vendredi 10 mai 2019

Chronique "Peggy la science", in Causeur n°67 (avril 2019)



Quand j'ai appris la nouvelle, j'ai failli défaillir : jusqu'au 24 janvier 2019, il n'existait aucune étude comparant systématiquement les serial killers et les serial killeuses ! C'est désormais chose faite grâce à la sagacité de Marissa A. Harrison, Susan M. Hughes et Adam Jordan Gott de l'Albright College et de l'université d’État de Pennsylvanie à Harrisburg. À la faveur d'un échantillon de 110 tueurs et tueuses en série (55 de chaque sexe) ayant commis leurs forfaits aux États-Unis entre 1856 et 2009, avec une première occurrence au même âge (30 ans et des poussières), les scientifiques concluent que les modes opératoires suivent une distribution genrée conforme aux prédictions de la psychologie évolutionnaire – soit toutes les traces que les environnements ancestraux ont laissé dans nos pauvres cervelles contemporaines par le biais de la sélection naturelle et sexuelle. En l'espèce, les tueurs mâles ont tendance à davantage se comporter en « chasseurs », avec une longue et minutieuse traque de proies qui leur sont le plus souvent inconnues et dont ils espèrent tirer une quelconque gratification sexuelle, le tout sur des surfaces conséquentes (comme Ted Bundy, ayant enlevé, violé, torturé et découpé a minima une trentaine de femmes aux quatre coins des États-Unis). En face, les tueuses femelles agissent en « cueilleuses » : elles sélectionnent en général leurs victimes dans leur entourage immédiat, ne se fatiguent pas outre mesure pour les zigouiller et intègrent leurs homicides dans une recherche de profit (arnaque à l'assurance vie, à l'héritage, etc.). En outre, les femmes assassines ciblent en priorité des personnes plus faibles et dépendantes (enfants, vieillards), avec des techniques énergétiquement économes (le poison étant leur arme de choix). Une « collecte » de ressources, observent les chercheurs qui « emprunte une trajectoire aberrante mais qui reflète néanmoins des tendances féminines ancestrales », à savoir « s'assurer des moyens de subsistance pour elles-mêmes et leur progéniture ».


Aux États-Unis, l'hécatombe dure déjà depuis plusieurs années. Tous les ans, chats, chiens et autres animaux domestiques périssent par dizaines sous les crocs des coyotes désormais habitués à l'humain. Sans même parler des poubelles éventrées. Le phénomène a doucement commencé au début du XXe siècle après la quasi extinction des loups, prédateurs naturels des coyotes dans les Grandes Plaines, mais sa récente accélération, avec des bestioles perdant tout sens de la politesse en deux voire trois générations, a poussé Christopher J. Schell (université de Washington à Tacoma) et ses collègues à se demander s'il n'y avait pas d'autres mécanismes à l'œuvre. Par exemple, une transmission proprement éducative de la témérité entre parents et enfants. De fait, le coyote est une espèce monogame – et non pas sur toute une saison reproductive, mais toute la vie – et la femelle et le mâle se démènent à peu près autant pour élever des petits particulièrement demandeurs. Un investissement parental aussi mixte qu'important allant dans le sens de l'hypothèse de Schell et de son équipe. Pour en avoir le cœur net, les scientifiques ont observé des couples, issus d'un milieu quasi sauvage, durant leurs deux premières saisons reproductives. Après la naissance de la première portée, et alors que les petits étaient âgés de cinq à quinze semaines, les chercheurs ont posté un humain près de leur nourriture, derrière un grillage. Puis rebelote un an plus tard. « Lors de la première saison, certains individus étaient plus téméraires que d'autres, mais ils étaient globalement tous très peureux, adultes comme chiots », fait remarquer Schell. Sauf qu'à la deuxième portée, parents et petits semblaient avoir oublié leur trac – lors de cet épisode, certains se jetaient sur la bouffe alors que l'humain était encore dans l'enclos et les individus les moins téméraires du lot surpassaient en courage les têtes brûlées de la première génération. D'autres études seront nécessaires pour préciser le processus, mais une chose semble d'ores et déjà claire : il n'est pas lié au fait que les animaux deviendraient plus zen au cours du temps, vu que les taux de cortisol – l'hormone du stress – mesurés sur les coyotes montrent que les plus courageux sont aussi les plus nerveux.


En parlant d'hormones, vlatipas que les femmes ayant partagé un utérus (durant leur développement prénatal) avec un mâle ont moins de chances d'aller à l'université, d'avoir de bons revenus, ainsi que de se marier et de se reproduire par rapport à celles ayant eu une jumelle. Ces observations, issues d'une étude menée par l'équipe de Krzysztof Karbownik (université de Northwestern) sur 728.842 naissances survenues en Norvège entre 1967 et 1978, dont 13.800 gémellaires, confirme l'hypothèse du « transfert de testostérone ». Cette dernière statue que, chez des jumeaux mixtes, la fille du lot est exposée à plus de testostérone via le liquide amniotique et le sang maternel que si elle s'était développée seule ou en compagnie d'une congénère aux chromosomes sexuels identiques. Une exposition aux conséquences comportementales durables. En l'espèce : moins de diplômes de l'enseignement secondaire (-15,2%) et supérieur (-3,9%), moins de mariages (-11,7%), de fertilité (-5,8%) et de revenus tout au long de leur vie (enfin, au moins jusqu'à trente ans, à raison de -8,6% dans les dents en moyenne). Des changements imputables uniquement au milieu utérin et non pas à une construction sociale post-natale, vu que l'effet se confirme sur des filles ayant été élevées seules après la mort précoce de leur jumeau ou jumelle.



initialement paru dans Causeur n°67 (avril 2019)

1 commentaire:

Nicolas D. a dit…

Un grand merci pour ces articles !