sexual_0_KxL6ay2-7.html" target="_blank">Clarin</a>, le 30 juin 2019</span></div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-79214974424767522232019-06-04T22:35:00.000+02:002019-06-04T22:37:09.691+02:00Interview par Sarah Constantin pour Grazia<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black; font-family: inherit;"><b>Que penses-tu de la réaction de Marlène Schiappa, qui critique la grève du sexe lancée par Alyssa Milano et affirme que cela n'est que « se priver soi même » et « nous punir une deuxième fois » ?</b></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: white; color: black; font-style: normal; font-variant-caps: normal; font-variant-ligatures: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; text-align: start; text-decoration-color: initial; text-decoration-style: initial; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px;">
<span style="color: black; font-family: inherit;">Je suis assez d'accord et c'est très cocasse de voir que le présupposé de la grève du sexe – les femmes sont pourvoyeuses d'un service qu'elles rendent aux hommes en échange d'avantages – est une vision très conservatrice car naturelle du rapport économico-sexuel. En moyenne, la plus grande différence sexuelle entre les hommes et les femmes considérés en tant que groupes relève du goût pour la variation des partenaires – ce n'est pas que les hommes ont plus de libido que les femmes, mais qu'ils ont une plus grande propension à multiplier les partenaires et ce pour des raisons ultimement reproductives. Pour le dire très schématiquement, pour que leur stratégie reproductive soit optimale, les hommes ont tout intérêt à minimiser leur investissement parental dans leur progéniture et donc à multiplier les rapports féconds sans engagement. Les femmes, aussi, sauf qu'en tant que mammifères placentaires, elles ont un investissement parental minimal bien plus conséquent que les hommes : minimiser leur propre investissement signifie donc sécuriser la présence d'un pourvoyeur de ressources en restreignant ce qui est le plus délétère pour ses gènes à lui, à savoir élever des enfants dont il n'est pas le géniteur. D'où l'intérêt que les femmes ont à être (mais surtout, à passer pour) chastes. Et dans le contexte du droit à l'avortement, c'est méconnaître la réalité des clivages existants sur la question et les facteurs qui y contribuent : les plus grands écarts d'opinion ne sont pas observés entre hommes et femmes, mais entre femmes entre elles, avec la religiosité jouant un rôle très important. Ce sont les femmes conservatrices qui ont tout intérêt à restreindre le droit à l'avortement pour conserver un coût élevé au sexe et s'assurer l'investissement masculin. C'est ce qu'une bonne partie des féministes orthodoxes ne comprennent pas : l'avortement est sans doute l'un des sujets où la guerre des sexes est le moins à l’œuvre ! C'est avant tout une question de compétition intrasexuelle féminine, comme quasiment toutes les questions sociétales liées à la gestion de la reproduction : de l'avortement au mariage homosexuel en passant par la prostitution ou même le port du voile islamique, les franges les plus conservatrices des populations sont composées de femmes que la « promiscuité » de leurs homologues menace. Il est donc dans leur intérêt de l'endiguer.</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black; font-family: inherit;"><b>Pour toi, u<span style="font-size: small;">ne grève du sexe, c’est renoncer au plaisir ou se mettre en position de pouvoir ? </span></b></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="background-color: white; font-family: inherit;"><br /></span>
<span style="background-color: white; font-family: inherit;">Ce n'est pas mutuellement exclusif et cela dépend aussi des raisons de sa mise en œuvre. Les grèves du sexe les plus efficaces ont des motivations pacifistes : pour faire stopper une guerre ou généralement de la violence coalitionnelle (gangs, etc.), on prive les hommes de sexe (mais souvent aussi de tâches ménagères...). Dans ce sens là, la chose est logique : les hommes allant à la guerre (notamment) pour se mesurer entre eux et augmenter leur pool de partenaires (et donc leur succès reproducteur, à savoir la quantité de gènes qu'ils transmettront à la génération suivante), si on leur coupe cette motivation, le rapport coût/bénéfice de la guerre penche davantage vers le premier plateau. Ici, les femmes peuvent effectivement renoncer temporairement au plaisir, mais elles se mettent aussi dans une position de pouvoir.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: white; color: black; font-style: normal; font-variant-caps: normal; font-variant-ligatures: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; text-align: start; text-decoration-color: initial; text-decoration-style: initial; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: white; color: black; font-style: normal; font-variant-caps: normal; font-variant-ligatures: normal; letter-spacing: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; text-align: start; text-decoration-color: initial; text-decoration-style: initial; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: inherit; font-size: small;"><b>Ce mode d'action est il encore approprié aujourd'hui ? </b></span></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: white; color: black; font-style: normal; font-variant-caps: normal; font-variant-ligatures: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; text-align: start; text-decoration-color: initial; text-decoration-style: initial; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<span style="background-color: white; font-family: inherit;">Dans les environnements comme le nôtre où la guerre des sexes est la moins