vendredi 9 mai 2008

C'est sans danger !

Pat Califia n'est pas de ce genre d'individus qui ont du bol. Femme et lesbienne chez des mormons, dominatrice et féministe dans un milieu traquant l'hétéronormativité (quand ce n'est pas l'hétérofascisme), Patricia devenant Patrick, père d'un fils dont le « petit-ami est la mère »... les amoureux des cases remplies et des repères placés risqueront de se demander si, par hasard, la bête ne le ferait pas exprès. Évidemment, à entendre ce genre d'histoires, c'est au monstre que l'inconscient bien en lui-même pense, le plus spontanément et le plus naturellement du monde. Au freak, la chose repoussante et cathartique qui excite les enfants et les mères de famille, évitant par là de trop se faire de souci au sujet de leurs propres cages. La tare aussi, l'exception à la règle dont l'existence tout entière justifie celle de la ligne.

« Je préfèrerais vivre dans un monde où chaque homme pourrait être ou avoir été une femme », lit-on en gros sur la couverture de Sexe et Utopie, paru récemment à La Musardine. J'entends quelqu'un qui se moque : ah ah, oui ! et bien-sûr ! pourquoi pas les poules qui ont des dents et les vaches avalant des trains tant qu'on y est ? Tant qu'on y est, justement : on y est. Pat Califia en est la preuve vivante, survivante d'ailleurs, comme tous ces êtres qui nous lancent en pleine gueule les coups qu'ils ont pris, sans s'en vanter, sans s'en poser en victime expiatoire ou en porte-étendard. Juste des individus extrêmement vivants d'avoir, avec tant d'opiniâtreté, échappé à la mort. Pat Califia frappe, Pat Califia est drôle, forte, terriblement juste en quelques morts lacérés. Sur la monogamie prescrite et acceptable, par exemple en milieu lesbien où des hyper-femmes voient dans la « norme » une « succession de relations monogamiques » :

« J'ai des amies qui sont incapables d'avoir une relation sexuelle sans se dire qu'elles sont follement amoureuses de la femme avec laquelle elles sont au lit. J'enrage devant tant d'hypocrisie. Je ne vois pas pourquoi je devrais promettre un amour éternel alors que tout ce que je veux c'est un peu d'exercice sous la couette. C'est du chantage. Pas étonnant que les hommes hétérosexuels soient si en colère contre les femmes qui pensent qu'une érection est un manche qu'on attrape pour conduire l'homme jusqu'à l'autel. Je préférerais payer cash pour du sexe plutôt que d'être réveillée par le coup de fil désespéré d'une femme qui veut que je l'épouse seulement parce que j'ai passé quelques heures à me demander comment la faire jouir. Et elle a le culot de m'accuser, moi, de l'avoir utilisé, elle ! »

Dans aucune case donc, traître(sse) à toutes les causes, Pat Califia a en plus l'impertinence d'être outrageusement positif dans ses propos et dans son style démontant point par point la généalogie d'un apprentissage qui fait « craindre le sexe, (...) le repousser sauf sous la contrainte ou en échange d'amour et de sécurité », raillant le « mouvement des femmes (...) devenu une force moraliste qui pousse les minorités sexuelles à la haine de soi et à la tristesse » ou ces « utopies théoriques (...) rêvées par des gens qui ont peur de la diversité et qui sont profondément conservateurs en ce qui concerne les choses du sexe », montrant que « les femmes sexuellement actives ont toujours été une menace que le système n'accepte pas » et refusant « d'entendre d'autres histoires tragiques de femmes qui ont réprimé leur sexualité parce qu'elles pensent qu'il est politiquement inacceptable d'avoir été ardemment excité par la vulnérabilité ou le contrôle sexuel ».

Pat Califia en emmerdera certainement beaucoup, d'autres lèveront les yeux et poufferont de tant de débilité post-68arde. Qu'ils passent leur chemin et continuent de s'occuper des tisons des rôles à ne pas défaire. Que ceux qui l'aiment, par contre, la suivent et s'empressent de lire Sexe et Utopie.



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