vendredi 30 mai 2008

La preuve

Il paraît que les documentaires télévisés sont d'excellents moyens de faire passer des messages au peuple (on dit : aaah !). Alors, exemples.

L'autre jour, nous avions les filles qui baisaient trop.
> Commentaire : même les filles se mettent au porno, et calquent leurs comportements sur ce qu'elles voient sur Internet, croyant qu'en utilisant la symbolique machiste de la femme objet, elles prendront le pouvoir sur les garçons (on dit : oooh !)

Ces jours-ci, voyons celles qui ne baisent pas assez, ou qui baisent toujours trop pour d'autres, et qui sont prêtes à se faire recoudre l'hymen (on dit : beuuurk !).
> Commentaire : pour les cultures patriarcales, la valeur de la femme réside dans sa virginité - c'est comme pour une voiture, c'est mieux quand ça sort du concessionnaire












En gros, déchirée ou recousue, une femme sera toujours un objet. Et cette objectivation aura toujours une même source : sa sexualité.

Peut-être qu'on pourrait maintenant laisser aux femmes la possibilité de faire ce qu'elles veulent de leur cul...(on dit : heeein ?)



Epuisement du désir



Il y a quelques années la philosophe (puisqu’il faut bien mettre des étiquettes aux bocaux) Michela Marzano publiait un essai intitulé « La pornographie ou l’épuisement du désir ». Pour faire bref, un ramassis de débilités moralisantes plus absurdes et absconses les unes que les autres, ne visant qu’une chose, effrayer mémé, et rajouter un peu de plus de matière à cette merde flippée qui fait le quotidien du paysage intellectualo-médiatique qu’on nous donne à biberonner jour après jour (je ne saurais que vous renvoyer à cet excellent article intitulé « pourquoi les intellectuels français nous foutent les jetons », ici). Juste pour rigoler, allons-y pour la quatrième de couve :

Alors que l'érotisme met en scène le mystère du sujet et de la sexualité, la pornographie flatte le voyeurisme et livre au regard un corps morcelé, privé de visage. Plaçant le spectateur dans le registre de la sensation et de la consommation, elle efface le désir lui-même. Elle conduit à l'asservissement et à la disparition de l'humanité de l'homme. Loin d'être un rappel à l'ordre, le livre de Michela Marzano permet de distinguer les enjeux éthiques qui sous-tendent les représentations du corps humain, et offre un plaidoyer pour la liberté et la responsabilité, afin que l'autre demeure celui dont la rencontre nous conduit au meilleur de nous-mêmes, voire au-delà.

La question n’est pas de s’intéresser à ce que Marzano dit, écrit, pense. C’est secondaire. Le primaire ici, c’est comprendre que Marzano est dangereuse. Et qu’elle tient peut-être entre ses mains le plus grand des dangers dangereux, celui qui consiste à se dire que l’on fait le bien des autres (ou, à cocher : de la société, de la civilisation, de l’humanité de l’homme…). Couplé à ce danger au carré de faire le bien à raison, d’avoir le droit, la crédibilité et les outils pour (look at my resume, pliz).

Je n’ai pas réussi à remettre la main sur cette citation, d’Haldane je crois, disant que les bénitiers et les marches des églises ruisselaient du sang de ceux dont on avait voulu faire le bien. Marzano a son église, ses fidèles, elle parle à la télévision en experte, comme ici (extrait ci-dessus - je précise que ce n'est pas Marzano qui parle...).

Pour nous dire avec ses mots si clairs la conclusion qui s’impose, en marbre : interdisons la pornographie, mettons des filtres, des barrières, pourquoi par avec des barbelés (l’écorchement vaut si peu face au traumatisme, à la violence des images, à leur effet sur des esprits qui ne savent pas ce qu’ils pensent). Pour la simple et bonne raison qu’il lui est impossible de concevoir, dans son cerveau nourri à la déontologie maximaliste, qu’au-dehors du monde du CNRS, il y a aussi des gens qui ne pensent pas comme elle, qui ne vivent pas comme elle, qui ont d’autres valeurs, qu’on appelle ça le pluralisme, le fait d’avoir des modes d’existence propres sans s’imaginer qu’il serait bon de les imposer à tous.

Et bien si ça existe. Evidemment pas dans un documentaire où un montage, une musique, des commentaires nous font état d’affreuses libertines masquées confessant vouloir se faire embrocher comme des bouts de viande et qui, la morale est sauve à la fin, avouent se voir terminer avec un mari, des enfants, et un labrador.

