Quand j'ai appris la nouvelle, j'ai
failli défaillir : jusqu'au 24 janvier 2019, il n'existait
aucune étude comparant systématiquement les serial killers et les
serial killeuses ! C'est désormais chose faite grâce à la
sagacité de Marissa A. Harrison, Susan M. Hughes et Adam Jordan Gott
de l'Albright College et de l'université d’État de Pennsylvanie à
Harrisburg. À la faveur d'un échantillon de 110 tueurs et tueuses
en série (55 de chaque sexe) ayant commis leurs forfaits aux
États-Unis entre 1856 et 2009, avec une première occurrence au même
âge (30 ans et des poussières), les scientifiques concluent que les
modes opératoires suivent une distribution genrée conforme aux
prédictions de la psychologie évolutionnaire – soit toutes les
traces que les environnements ancestraux ont laissé dans nos pauvres
cervelles contemporaines par le biais de la sélection naturelle et
sexuelle. En l'espèce, les tueurs mâles ont tendance à davantage
se comporter en « chasseurs », avec une longue et
minutieuse traque de proies qui leur sont le plus souvent inconnues
et dont ils espèrent tirer une quelconque gratification sexuelle, le
tout sur des surfaces conséquentes (comme Ted Bundy, ayant enlevé,
violé, torturé et découpé a minima une trentaine de femmes aux
quatre coins des États-Unis). En face, les tueuses femelles agissent
en « cueilleuses » : elles sélectionnent en général
leurs victimes dans leur entourage immédiat, ne se fatiguent pas
outre mesure pour les zigouiller et intègrent leurs homicides dans
une recherche de profit (arnaque à l'assurance vie, à l'héritage,
etc.). En outre, les femmes assassines ciblent en priorité des
personnes plus faibles et dépendantes (enfants, vieillards), avec
des techniques énergétiquement économes (le poison étant leur
arme de choix). Une « collecte » de ressources, observent les
chercheurs qui « emprunte une trajectoire aberrante mais qui reflète
néanmoins des tendances féminines ancestrales », à savoir
« s'assurer des moyens de subsistance pour elles-mêmes et leur
progéniture ».
Aux États-Unis,
l'hécatombe dure déjà depuis plusieurs années. Tous les ans,
chats, chiens et autres animaux domestiques périssent par dizaines
sous les crocs des coyotes désormais habitués à l'humain. Sans
même parler des poubelles éventrées. Le phénomène a doucement
commencé au début du XXe siècle après la quasi extinction des
loups, prédateurs naturels des coyotes dans les Grandes Plaines,
mais sa récente accélération, avec des bestioles perdant tout sens
de la politesse en deux voire trois générations, a poussé
Christopher J. Schell (université de Washington à Tacoma) et ses
collègues à se demander s'il n'y avait pas d'autres mécanismes à
l'œuvre. Par exemple, une transmission proprement éducative de la
témérité entre parents et enfants. De fait, le coyote est une
espèce monogame – et non pas sur toute une saison reproductive,
mais toute la vie – et la femelle et le mâle se démènent à peu
près autant pour élever des petits particulièrement demandeurs. Un
investissement parental aussi mixte qu'important allant dans le sens
de l'hypothèse de Schell et de son équipe. Pour en avoir le cœur
net, les scientifiques ont observé des couples, issus d'un milieu
quasi sauvage, durant leurs deux premières saisons reproductives.
Après la naissance de la première portée, et alors que les petits
étaient âgés de cinq à quinze semaines, les chercheurs ont posté
un humain près de leur nourriture, derrière un grillage. Puis
rebelote un an plus tard. « Lors de la première saison,
certains individus étaient plus téméraires que d'autres, mais ils
étaient globalement tous très peureux, adultes comme chiots »,
fait remarquer Schell. Sauf qu'à la deuxième portée, parents et
petits semblaient avoir oublié leur trac – lors de cet épisode,
certains se jetaient sur la bouffe alors que l'humain était encore
dans l'enclos et les individus les moins téméraires du lot
surpassaient en courage les têtes brûlées de la première
génération. D'autres études seront nécessaires pour préciser le
processus, mais une chose semble d'ores et déjà claire : il
n'est pas lié au fait que les animaux deviendraient plus zen au
cours du temps, vu que les taux de cortisol – l'hormone du stress –
mesurés sur les coyotes montrent que les plus courageux sont aussi
les plus nerveux.
En parlant d'hormones, vlatipas que les
femmes ayant partagé un utérus (durant leur développement
prénatal) avec un mâle ont moins de chances d'aller à
l'université, d'avoir de bons revenus, ainsi que de se marier et de
se reproduire par rapport à celles ayant eu une jumelle. Ces
observations, issues d'une étude menée par l'équipe de Krzysztof
Karbownik (université de Northwestern) sur 728.842 naissances
survenues en Norvège entre 1967 et 1978, dont 13.800 gémellaires,
confirme l'hypothèse du « transfert de testostérone ».
Cette dernière statue que, chez des jumeaux mixtes, la fille du lot
est exposée à plus de testostérone via le liquide amniotique et le
sang maternel que si elle s'était développée seule ou en compagnie
d'une congénère aux chromosomes sexuels identiques. Une exposition
aux conséquences comportementales durables. En l'espèce :
moins de diplômes de l'enseignement secondaire (-15,2%) et supérieur
(-3,9%), moins de mariages (-11,7%), de fertilité (-5,8%) et de
revenus tout au long de leur vie (enfin, au moins jusqu'à trente
ans, à raison de -8,6% dans les dents en moyenne). Des changements
imputables uniquement au milieu utérin et non pas à une
construction sociale post-natale, vu que l'effet se confirme sur des
filles ayant été élevées seules après la mort précoce de leur
jumeau ou jumelle.
initialement paru dans Causeur n°67 (avril 2019)
1 commentaire:
Un grand merci pour ces articles !
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