Dès qu'une irruption de mélancolie, même la plus bénigne, même la plus douce, te gagne sournoisement, il faut que tu l'étouffes dans l'œuf et sans états d'âmes. La nostalgie est une affaire de volonté affirmait Roman, on veut ou on ne veut pas se souvenir. Naturellement tu seras enclin à te souvenir, se souvenir est on ne peut plus normal ; tu auras même l'impression que ressasser le passé constitue pour toi une sorte de gymnastique identitaire, donc un exercice en réalité suicidaire qui te fera croire que tu ne viens pas de nulle part, que tu as des origines plus ou moins identifiables, plus ou moins honorables, des origines dont tu pourrais être raisonnablement fier (effectivement il n'y a pas de quoi être, même très modérément, fier de ses origines, et à présent que je pense être entièrement détaché de mon passé je sais que ce ne sont pas des choses de nature à légitimer un quelconque sentiment de fierté, c'est même tout le contraire et nous avons, j'ai moi-même, toutes les raisons d'avoir honte de mes origines, honte de tout ce qu'elles ne représentent pas, honte aussi de l'inertie bêtifiante, de la déperdition inéluctable et de l'anéantissement définitif que ces origines sous-tendent). Tout ce cheminement rétrospectif qui ne mène à rien, en tout cas à aucun point de départ, à aucune origine précise, toute cette agitation intérieure sans objet, tous ces liens imaginaires que tu serais parfois tenté de tisser avec le passé, eh bien tout cela n'est bien entendu qu'une gigantesque supercherie mortelle.
Oliver Rohe, Défaut d'origine
1 commentaire:
Dès que l'ombre de l'envie de dire aux autres ce qu'il faut faire parce tu sais définitivement tout et que tu es persuadé qu'il faut les en informer te prend, fous-leur donc la paix, et garde ton avis pour toi des fois que la gràce te soit faite qu'il change.
Moi, pas de défaut :D
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