lundi 19 juillet 2010

Féministe, mais

Voici un livre, encore, que j'ai ouvert pleine d'a priori. Il faut dire que son abord (j'en profite pour dire que, dans mon monde idéal, les livres n'auraient ni titre ni couverture avec des choses marquées dessus) ne m'a pas vraiment aidée à y aller avec la fleur au fusil. « Tout ce qu'il faut savoir sur le féminisme pour être ravissante et pas idiote » de façon « décalée » et sans « se prendre au sérieux » faisait, qu'au contraire, j'y suis allée franchement à reculons, les dents serrées, persuadée d'y trouver des pages roses et girly, minaudantes et couinantes de « féministes mais ». Celles qui s'excusent, baissent la tête et les yeux, justifient que vraiment, non, elles ne sont ni moches ni rétives à en avaler, des kilomètres de queue, qui disent que la séduction est un « pouvoir » et qui en « obtiennent tellement plus » en jouant les charmeuses que les énervées...vu qu'au fond, tout cela « castre » celui auquel elles tâtent affectueusement la cuisse en n'hésitant pas à remonter vers le porte-monnaie. Mais en fait non (ah, quel suspense).

Car ce livre, co-réalisé par Virginie Berthemet (graphiste), Valérie Ganne (journaliste) et Juliette Joste (éditrice) tache, pour de vrai. Tout d'abord parce qu'entre quelques pages (à mon sens) dispensables sur le « comment s'habiller dans une manif », elles dressent à gros traits cette « histoire », loin d'être écrite, des combats féministes et rappellent, par exemple, que l'avortement n'a rien d'acquis, que les violences sexuelles et conjugales sont loin d'être éradiquées de nos beaux pays civilisés, qu'une femme gagne toujours moins qu'un homme, lave toujours plus que le parterre ou se fait moins voir dans les musées. Des choses évidemment pour moi, pour beaucoup, connues, rabâchées, ouvrant même parfois d'autres questions (en quoi il y aurait « victoire » à ce qu'une femme « travaille » autant qu'un homme ? en quoi l'émancipation serait-elle axiomatiquement économique ?), mais qui, et c'est là le caractère le plus nécessaire de ce livre, sont globalement inconnues des (plus) jeunes générations.

De celles qui se baladent en mini-short et talons hauts, mais savent se défendre si on les colle d'un peu trop près, sans leur consentement, de celles qui vivent leur flamboyance sexuelle adolescente en pouvant aller tous les mois se faire remettre gratuitement la pilule du lendemain en pharmacie [N.B. : en Suède, cette pilule est même en libre-service], celles qui pensent d'abord à être « indépendantes », avec métier et logement, avant d'y caser un mari et des enfants. Celles qui, bien sûr, n'imagineraient même pas vivre sans tout cela, pour qui tout cela est tellement acquis, réel, obligatoire, car elles n'ont aucune idée d'où tout cela provient. Et à qui j'offrirai ce livre, un jour où elles ne m'énerveront pas à roser, girler, minauder et couiner...



jeudi 1 juillet 2010

Parenthèse

Quand on travaille, comme c'est mon cas, autour du sexe, et qu'on adore, comme c'est aussi mon cas, y coller des chiffres, des études et des statistiques, un son de cloche bien familier ne tarde pas à arriver à ses oreilles. Celui du combat éternel entre moyenne et individu.

Ce qui pourrait se schématiser par la proposition suivante :

« Ce n'est pas vrai que X, parce que moi, je suis Y »

X serait n'importe quelle moyenne statistique à connotation sexualo-genrée1 – du genre, pour les plus connues : les hommes préfèrent les jeunes et belles et les femmes les (plus) vieux et riches, les homosexuels sont des cadets et mémorisent facilement un visage, les femmes cancanent plus quand elles ovulent et ont un index plus long que l'annulaire

(etc., etc.)

et Y la personne qui, forte de son soi-même, prétend démonter l'hypothèse scientifique (souvent, dans ce cas, préfixée d'un « pseudo- »).

Alors voilà, une bonne fois pour toutes, non, une statistique ne prédit en rien une réalité individuelle, et non plus, une réalité individuelle n'entame en rien une véracité statistique.

Alors maintenant, s'il vous plaît, les individus libérés des moyennes, décollez-vous les fesses de vos fauteuils surchauffés (mesdames, attention à l'effet ventouse et à la descente d'organe), arrêtez de critiquer des études dont, le plus souvent, vous n'avez lu que deux lignes et/ou des recensions dans des supports dits « généralistes », et au lieu de gâcher votre salive ou de faire prospérer la corne qui pousse au bout de vos doigts SORTEZ-VOUS LES MAINS DU SHORT ET FAITES VOS PROPRES ÉTUDES. Outre que vous les affinerez, ces moyennes, vous verrez comme c'est rigolo, simple, et pas fastidieux du tout d'émettre une hypothèse un tant soit peu valide.


Merci.


1Oui, car ce genre de distorsion cognitive arrive plutôt dans ce domaine que d'autres. Quand quelqu'un dit « n'importe quoi le cancer du poumon, moi j'ai 78 ans, je fume 3 paquets par jour depuis l'âge de 12 ans et je suis en aussi bonne santé que l'homme qui valait 3 milliards », on le voit évidemment comme un gentil débile (mais chanceux). Au contraire, quand on entend « n'importe quoi la génétique, moi j'ai un gros vagin et je sais vachement bien lire une carte routière hihihihihihi », on se gratte le menton en se disant LA PREUVE.