Marcela Iacub estime que ce genre d’attitudes, de pensées, de mises en scène reflètent un chant du signe. Qu’on crie plus fort à mesure que les repères éclatent de tous bords. En bref, quoi que Nadine Morano décide, la marche de la liberté, du pluralisme et de la banalisation est active, on pourrait difficilement l’arrêter. Je ne crois pas être aussi optimiste qu’elle – enfin, ça dépend des jours.



mercredi 28 mai 2008

Comment ça énervée ?


Tiens, comme je me prends le chou dans d'autres contrées au sujet d'un documentaire diffusé hier sur Arte, et comme je n'ai pas la télévision, je vais voir sur le site de la chaîne sus-citée.

Oh quelle surprise ! A l'endroit permettant de visionner l'émission se trouve un curieux avertissement

"Pour des raisons relatives à la protection des enfants et des adolescents, ce programme ne sera disponible tous les jours sur ARTE +7 qu’entre 23:00 heures et 05:00 heures du matin."

Yeuh ? non rien...








(Pour des détails sur l'illustration choisie)


Allez c'est drôle




Du genre, sur France Info, gros débat (a peur) : "les filles sont-elles plus disposées à réussir à l'école que les garçons"

membres du débat : Catherine Vidal et Isabelle Alonso, qui toutes deux nous servent la même soupe : "tout est culturel, les filles sont meilleures à l'école parce que depuis qu'elles sont toutes petites, on leur dit d'être disciplinées"

Merci la science.

Sapiou ! Sapiou ! la terre est plate !!

Qu'est ce que ON attend ?




« Le fait qu’une exposition brève à des messages affirmant que le libre-arbitre n’existe pas puisse accroître la tricherie passive ou active implique que populariser une vision du monde déterministe pourrait saper le comportement moral ».

mardi 27 mai 2008

Allô Livennes ? Ya un truc que je pige pas !



Société 2.0 -

Alors que la Sacem doit publier le mois prochain le niveau de ses perceptions pour l'année 2007, son homologue britannique publie des résultats en hausse malgré la chute continue des ventes de disques. Car pendant que l'industrie du disque pleure ses déclarations fiscales d'autrefois, l'industrie musicale dans son ensemble sourit en découvrant que la filière est, en fait, en plein essor...

Pour convaincre les politiques de renforcer encore et toujours davantage la répression contre le téléchargement non marchand de musique sur Internet, les maisons de disques ont pour habitude de mettre côte à côte la courbe d'évolution du nombre de P2Pistes avec celle, inversement proportionnelle, de leur chiffre d'affaires. La démonstration doit convaincre les autorités que le P2P est directement responsable de la chute de leurs revenus, et donc responsable de l'atteinte, directe, aux sacro-saints artistes. Ainsi pour protéger les intérêts de Johnny Hallyday et de Carla Bruni, le gouvernement s'apprête à présenter devant le Parlement une nouvelle loi contre le téléchargement, deux ans après la loi DADVSI.

Mais la démonstration tombe court lorsque l'on regarde de plus près les chiffres. Car en fait de crise de l'industrie musicale, il s'agit surtout d'une crise de l'industrie du disque, c'est-à-dire de l'industrie de la musique enregistrée. Si les revenus des labels chute d'année en année, les revenus des artistes, eux, tendent à augmenter.

La MCPS-PRS, qui perçoit les droits d'exécution publique (radio, télévision, internet, discothèques, concerts, commerces,...) pour le compte des auteurs, compositeurs et éditeurs britanniques, vient ainsi de dévoiler une hausse de ses perceptions de 2,8 % l'an dernier, à 562 millions de livres (environ 706 millions d'euros). Un record. Pourtant, les droits de reproduction mécanique qui reflètent la santé du disque, et des maisons de disques, ont baissé de 11 %. Mais les droits de diffusion et d'interprétation de la musique, eux, sont montés en flèche. + 7 % l'an dernier, à 155,5 millions de livres. Dans le détail, les concerts ont généré 20 % de droits en plus par rapport à 2006, les discothèques et autres lieux publics ont rapporté 4,1 % de plus, et la télévision, + 10,4 %. Plus les jeunes piratent, plus les rémunérations indirectes qui bénéficient davantage aux artistes qu'aux maisons de disques augmentent.

Pour la première fois, les interprétations et les diffusions rapportent plus que les droits liés aux ventes de disques. C'est un croisement historique, qui en dit long sur l'avenir des maisons de disques et sur la nécessité pour l'industrie musicale de réviser en profondeur son modèle économique, dont l'équilibre est renversé.