prégnante, absolument pas. Dans des sociétés promouvant l'égalité entre individus en général et entre hommes et femmes en particulier, c'est même complètement con de réactiver des clivages qui ne cessent de s'atténuer. D'un point de vue politique, c'est aussi contre-productif : des personnalités conservatrices comme Candace Owens ont surfé sur le buzz de la guerre du sexe en disant en gros : super, que les gauchistes arrêtent de baiser, nous on va le faire deux fois plus et on va vous supplanter démographiquement. C'est une vision aussi totalement basse du plafond, mais le fait est que dans le contexte politique américain actuel, chaque camp joue pour lui-même des stratégies de courte vue. De même, sans doute que Milano a engrangé des points de capital social auprès de sa tribu : mais est-ce que cela fait avancer la cause de la liberté reproductive féminine ? Absolument pas. Ces derniers jours, les États corsetant leurs législations sur l'avortement se multiplient. Dans les faits, elles sont inapplicables, car le droit à l'IVG est autorisé au niveau fédéral. Sauf que le but ultime des Républicains « pro-life » est d'aller à la Cour suprême, aujourd'hui majoritairement républicaine, pour lui ôter sa constitutionnalité. Qu'une bonne partie des progressistes semblent ne pas le voir et préfèrent jouer l'affichage de vertu du « slacktivisme » est complètement déprimant.</span><br />
<div style="text-align: right;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-family: inherit;">Version intégrale de l'interview publiée dans </span><a href="https://www.grazia.fr/news-et-societe/news/pour-ou-contre-une-greve-du-sexe-pour-defendre-l-avortement-924188" style="font-family: inherit;" target="_blank">Grazia</a><span style="font-family: inherit;"> le 4 juin 2019</span></span></div>
<br />
<div style="height: 0px;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-28037716938202251102019-06-01T01:16:00.001+02:002019-06-01T01:27:02.733+02:00La morale, mère de toutes les dissensions<br />
Contrairement à ce que pouvait penser Descartes, la chose la
mieux partagée au monde n'est pas le bon sens mais l'envie de
pourrir la vie d'autrui. Voilà d'ailleurs l'une des caractéristiques
les plus affligeantes de notre espèce : le fait que, pour faire
passer la pilule de ses désirs de nuisance, rien ne vaille leur
enrobage dans un dessein bienveillant. Le tour de passe-passe se fait
avant tout de soi à soi et de manière parfaitement inconsciente,
tant cela garantit sa réussite. Mis à part quelques rares
psychopathes, personne ne va emmerder son voisin pour la beauté du
geste et tout le monde sera persuadé de le remettre dans le droit
chemin (si ce n'est directement pour son bien, alors ce sera pour
celui du voisinage). C'est par un tel processus de « justification
morale », comme le désigne le psychologue Albert Bandura,
qu'une volonté de destruction se transforme en phénomène
individuellement et socialement acceptable. Et plus les causes qu'on
s'imagine servir sont grandioses, plus nombreux et durs seront les
coups permis, avec l'ineptie des premières galvanisant la férocité
des seconds. Car la cruauté est d'autant plus sûre que les idées
défendues sont débiles – « qui est en droit de vous rendre
absurde est en droit de vous rendre injuste », écrivait
Voltaire. La morale n'est pas qu'un métaphorique écran de fumée,
elle est un redoutable camouflage à motivations fumeuses parce
qu'elle nous permet littéralement de ne pas en avoir conscience.
Sauf que se croire armé des meilleures intentions du monde est le
meilleur moyen d'occulter les massacres nécessaires à leur
concrétisation.<br />
<br />
Mais comme les forces vont souvent par paire, l'humain est aussi
doté d'une fâcheuse tendance à ne pas aimer qu'on l'emmouscaille.
Avant d'accepter qu'on lui grignote l'autonomie, il exige de bonnes
raisons. Si elles ne viennent pas et qu'elles tyrannisent par trop
son intelligence en étant contradictoires, incompréhensibles ou
invraisemblables, alors les chances sont élevées qu'il en vienne à
ruer dans les brancards. Oui, nous sommes décidément de sales
bêtes : plus nous nous sentons contraints à cibler le bien,
plus nous prenons un malin plaisir à exercer notre liberté en
visant à côté.<br />
<br />
Le 14 mai dernier, Andréa Kotarac, élu La France Insoumise au
conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, annonçait rendre son
tablier et appelait à voter pour le Rassemblement National lors de
l'imminent scrutin européen afin de « faire barrage » à
la liste Renaissance soutenue par Emmanuel Macron. Parmi les motifs
de sa défection, Kotarac citait l'hégémonie de plus en plus
marquée de « concepts diviseurs » au sein de sa
formation politique, des concepts vecteurs d'une « balkanisation »
et d'une « communautarisation de la société française ».
Il donnait, entre autres, l'exemple de l'écriture inclusive.
<br />
<br />
Sans partager ni l'orientation idéologique du bonhomme ni ses
consignes de vote, ce dernier constat est le mien depuis des mois :
parce qu'elle repose sur des analyses linguistiques et
sociolinguistiques indigentes et sur des arguments historiques
erronés, l'idée que l'écriture inclusive serait au service d'une
lutte bienveillante contre les inégalités sexuelles fait partie de
ces fausses croyances qui, pour être mises en œuvre, nécessitent
l'assistance d'un autoritarisme persuadé d'être moralement
justifié. Le plus pathétique, mais aussi le plus glaçant dans
l'histoire, c'est que ses céroféraires semblent ne pas voir le mur
sur lequel leurs belles promesses vont s'écraser. C'est bien le
problème avec l'utopie, le rappelle l'essayiste et journaliste
britannique Peter Hitchens, « l'atteindre exige de traverser
une mer de sang sans jamais toucher l'autre rive ».
