jeudi 14 février 2008

De l'utérus parlant

Mardi 12 février, émission « Ce soir ou jamais », France 3, Frédéric Taddéi

Comme tous les mardis, Frédéric Taddeï demande à ses invités de réagir sur l'actualité – la fameuse « revue de presse ». Même s'il avait déclaré ne pas vouloir faire de « Ce soir ou jamais » un concept de talk-show « café du commerce », force est de constater que ses émissions tournent souvent, peu ou prou, à l'échange d'opinions sur tout et sur rien, et surtout sans aucun fondement - bref. Un des sujets du jour : la récente décision de la cour de cassation permettant de reconnaître un droit à l'état civil à tout fœtus, quelque soit son stade de développement et quelque soit son poids, a fortiori quelque soit son état final, mort ou vif.

Sur le plateau, une certaine Saïda Churchill, comédienne, l'une des deux femmes présentes ce soir-là, s'est donc dit qu'il était pertinent de donner son avis, se résumant à « il faut dire à tout le monde que l'avortement n'a rien d'anodin – mais personnellement et heureusement, je n'ai jamais avorté – et que la perte d'un enfant est une terrible épreuve pour la femme qui le portait – mais personnellement et heureusement, je n'ai jamais fait de fausse-couche ». Certes, tout le monde a le droit de donner son avis, même le plus con, mais je suis toujours interloquée par la façon dont certaines personnes – nombreuses – ont de croire que tout est pareil pour tout le monde. L'avortement serait toujours traumatisant, ce serait toujours une expérience douloureuse pour la femme qui avorte, il faudrait prendre des pincettes (pas pour extraire le fœtus, ça c'est archaïque – et c'est dégueulasse), garde, des précautions, et pas les choses à la légère.

Là où je suis encore plus interloquée, c'est la façon dont ce genre d'assertions passent, coulent, ne rencontrent aucun contradicteur, ne serait-ce qu'un minime « parlez pour vous ». Si l'on doit tortiller sur nos chaises à partager nos expériences personnelles, sachez que je ne veux pas d'enfant et qu'il m'est arrivé d'avorter. A ces moments, la plus grande « souffrance » ne fut pas dans l'expulsion du fœtus mais dans l'attente réglementaire, le sentiment qu'il y avait une force, extérieure à ma volonté et à mon désir, une force qui m'obligeait à me demander vraiment si je voulais ou non que la chose qui me dévorait le ventre continue à croître et à vivre sa vie, quitte à ravager la mienne, que même si j'étais sûre de moi, cette force me poussait à devoir tolérer l'attente pour toutes celles qui ne sont pas sûres d'elles et qui ne font pas ce qu'elles veulent, toutes celles qui font que les têtes se tournent et vous disent qu'elles n'y sont pour rien, que c'est la loi, qu'elles vont vous raconter les solutions alternatives et que vous devrez revenir, répondre à des questions, faire évaluer vos capacités mentales, avant l'échéance, l'expédient indésirable, le pis-aller...

Où est le monstre ?



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