La Phonographic Performance Ltd (PPL), qui perçoit les droits d'exéuction publique pour le compte des producteurs et des artistes-interprètes, enregistre aussi une hausse des perceptions de 17 %, à 115 millions de livres.

Et la tendance est générale. Comme le rappelle Philippe Astor sur Electron Libre, aux Etats-Unis l'ASCAP publie une hausse de 10 % de ses perceptions, et sa concurrente la BMI une hausse de 8 %. En France, la Sacem n'a pas encore publié ses chiffres pour l'année 2007, mais ils devraient suivre la tendance de 2006, qui avait vu les perceptions d'exécution publique augmenter de près de 6 %. Il n'y a guère qu'en Allemagne où la GEMA publie des perceptions en baisse de 2,83 %.

Globalement, nous dit Philippe Astor, "les droits relevant de la consommation collective (32% du total) et de la diffusion de musique à la télévision et à la radio (34,6%), ont généré 66,6% des revenus des auteurs, compositeurs et éditeurs membres de la SACEM en 2006, contre seulement 24,2% pour la consommation privée de musique (CD, Internet, mobile, copie privée)".

Mais les maisons de disques, par définition beaucoup plus dépendantes des ventes de disques, subissent de plein fouet une crise qui, en fin de compte, ne touche que l'un des acteurs de la filière musicale.Si l'on met côte à côte la courbe du P2P avec celle, proportionnelle, de l'augmentation des perceptions en faveur des artistes, peut-on en déduire que le P2P est bénéfique à Carla Bruni ? Ce serait bien sûr absurde, mais pas plus que le fait de considérer le P2P comme le premier responsable de la chute du disque en France et dans le monde.










Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par Guillaume Champeau pour Numerama.com

Salut,





J'aime pas les photos, alors j'ai supprimé mon compte Flickr.







J'aime pas les gens, surtout quand ils racontent des conneries débiles (redondance volontaire au niveau du style), alors j'ai supprimé mon compte Twitter. En plus, il paraîtrait qu'on pouvait y analyser mon identité ; alors bon. (Des fois, les gens, même les plus précocement adopteurs du 2.0, ils arrivent pas à comprendre que ce que tu mets en 140 caractères, c'est peut-être pas ta vie, et que de toutes façons ta vie, c'est peut-être pas ta vie non plus – médite, petit, sur l'existence de la cuillère).

J'ai pas trop le temps, l'énergie et les idées de faire des posts sur ce blog en ce moment (« en ce moment », c'est un concept) comme je voudrais et comme j'aimerais, du genre pas trop kikoulol, mais pas trop non plus à se la péter esprit de sérieux. J'ai eu envie l'autre jour d'en faire un sur la nouvelle rigolade de l'ami Edwy, et puis quand même, tirer sur les ambulances, je ne trouvais pas ça très fair-play ; alors non.

Donc voilà.

C'est pas très grave en fait, je crois même que personne n'en est jamais mort (ou alors voir avec Nadine pour des données exclusives sur la dangerosité des choses à surveiller).


P.S. : nan mais quand même, Mediapartwy, il est à se rouler sur les fesses à rire, donc je mets ici aux enchères copyleftes le titre de mon post avorté au stade de blastocyte : "Euthanasie pour Edwy : un acte citoyen". Que mille mèmes fleurissent.



samedi 17 mai 2008

Activisme


Sociopathe

J'ai envie de me défouler. Faire un post de blog bien gras du genre : salut, hier j'ai croisé un connard première classe duquel j'aurais bien défoncé la gueule façon pistolet à air comprimé Anton Chigurh. Ouais : «would you hold still, please sir ? », et hop sur le chakra du troisième œil. Sans autre forme de procès, non, parce que des fois ça suffit. Et voir un nain engoncé dans un t-shirt éructer en levant les bras, c'est déjà assez pénible pour en plus lui demander quelle sera sa ligne de défense. Il pourrait rougir un peu plus et transpirer du dessus des lèvres, et souffler aussi son haleine sèche de type qui parle trop sans s'humecter la langue. Non. Point barre.