<br />
<br />
<br />
<div style="text-align: right;">
Version originale de l'éditorial paru dans <a href="https://www.lepoint.fr/editos-du-point/peggy-sastre-la-morale-mere-de-toutes-les-dissensions-23-05-2019-2314591_32.php" target="_blank">Le Point n°2438</a></div>
Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-53460020922861965172019-05-17T17:48:00.004+02:002019-05-17T17:48:47.795+02:00Interview avec Nancy Giampaolo pour Paco (Argentine)<br />
<div lang="en-US">
<b>How it started and developed the manifesto you've
signed (along many celebrities of the french culture)?</b></div>
<div lang="en-US">
<br /></div>
<div lang="en-US">
For me, it's started behind my computer when I
listened to Catherine Millet on the radio. In an interview about her
book on D.H. Lawrence, the journalist asked her what she thought
about #metoo and #balancetonporc (the french hashtag « rat your
pig out » for women denouncing everything from callous men to
rape on Twitter). At first, she didn't want to answer, saying she
wanted only to speak about literature. And then, after the insistence
of the journalist, she said she was very suspicious about the
« movement », that it could display some puritanist urge
and a fear of sex. It was like a breath of fresh air, because I felt
very isolated at the time with my own fears and questions – in
France, because I saw people worried about the excesses of Metoo
right at the beginning in the anglosphere. So I contacted Millet, who
I knew from 10 years or so. When we saw each other, with a friend of
mine and writer, Abnousse Shalmani, she told us she was also
contacted by Sarah Chiche, one of my former publishers who became a
friend over the years, who was also worried. She wrote the first
draft of the text and then we edited it in 10 days or so. At first,
we wanted it just to be an open letter, signed by us and Catherine
Robbe-Grillet, a friend who (for the anecdote) convinced me to write
my first book in solo about my view on feminism. Then, we had the
idea of making some kind of manifest and asking other women to join
us - everything speeded up when Brigitte Lahaie, former porn star of
the 1970's and now a very famous radio host, asked around for
signatures. One of our last signatories was Catherine Deneuve - the
text was set to be published on the next day when we had her formal
approval. </div>
<div lang="en-US">
<b><br /></b></div>
<div lang="en-US">
<b>In Argentina, some slogans as "the personal
is political" became a staple in discussing feminism, with the
immediate effect of placing the whole item in a emotional-subjective
field, which I think banalizes any serious thought or real political
constructions eventually derived from it. What is your idea about it?</b></div>
<div lang="en-US">
<br /></div>
<div lang="en-US">
I'm very suspicious of it. Another way to say it is
"everything is political", which is the textbook of a
totalitarian mindset. No, I don't think everything is political and I
think many areas of our lives - and especially our private lives -
are devoid of "systemic power structures". To think "the
personal is political" is to show a lack of understanding of the
complexities and nuances and diversities of the human emotional and
sexual behavior. In other words, it's utter bullshit and it's a
dangerous one. </div>
<div lang="en-US">
<b><br /></b></div>
<div lang="en-US">
<b>Does exist in France (or maybe Paris) divergent
points of view or attitude between lesbian-gays groups? If that's the
case, how they differ and why?</b></div>
<div lang="en-US">
<br /></div>
<div lang="en-US">
I think there's a profound cultural divide between
lesbians and gays - it's the first time I tell it publicly, but I'm
bisexual myself, my first consensual sexual experience was with a gay
man 20 years older than me and I lived the first part of my adult
life as a fag hag. In France, the powerful lesbians (the ones we see
in the public sphere) are the orthodox feminist ones, which means
they are mostly angry, boring and intellectually kind of poor, as
totalitarians often are. The likes of Colette or Marguerite Yourcenar
are long gone... But the "gay scene" is much vibrant,
diverse and fun - and, as I see it, much more literally powerful. For
the anecdote, a prominent gay man wanted to sign the manifest and
openly support it, but he changed his mind fearing a hard clash with
the lesbians of his organization. I think he was sadly right. One of
the problems we have now with feminism, it's that it's been hacked by
some bitter lesbians who, again, don't represent at all the diversity
of lesbians in particular and women in general. </div>
<div lang="en-US">
<b><br /></b></div>
<div lang="en-US">
<b>When Catherine Millet visited Buenos Aires,
smashed in her conference the "sorority" concept (causing a
serious distress among certain activists). Although is a
"logic-free" construction I see (through my own experience
as journalist) how the idea is presented over an over as the holy grail of feminism. Do you know or suppose why?</b></div>
<div lang="en-US">
<br /></div>
<div lang="en-US">
I think it's displays the religious (or "mystic"
as Bertrand Russell said) nature of the feminism I despise. They
don't want to understand, let alone change, reality, they want to
build cults, tribes, ministries where they stay among clones and hunt
the heretics. For that, they need a dogma and a gospel - the utopia
of the sorority is one of these unfalsifiable categories. The less
"sororal" women I met in my professional life were orthodox
feminists and it's no accident. Feminism has become the last
occurrence of virtue signaling weapons for self-serving hypocrites.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">
Texte intégral de l'interview parue dans <a href="https://revistapaco.com/peggy-sastre-el-feminismo-se-ha-transformado-en-la-ultima-ocurrencia-de-los-paladines-de-la-virtud/" target="_blank">Paco, le 11 avril 2019</a></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">
<br /></div>
<br />Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-59678153747885064522019-05-17T17:37:00.002+02:002019-05-17T17:38:26.167+02:00Interview avec Nancy Giampaolo pour Noticias (Argentine)<br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<b>1.- First to all I'd like to ask you
a brief summary of your books, what were your motivations for writing
them and if you would like to eventually publish them in the Spanish
speaking market.</b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span lang="en-US">Generally speaking,
my books are about a biological (thus evolutionary) frame on sexual &
gender issues. More precisely, they can show how feminism can't
function without this frame. I don't say « biology explains
everything» but « without biology, you can't explain anything and
do nothing if you're not an authoritarian » (I'm not and I'm rather
worried about the authoritarian tendencies I see in the Left in
general and in feminism in particular). For my first solo book « Ex
Utero » (2009), which was more of a « manifesto »
in its form, I coined the term « evofeminism » aka. a feminism
which is evolutionary informed and adaptive (if new facts are
discovered, then it's the ideology that has to change and not the
other way round). Since, in my work, I try & tend to minimize the
ideological aspect and maximize the scientific one. But my main
motivation has always been the same : find truth, not tribes. My main
pleasure in life is to learn things, so I'm very happy to teach
things to people and when readers tell me « Now, I see things
differently », this is the best that can happen to me. As of today,
I wrote books about evidence-based p</span>hytotherapy<span lang="en-US">,
evolutionary sex research, asexuality, gendered medicine,
evolutionary explanations of patriarchy and affective dependence. My
forthcoming book will be about behavioral biology in general, not
just about sex & gender. And I would be thrilled to see some of
my books translated in Spanish, especially « La domination
masculine n'existe pas ».</span><span lang="en-US"><b><br /></b></span><br />
<span lang="en-US"><b>2.-
What was your training (formation)? And your professional path?</b></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span lang="en-US">After three years of
« Hypokhâgne - Khâgne », I went studying philosophy,
with a major in epistemology and philosophy of science. My specialty
was about the parallels between Nietzsche and natural sciences,
especially Darwin, and my PhD focused on morality. I never intended
to stay in the academia after my PhD – I wanted to switch to
biological anthropology and one of the giants of this field, Napoleon
Chagnon, who was the victim of a vicious cabal at the time, convinced
me I would be more happy and have more of an influence outside than
inside academia. I'm afraid he was very right. To finance my studies,
I worked as a science journalist and a translator, and that's still
my main occupations now. With translations, I also can spread
interesting ideas and do my part in the « culture war » of today,
which can be summarized as follow : save science from academia and
save society from bad science. Recently, I'm very proud to have
imported Quillette in France – I translate one article per week in
the french news magazine « Le Point », and I hope more « joint
efforts » to come...</span><span lang="en-US"><b><br /></b></span><br />
<span lang="en-US"><b>3.-
During the last years, argentine feminism has become mostly
punitivist, with some of her referents/militants usually centered in obtain privileges over the rest, like the legal system acceptance of
allegations of abuse or harassment as proved facts even without
evidence. Could you find any particular reason to this?</b></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span lang="en-US">This is what happen
when you have nothing left to fight because all your battles have
been won but you are wanting to pursue the war nonetheless. This is
the “syndrome of retired St. George”, as Kenneth Minogue would
say. And it's also a sign of radical decay, when the main urge is to
demolish because your utopia needs a “creative destruction” –
but there's nothing good to hope from the demolition of the rule of
law and due process, this only pave the way to barbaric vigilantism.
The Enlightenment was born on the corpses of the European wars of
religion and now I'm afraid sectarian feminists are about to kill The
Enlightenment as they are planting the seeds of some new religious or
tribalistic wars.</span><span lang="en-US"><b><br /></b></span><br />
<span lang="en-US"><b>4.- The
document signed by you and other French intellectuals in reaction to
the Me too was harshly criticized in our country by the progressive
and leftist media and -to a lesser extent- by the conservative one,
but, in general, the feeling is that everything that comes from the
american star system is consumed here without critical thinking. How
has the situation been in France?</b></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span lang="en-US">It was very hard in
the traditional and social media, but very invigorating in private –
all the messages from people who had enough of the « kindly
inquisitors », as Jonathan Rauch would say, and thank us to have the
courage to speak up. But our open letter was hijacked by agit-prop
feminists who accused us to work for rapists and pedophiles : how
can one have a good faith discussion in this context? We wanted to
open a debate, they respond by digging trenches. But I must emphasize
that if I (and all the authors and signatories of the open letter)
have been mobbed, I had the full support of my editor at Slate and my
publisher in Anne Carrière : they never try to censor me and I would
always be grateful for that.</span><span lang="en-US"><b><br /></b></span><br />
<span lang="en-US"><b>5.-
Why do you think that some new branchs of the feminist movement show
so little interest in science and despise biology? Can we call label
this as "superstition"?</b></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span lang="en-US">Patricia Gowaty
talked about “scientific illiteracy”, I call it “cerebral
creationism”, Frans de Waal calls it « anthropodenial » : it's OK
to think evolution work for animals other than our species, or for
our physiology but not our psychology and behavior. That's a tragic
error. Like E. O Wilson or Jerry Barkow, I think biology have us in a
leash, but when you ignore or don't understand it, the leash became
shorter and evolution remains destiny.</span><span lang="en-US"><b><br /></b></span><br />
<span lang="en-US"><b>6.-
In my personal experience as a critical journalist of hegemonic or
corporate feminism, I am often the target of aggression, especially
by women. How was your experience in this field?</b></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span lang="en-US">The same. To be
honest, I wanted to have a public discourse on feminism because of
all the covert (and not so covert...) aggression I get from other
women when I was 20 or so. At the time, I had a very free life and
sexuality, and my main inquisitors where women who said to me I was
some kind of witch waiting to be burned.</span> <span lang="en-US"><br /></span><span lang="en-US"><b><br /></b></span><br />
<span lang="en-US"><b>7.-
Do you think there are women who are much more male chauvinist than
most part of men?</b></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span lang="en-US">This is not what I
think, this is what we observe : on all societal issues like
abortion, prostitution, porn, etc., the most conservative fringes of
the population are female-dominated. Female intrasexual competition
is a much more effective tool than « patriarchy » to explain the
attacks again individual freedoms relative to sexuality. I guess it's