Ça m'arrive en effet de perdre mon sang-froid, d'avoir la cervelle tronçonnée par trop d'humains superflus que l'alternative est simple : c'est lui, ou moi au bout d'une corde. Et évidemment, vu que je suis mieux placée que n'importe qui pour juger de la valeur de ma vie, le calcul est vite fait. Mais au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, outre que c'est assez difficile de se trimballer avec des outils de western dans un sac à main de taille, disons raisonnable, c'est aussi assez difficile de régler leur sort à tous ces gens en trop. « En trop », ouais, j'ose carrément le mot, mec, je suis sur mon blog tiens grande nouvelle, et je t'emmerde aussi si tu t'offusques, tu pourras toujours me laisser un petit commentaire qui fera grimper mon niveau de testostérone. Have fun.


Nous sommes dans des sociétés pacifiées les petits, on peut très bien se promener en treillis et jouer à la guerre sur sa Xbox, on vit les frigos pleins et l'idée lointaine de crever d'un cancer à soixante ans, pour les plus malchanceux. Pour les débiles mentaux, il y a toujours le retour de boîte le samedi soir. Et vous me direz certainement qu'il n'y a pas plus eugéniste qu'une rangée de platanes, et vous aurez raison. Nadine Morano, là, à ce moment précis, elle me dirait : fillette, vous perdez le sens de la mesure et confondez réel et virtuel, c'est très grave, vous avez besoin d'aide. Laissez-moi vous aider. Nadine, comme l'autre, je t'emmerde. S'il te plaît, laisse moi un commentaire aussi ça augmentera mon pagerank. Take two – parce que mettre des trucs en anglais, ça distancie en même temps que ça défoule au carré, carrément rentable comme concept.


Donc le nain éructeur, ça ne lui plaît pas que Darina al Joundi déverse sa vie sur scène, il dit qu'elle en fait trop, même de loin ses petits bras qui se lèvent, et le cercle des commentateurs qui rient me donnent bien plus la nausée et le vertige que la nicotine, le ventre à jeun et le récit d'une liberté payée à coup de barbelés dans le dos. Il ose le mot « misérabilisme », il a dû le voir dans un journal gratuit, ou, cessons d'être hautaine et méprisante, dans un livre relié avec de la vraie encre sur des pages qui se tournent sans faire semblant. Le nain est lettré « il a passé trois au Liban il a même travaillé pour Madame... » (suit un nom bien arabe qui fait authentique, comme les pignons dans le thé à la menthe) et il ne fait que donner son avis, il a le droit quand même, de même qu'à peine le dernier applaudissement étouffé il a le droit de lancer de son souffle sec et porteur « je me suis trop fait chier », d'un ton bien trop peu intime pour s'adresser uniquement à la personne vers laquelle il se destinait. (Reminder : lancer une étude sur la corrélation entre la petite taille et les décibels vocaux, mais vu que je suis naine et que j'articule aussi peu que ma voix porte, penser aussi à m'exclure de l'étude ainsi lancée). Nan mais, oh, merde, on est en démocratie !


Je ne sais pas si ma colère passera. Ce dont je suis sûre (à peu près, disons), c'est qu'une femme sera encore pour longtemps jugée impudique, misérabiliste, hystérique, sans recul à en faire trop, et autres attributs des choses à laisser à leur place qui ont malgré tout parfois l'impudence de sauter les clous, tant qu'elle voudra dire la vérité, le réel, les hommes qui frappent, les familles qui enferment pour le bien de la société, les religions qui brisent les genoux, les punitions qu'on mérite. Une femme qui danse en montrant ses seins est un danger public, tiens la, la salope, elle qui a manqué tous ses devoirs, à commencer par décrire toute la complexité politique d'un pays que je connais bien pour y avoir travaillé trois ans – au service de Madame l'Arabe.


Les mains de Darina frappant le sol « ils défoncent la porte papa » résonneront encore, que l'image du nain et l'odeur de sa carence de salive auront depuis longtemps quitté ces quelques neurones réfractaires à la loi de ma mémoire huileuse.




vendredi 16 mai 2008

Dilemme de la connerie



Les gens cons sont impolis dans leur connerie. Les gens polis le sont trop souvent avec des cons. On lance l'offensive ?


(mais « on » est un con)




Misérabilisme



Oh Sinnerman where you gonna run to
Sinnerman where you gonna run to
Where you gonna run to
All on that day

Well I run to the rock
Please hide me I run to the rock
Please hide me I run to the rock
Please hide me lord
All on that day

Well the rock cried out
I can't hide you the rock cried out
I can't hide you the rock cried out
I ain't gonna hide you god
All on that day

I said rock what's the matter with you rock
Don't you see I need you rock
Don't let down
All on that day

So I run to the river
It was bleedin I run to the sea
It was bleedin I run to the sea
It was bleedin all on that day

So I run to the river it was boilin
I run to the sea it was boilin
I run to the sea it was boilin
All on that day

So I run to the lord
Please help me lord
Dont you see me prayin
Dont you see me down here prayin

But the lord said
Go to the devil
The lord said
Go to the devil
He said go to the devil
All on that day

So I ran to the devil
He was waitin
I ran to the devil he was waitin
I ran to the devil he was waitin
All on that day

vendredi 9 mai 2008

C'est sans danger !