no a coincidence if feminists are so eager to overshadow it. Feminism
is very much a war between some women who want to show their boobs
and some other who will do anything to stop them.</span><span lang="en-US"><b><br /></b></span><br />
<span lang="en-US"><b>8.-
In Argentina, feminist groups insist on making visible only the
crimes suffered by women by ignoring those committed against men -who
are greater in number (as example: men constitute 100% of the victims
of police violence, a very present issue in Argentina regarding the
relation among the law forces and our recent political past). How it
goes in France?</b></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
The same... You now, I really think
punitive feminism, as you call it, is very much some kind of
universal mental virus independent of cultural of national
idiosyncrasies. Here, we always hear « every three days, a women is
killed by a man » and not « at the same time, three more men are
killed by other men ». They refuse to see how feminicide is a
particular case of letal violence which is a male dominated
phenomenon, as much from the side of the victims than of the
perpetrators.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span lang="en-US">And it's not to say
male victims are more serious than female one, but to understand that
we won't tackle any of this problem if we frame it as a «sex war»
issue.</span><span lang="en-US"><b><br /></b></span><br />
<span lang="en-US"><b>9.- Speaking from
your philosophic background, can you risk any justification for this
anti-scientific and victorian drift that feminism has suffered in
last years?</b></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Psychology and cognitive sciences are
much more useful in this than philosophy. My guess is we are
witnessing today the complete failure of sexual liberation as an
utopia : you can't liberate sexuality if you don't liberate people
from the psychological burden of sex and all the contamination
modules it triggers in your brain. And to get there, you need much
more than wishful thinking. Sexual liberation was carried by
extraordinary people who make the mistake of taking their personal
case for a generality and not seeing the variability of the human
spectrum relative to sex urges. Sexual freedom is not a democratic
reality and as E.O. Wilson said, sex is perhaps the most antisocial
force of evolution. </div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="text-align: right;">
Original de <a href="https://noticias.perfil.com/2019/03/29/peggy-sastre-contra-el-feminismo/" target="_blank">l'interview parue dans Noticias, le 29 mars 2019</a></div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-89024844230535478732019-05-17T17:28:00.003+02:002019-05-17T17:30:11.473+02:00Alerte sur les sciences humaines et sociales ! <br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Je ne sais pas si vous avez remarqué,
mais le temps est maussade pour ceux qui, comme moi, voient dans la
démocratie libérale l'une des plus belles choses qui soient
arrivées à l'espèce humaine. On peut citer la Hongrie d'Orbán, la
Pologne de <span lang="fr-FR">Duda, le Brésil de Bolsonaro. Parmi
leurs points communs, il y a la prise en grippe des sciences humaines
et sociales (SHS). En octobre, le Ministre de l'éducation polonais
décidait de faire disparaître l'anthropologie et l'éthologie du
cursus universitaire. Quelques semaines auparavant, l'exécutif
hongrois annonçait sa décision de priver de financement public les
désormais fameuses « études de genre », parfois
improprement qualifiées de « théorie du genre » et que
les Polonais de Droit et Justice assimilent à une branche de la
« dictature LGBT ». Le 26 avril, le Ministre brésilien
de l'éducation déclarait envisager « la décentralisation de
l'investissement dans les facultés de philosophie et de sociologie »
– en d'autres termes, à leur couper les vivres. Des propos qui
font écho aux positions d'une éminence grise de Bolsonaro, Olavo de
Carvalho, un intellectuel féru d'ésotérisme et parti en croisade
contre le « marxisme culturel ». Selon cette théorie
complotiste, les épigones de l'École de Francfort et autres
mandarins post-modernes n'auraient qu'une idée en tête avec leur
amphigouri déconstructiviste : l'annihilation de la civilisation
occidentale. Et comme ils se nichent, comme de par hasard, au sein
des départements de SHS, qui veut rendre à l'Occident sa grandeur
fait péricliter les SHS, CQFD. (En 2011, le « marxisme
culturel » était l'un des ennemis que se donnait le terroriste
norvégien Anders Breivik dans son manifeste-prélude à son massacre
d'Oslo et d'Utøya).</span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span lang="fr-FR">Parce que la
mentalité d'assiégé n'est pas bonne conseillère, cet assaut de
nationalistes et de nostalgiques des dictatures militaires contre les
SHS fait dire à bon nombre de leurs sentinelles que toute critique
portée à l'encontre de ces disciplines revient à « servir
les intérêts » de la droite la plus extrême. Des humanistes
progressistes comme Helen Pluckrose, James Lindsay et Peter
Boghossian – auteurs de la série de canulars entendant dévoiler
la corruption des « études de doléances », des rogatons
délirants de la théorie critique – ou les intellectuels de
« l'appel des 80 » s'inquiétant des velléités
hégémoniques du « décolonialisme » sont ainsi accusés
d'être de fieffés fachos mal masqués. Jean-Louis Fabiani,
sociologue œuvrant à l'université d'Europe Centrale de Budapest –
qu'Orbàn a dans le pif, soit dit en passant – et signataire de
cette tribune fait état d'insultes et de menaces ayant mené à son
« </span><span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="https://www.youtube.com/watch?v=Nwdto3VQN_4"><span lang="fr-FR">humiliation
publique</span></a></u></span></span><span lang="fr-FR"> » cet
hiver. « Pendant la guerre d'Algérie », écrit Fabiani
au terme d'</span><span style="color: navy;"><span lang="zxx"><u><a href="http://jeanlouisfabiani.blog.lemonde.fr/2018/12/23/comment-en-finir-avec-un-vieil-instituteur/"><span lang="fr-FR">un
billet</span></a></u></span></span><span lang="fr-FR"> des plus
poignants « ma mère pouvait enseigner sans encombre dans une
zone de guerre. Aujourd'hui, je ne me sens plus en sécurité à
l'EHESS ». </span>
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
Bien sûr, l'arnaque
rhétorique n'est pas neuve. Victor Serge ou Simon Leys pourraient en
témoigner s'ils avaient l'heur d'être encore en vie : dénoncez les
crimes du totalitarisme communiste et hop, une armada de gardiens du
temple marxiste-léniniste-maoïste vous dira rouler pour le
fascisme. L'arme de dissuasion critique est facile et peut rapporter
gros, surtout dans des cercles psittacisant la définition que Carl
Schmitt (encarté nazi de 1933 à 1936) donnait du politique :
diviser le monde entre amis (à flatter) et ennemis (à abattre).
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
Sauf que dénoncer les
crimes intellectuels de quelques niches universitaires vérolées,
vouloir que les SHS soient régies par le plus haut degré de rigueur
intellectuelle, qu'elles promeuvent la liberté académique la plus
absolue, qu'elles reposent sur la plus épaisse assise factuelle et
qu'elles s'organisent autour de l'exercice le plus scrupuleux de la
logique rationnelle – et qu'elles établissent, pour ce faire, une
distinction stricte entre recherche et militance –, ce n'est pas
faire front commun avec le fascisme. Au contraire, c'est retarder sa
survenue. Voire l'empêcher, s'il est encore temps d'être optimiste.</div>
<br />
<br />
<div style="text-align: right;">
Texte original de <a href="https://www.lepoint.fr/editos-du-point/peggy-sastre-alerte-sur-les-sciences-humaines-et-sociales-13-05-2019-2312127_32.php#xtmc=peggy-sastre&xtnp=1&xtcr=2" target="_blank">l'éditorial paru dans Le Point n°2436</a></div>
Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-47906226381622463502019-05-10T22:55:00.001+02:002019-05-10T22:55:21.358+02:00Chronique "Peggy la science", in Causeur n°67 (avril 2019)<br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<a href="https://psycnet.apa.org/record/2019-03051-001?doi=1" target="_blank">Tueurs et tueuses, chasseurs et cueilleuses</a></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Quand j'ai appris la nouvelle, j'ai
failli défaillir : jusqu'au 24 janvier 2019, il n'existait
aucune étude comparant systématiquement les serial killers et les
serial killeuses ! C'est désormais chose faite grâce à la
sagacité de Marissa A. Harrison, Susan M. Hughes et Adam Jordan Gott
de l'Albright College et de l'université d’État de Pennsylvanie à
Harrisburg. À la faveur d'un échantillon de 110 tueurs et tueuses
en série (55 de chaque sexe) ayant commis leurs forfaits aux
États-Unis entre 1856 et 2009, avec une première occurrence au même
âge (30 ans et des poussières), les scientifiques concluent que les
modes opératoires suivent une distribution genrée conforme aux
prédictions de la psychologie évolutionnaire – soit toutes les
traces que les environnements ancestraux ont laissé dans nos pauvres
cervelles contemporaines par le biais de la sélection naturelle et
sexuelle. En l'espèce, les tueurs mâles ont tendance à davantage
se comporter en « chasseurs », avec une longue et
minutieuse traque de proies qui leur sont le plus souvent inconnues
et dont ils espèrent tirer une quelconque gratification sexuelle, le
tout sur des surfaces conséquentes (comme Ted Bundy, ayant enlevé,
violé, torturé et découpé a minima une trentaine de femmes aux
quatre coins des États-Unis). En face, les tueuses femelles agissent
en « cueilleuses » : elles sélectionnent en général
leurs victimes dans leur entourage immédiat, ne se fatiguent pas
outre mesure pour les zigouiller et intègrent leurs homicides dans
une recherche de profit (arnaque à l'assurance vie, à l'héritage,
etc.). En outre, les femmes assassines ciblent en priorité des
personnes plus faibles et dépendantes (enfants, vieillards), avec
des techniques énergétiquement économes (le poison étant leur
arme de choix). Une « collecte » de ressources, observent les
chercheurs qui « emprunte une trajectoire aberrante mais qui reflète
néanmoins des tendances féminines ancestrales », à savoir
« s'assurer des moyens de subsistance pour elles-mêmes et leur
progéniture ».