Pat Califia n'est pas de ce genre d'individus qui ont du bol. Femme et lesbienne chez des mormons, dominatrice et féministe dans un milieu traquant l'hétéronormativité (quand ce n'est pas l'hétérofascisme), Patricia devenant Patrick, père d'un fils dont le « petit-ami est la mère »... les amoureux des cases remplies et des repères placés risqueront de se demander si, par hasard, la bête ne le ferait pas exprès. Évidemment, à entendre ce genre d'histoires, c'est au monstre que l'inconscient bien en lui-même pense, le plus spontanément et le plus naturellement du monde. Au freak, la chose repoussante et cathartique qui excite les enfants et les mères de famille, évitant par là de trop se faire de souci au sujet de leurs propres cages. La tare aussi, l'exception à la règle dont l'existence tout entière justifie celle de la ligne.

« Je préfèrerais vivre dans un monde où chaque homme pourrait être ou avoir été une femme », lit-on en gros sur la couverture de Sexe et Utopie, paru récemment à La Musardine. J'entends quelqu'un qui se moque : ah ah, oui ! et bien-sûr ! pourquoi pas les poules qui ont des dents et les vaches avalant des trains tant qu'on y est ? Tant qu'on y est, justement : on y est. Pat Califia en est la preuve vivante, survivante d'ailleurs, comme tous ces êtres qui nous lancent en pleine gueule les coups qu'ils ont pris, sans s'en vanter, sans s'en poser en victime expiatoire ou en porte-étendard. Juste des individus extrêmement vivants d'avoir, avec tant d'opiniâtreté, échappé à la mort. Pat Califia frappe, Pat Califia est drôle, forte, terriblement juste en quelques morts lacérés. Sur la monogamie prescrite et acceptable, par exemple en milieu lesbien où des hyper-femmes voient dans la « norme » une « succession de relations monogamiques » :

« J'ai des amies qui sont incapables d'avoir une relation sexuelle sans se dire qu'elles sont follement amoureuses de la femme avec laquelle elles sont au lit. J'enrage devant tant d'hypocrisie. Je ne vois pas pourquoi je devrais promettre un amour éternel alors que tout ce que je veux c'est un peu d'exercice sous la couette. C'est du chantage. Pas étonnant que les hommes hétérosexuels soient si en colère contre les femmes qui pensent qu'une érection est un manche qu'on attrape pour conduire l'homme jusqu'à l'autel. Je préférerais payer cash pour du sexe plutôt que d'être réveillée par le coup de fil désespéré d'une femme qui veut que je l'épouse seulement parce que j'ai passé quelques heures à me demander comment la faire jouir. Et elle a le culot de m'accuser, moi, de l'avoir utilisé, elle ! »

Dans aucune case donc, traître(sse) à toutes les causes, Pat Califia a en plus l'impertinence d'être outrageusement positif dans ses propos et dans son style démontant point par point la généalogie d'un apprentissage qui fait « craindre le sexe, (...) le repousser sauf sous la contrainte ou en échange d'amour et de sécurité », raillant le « mouvement des femmes (...) devenu une force moraliste qui pousse les minorités sexuelles à la haine de soi et à la tristesse » ou ces « utopies théoriques (...) rêvées par des gens qui ont peur de la diversité et qui sont profondément conservateurs en ce qui concerne les choses du sexe », montrant que « les femmes sexuellement actives ont toujours été une menace que le système n'accepte pas » et refusant « d'entendre d'autres histoires tragiques de femmes qui ont réprimé leur sexualité parce qu'elles pensent qu'il est politiquement inacceptable d'avoir été ardemment excité par la vulnérabilité ou le contrôle sexuel ».

Pat Califia en emmerdera certainement beaucoup, d'autres lèveront les yeux et poufferont de tant de débilité post-68arde. Qu'ils passent leur chemin et continuent de s'occuper des tisons des rôles à ne pas défaire. Que ceux qui l'aiment, par contre, la suivent et s'empressent de lire Sexe et Utopie.