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ece3.4741" target="_blank">Pas si poli le coyote</a></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<a href="https://www.blogger.com/null" name="a1_Ctrl"></a>Aux États-Unis,
l'hécatombe dure déjà depuis plusieurs années. Tous les ans,
chats, chiens et autres animaux domestiques périssent par dizaines
sous les crocs des coyotes désormais habitués à l'humain. Sans
même parler des poubelles éventrées. Le phénomène a doucement
commencé au début du XXe siècle après la quasi extinction des
loups, prédateurs naturels des coyotes dans les Grandes Plaines,
mais sa récente accélération, avec des bestioles perdant tout sens
de la politesse en deux voire trois générations, a poussé
Christopher J. Schell (université de Washington à Tacoma) et ses
collègues à se demander s'il n'y avait pas d'autres mécanismes à
l'œuvre. Par exemple, une transmission proprement éducative de la
témérité entre parents et enfants. De fait, le coyote est une
espèce monogame – et non pas sur toute une saison reproductive,
mais toute la vie – et la femelle et le mâle se démènent à peu
près autant pour élever des petits particulièrement demandeurs. Un
investissement parental aussi mixte qu'important allant dans le sens
de l'hypothèse de Schell et de son équipe. Pour en avoir le cœur
net, les scientifiques ont observé des couples, issus d'un milieu
quasi sauvage, durant leurs deux premières saisons reproductives.
Après la naissance de la première portée, et alors que les petits
étaient âgés de cinq à quinze semaines, les chercheurs ont posté
un humain près de leur nourriture, derrière un grillage. Puis
rebelote un an plus tard. « Lors de la première saison,
certains individus étaient plus téméraires que d'autres, mais ils
étaient globalement tous très peureux, adultes comme chiots »,
fait remarquer Schell. Sauf qu'à la deuxième portée, parents et
petits semblaient avoir oublié leur trac – lors de cet épisode,
certains se jetaient sur la bouffe alors que l'humain était encore
dans l'enclos et les individus les moins téméraires du lot
surpassaient en courage les têtes brûlées de la première
génération. D'autres études seront nécessaires pour préciser le
processus, mais une chose semble d'ores et déjà claire : il
n'est pas lié au fait que les animaux deviendraient plus zen au
cours du temps, vu que les taux de cortisol – l'hormone du stress –
mesurés sur les coyotes montrent que les plus courageux sont aussi
les plus nerveux.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<a href="https://www.pnas.org/content/116/14/6749" target="_blank">Sus au plafond de verre prénatal !</a></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
En parlant d'hormones, vlatipas que les
femmes ayant partagé un utérus (durant leur développement
prénatal) avec un mâle ont moins de chances d'aller à
l'université, d'avoir de bons revenus, ainsi que de se marier et de
se reproduire par rapport à celles ayant eu une jumelle. Ces
observations, issues d'une étude menée par l'équipe de Krzysztof
Karbownik (université de Northwestern) sur 728.842 naissances
survenues en Norvège entre 1967 et 1978, dont 13.800 gémellaires,
confirme l'hypothèse du « transfert de testostérone ».
Cette dernière statue que, chez des jumeaux mixtes, la fille du lot
est exposée à plus de testostérone via le liquide amniotique et le
sang maternel que si elle s'était développée seule ou en compagnie
d'une congénère aux chromosomes sexuels identiques. Une exposition
aux conséquences comportementales durables. En l'espèce :
moins de diplômes de l'enseignement secondaire (-15,2%) et supérieur
(-3,9%), moins de mariages (-11,7%), de fertilité (-5,8%) et de
revenus tout au long de leur vie (enfin, au moins jusqu'à trente
ans, à raison de -8,6% dans les dents en moyenne). Des changements
imputables uniquement au milieu utérin et non pas à une
construction sociale post-natale, vu que l'effet se confirme sur des
filles ayant été élevées seules après la mort précoce de leur
jumeau ou jumelle.<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<br />
<div style="text-align: right;">
initialement paru dans Causeur n°67 (avril 2019)</div>
Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8027685756986251262.post-17612711591126713772019-05-10T22:50:00.003+02:002019-05-10T22:50:41.909+02:00Couper des arbres tue des gorilles, pas forcément le climat (pour Causeur n°66, mars 2019)<br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Toute cause a ses symboles. Une réalité
qui n'est pas si difficile à comprendre sur le plan cognitif.
L'action militante étant très gourmande sur plein d'aspects
(économique, énergétique, affective, etc.), tout ce qui peut en
minimiser les coûts et maximiser ses bénéfices est bon à prendre.
Investir un emblème, c'est mettre sa cervelle sur pilote
automatique, s'épargner les scories de l'esprit critique, avoir des
éléments de langage à portée de bouche et des images pour
galvaniser l'enthousiasme des foules.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Du côté de la cause environnementale,
le trope d'une nature non-humaine en voie d'agonie avancée fait
florès depuis ses origines et a pu ainsi s'incarner dans l'ours
blanc rachitique ou les forêts « poumons verts » de la
planète frôlant le collapsus. Mais là où le catastrophisme et le
manichéisme sont effectivement de redoutables carburants à prise de
conscience – pour ne pas dire à pénitence –, ils s'avèrent
bien plus pernicieux en matière d'action politique, condamnée à
n'être jamais efficace si elle n'est pas scientifiquement informée.
Ce qui exige une prise en compte de la complexité des données et
une saine mitigation de l'agitprop.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Le cas des forêts est à ce titre
éloquent. L'idée que la déforestation serait l'un des pires péchés
de la civilisation industrielle et la couverture forestière, à
l'inverse, l'un des souverains biens de la protection de
l'environnement, semble désormais relever de la certitude. Dans ce
sens, en 2015, le sommet climatique de Paris (COP21) allait être le
premier à comptabiliser les initiatives nationales visant à
compenser par les forêts – la protection des anciennes et la
plantation de nouvelles – les émissions de CO2 générées par les
énergies fossiles. La Chine promit de reboiser 1 million de
kilomètres carrés et, en Europe, on s'engagea à débourser
plusieurs milliards de dollars pour financer la préservation de la
forêt tropicale. De même, lors de la COP19 à Varsovie deux ans
plus tôt, les félicitations avaient fusé autour d'un « accord
historique » visant à soutenir l'exploitation forestière
durable. Et les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la Norvège
avaient fait de gros chèques à des pays moins économiquement
avantagés pour qu'ils luttent contre la déforestation tropicale.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Sauf que les liens entre forêts et
changement climatique pourraient ne pas être aussi simples, comme le
laissent entendre les recherches de Nadine Unger, professeur de
chimie atmosphérique à l'université d'Exeter (Royaume-Uni). La
scientifique met en garde contre une confusion devenue courante dans
les discours écologistes : l'amalgame entre les effets
(indéniablement bénéfiques) de la forêt en matière de
biodiversité et ceux (plus ambigus) qu'elle aurait sur un plan
climatique. Ce qu'elle résumait en ces termes en 2014, dans une
tribune publiée par le New York Times : « Planter des arbres
et lutter contre la déforestation offrent des bénéfices certains à
la biodiversité (...). Mais il en va tout autrement de vouloir
ralentir ou inverser le changement climatique par la sylviculture.
Scientifiquement parlant, dépenser dans l'exploitation forestière
les précieux dollars de la lutte contre le changement climatique est
une entreprise à haut-risque : nous ne savons pas si cela va
refroidir la planète et nous avons de bonnes raisons de craindre un
effet radicalement inverse ».</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
En cause, l'un des objets d'étude
d'Unger : les composés organiques volatils (COV) émis par les
arbres. Parmi eux, l'isoprène, un hydrocarbure susceptible de
réchauffer l'atmosphère de plusieurs façons. D'abord en réagissant
avec les oxydes d'azote de l'air pour former de l'ozone, connu pour
augmenter les températures lorsqu'il se trouve dans les basses
couches de l'atmosphère. Ensuite en ralentissant la dégradation du
méthane, autre puissant gaz à effet de serre. Et comme rien n'est
jamais simple, l'isoprène possède aussi des effets refroidissant
lorsqu'il contribue à générer des aérosols bloquant la lumière
du soleil.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Selon les modélisations d'Unger, à
l'époque maître de conférences à Yale, le remplacement des forêts
par des terres agricoles au cours de l'ère industrielle n'aurait eu
que très peu voire pas d'effet sur le climat. Certes, selon ses
calculs, cette disparition des forêts et prairies primitives –
représentant environ 50% de la surface terrestre – a bien libéré
le carbone stocké dans les arbres, mais elle a aussi augmenté
l'albédo terrestre (à l'effet inverse de l'effet de serre) et
diminué les émissions de COV, susceptibles de refroidir comme de
réchauffer l'atmosphère.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Des recherches qui n'ont pas plu à
tout le monde. En janvier 2019, dans un article de Nature faisant le
point sur la « controverse » sur les liens entre valorisation des
forêts et changement climatique, Gabriel Popkin relatait les
contrecoups bien peu scientifiques qu'Unger avait dû subir après sa
sortie du bois. En effet, la chercheuse déclarait avoir reçu des
menaces de mort et vu certains de ses collègues lui refuser la plus
élémentaire des politesses après la publication de son article.
D'ailleurs, quelques jours plus tard, une trentaine de chercheurs
avaient signé une contre-tribune déplorant la faiblesse
scientifique des travaux d'Unger. Unger était aussi accusée de
contrecarrer, sciemment ou non, les très vulnérables réussites de
décennies de labeur militant grâce auxquelles l'ampleur de
l'urgence climatique commençait tout juste à être saisie par les
citoyens et leurs gouvernants. Face à l'imminence de la catastrophe,
écrivaient-ils en substance, le temps n'était plus à la réflexion
et encore moins à la remise en question d'une sagesse
conventionnelle – davantage d'arbres, moins de changement
climatique – applaudie dans les grands raouts internationaux.
Qu'importe qu'Unger la jugeât « fausse » et présentât
des données pour corroborer son jugement.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Et c'est bien là que le bât blesse.
Si la panique est rarement bonne conseillère, elle l'est d'autant
moins dans un domaine aussi complexe que la protection de
l'environnement. Au début des années 2000, c'est en arguant d'une
telle urgence que Luiz Inácio Lula da Silva avait fait adopter au
Brésil l'un des programmes de développement des biocarburants les
plus ambitieux au monde. Mais parce que son étayage scientifique
était inversement proportionnel à son clinquant, près de vingt ans
plus tard, sa nocivité environnementale, mais aussi économique et
sociale, ne cesse de se faire jour.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Peu de certitudes sont peut-être aussi
solides que celle-ci : si l'on vous dit que le temps de la réflexion
est révolu et que seule doit primer l'action, alors on vous dicte
parmi les meilleures recettes de catastrophe. Surtout si votre cause
prend des airs de religion et entend réduire au silence, par tous
les moyens, les dissidents ne voulant que signaler des accrocs dans
votre orthodoxie.
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: right;">
initialement paru dans Causeur n°66, mars 2019</div>
<br />Unknownnoreply@blogger.com0