Chez les Indiens Kogi de Colombie, le
mythe de la création des sexes n'est pas une affaire de côte mal
taillée mais de poil pubien fertile. C'est lorsque la Mère
primordiale s'arracha un poil de chatte pour le planter au mitan d'un
corps agame que ce dernier se vit pousser un pénis – et que
l'humanité fut divisée en hommes et femmes. L'histoire peut être
cocasse, mais elle révèle surtout combien l'importance accordée à
la toison pubienne est loin de se limiter à l'époque contemporaine.
Contestant l'idée que le défrichage des bas morceaux serait une
invention aussi occidentale que récente, et uniquement fruit des
« injonctions » d'une société hypnotisée par les films
de boules et les marchands du temple cosmétique, Lyndsey K. Craig et
Peter B. Gray, anthropologues à l'université du Nevada, ont décidé
de mener la première analyse « systématique et
interculturelle » de l'épilation pubienne. Leur étude
exploite des « données descriptives » portant sur 72
cultures disséminées de par le monde et les époques – pour des
publications courant de 1894 à 2001. Il en ressort que la pratique
est bien universelle et ne peut être exclusivement expliquée par la
publicité et la pornographie de masse, vu qu'aucune des sociétés
pré-industrielles étudiées n'y avait accès. Pour ces maillots
primitifs, la technique de choix est l'extraction manuelle – avec
divers ersatz de pinces à épiler, comme les Indiens Tapirapé qui
se servent de coquilles de palourdes ou les Selknams de la Terre de
Feu (aujourd'hui disparus) qui s'arrachaient les poils avec les
doigts et une mixture de cendres. Craig et Gray montrent par ailleurs
que si les femmes sont les premières concernées, les hommes ne sont
pas en reste, tant il n'est pas rare que le débroussaillage soit
intégré dans un rituel marital marquant l'entrée à la fois dans
l'âge adulte et la vie sexuelle. La motivation numéro un est
d'ordre hygiénique – comme chez les Ila (Afrique australe) où les
femmes craignent que leurs poils ne piquent le pénis de leur
partenaire et l'infectent. Ce qui fait dire aux chercheurs que
l'épilation intime relève d'une évolution bioculturelle et que
l'entretien de la toison pubienne, où la dégradation des protéines,
lipides, acides gras et stéroïdes secrétés par les glandes
sudoripares produit un fumet variant au gré de l'état reproductif,
est avant tout un signal d'activité et de réceptivité sexuelles
sur lequel le complexe playboyo-esthétique n'a fait que capitaliser
depuis quelques siècles.
Christopher Hitchens, après Sigmund
Freud, en parlait comme du « narcissisme des petites
différences » – le fait que les ennemis les plus jurés ont
toutes les chances de se ressembler énormément. L'étude de
Jan-Willem van Prooijen et André P. M. Krouwel, chercheurs en
psychologie expérimentale et en sciences politiques à l'université
libre d'Amsterdam, confirme la conjecture en montrant que quatre
caractéristiques psychologiques unissent les extrémistes de gauche
et de droite. La première est une détresse intellectuelle – un
sentiment de « perte de repères », d'incertitude, voire
d'angoisse – qui agit comme un terreau à radicalité par la quête
d'une cause susceptible de redonner du muscle à une estime de soi
raplapla. Par exemple, et par rapport aux modérés, les extrémistes
disent souvent avoir peur pour leur avenir économique et expriment
beaucoup de méfiance vis-à-vis des institutions, notamment
gouvernementales. La seconde, découlant de la première, est un
« simplisme cognitif » ou un goût prononcé pour le
manichéisme, les solutions en noir et blanc et tout ce qui semble
clarifier un « environnement social complexe via un ensemble
d'hypothèses simples rendant le monde plus compréhensible ».
La troisième est un excès de confiance et un sentiment de
supériorité idéologique (« j'ai raison et pas toi »)
sur tout un tas de sujets allant de la sécurité sociale à
l'immigration en passant par la discrimination positive. Une tendance
corroborée par des tests vides de toute saveur partisane et qui
s'assortit d'une plus grande propension au biais de confirmation. La
dernière est un penchant prononcé pour l'intolérance et le
dogmatisme – et le fait de voir ses « jugements moraux comme
des absolus reflétant une vérité simple et universelle ». Le
tout, alertent les chercheurs, étant une formidable recette de
castagne entre groupes persuadés de n'avoir rien à voir les uns
avec les autres et tout à gagner de l'élimination de leurs «
antagonistes ».
À l'heure où la saison du rhume des
foins et de la montée de sève bat son plein, une étude publiée
quelques jours avant l'équinoxe de printemps a de quoi laisser
songeur quant à la précarité de nos préférences amoureuses.
Menée par Kathryn M. Lenz (université de l'Ohio) et ses collègues,
cette étude établit un lien solide entre réaction allergique et
sexuation du cerveau : chez les rats, les femelles ayant été
exposées à un allergène durant leur gestation donnent naissance à
des petits qui, toute leur vie, auront des comportements sexuels
« atypiques ». En d'autres termes, les femelles nées de
mères ayant connu l'équivalent murin d'une grosse crise d'asthme se
comporteront comme des mâles. De fait, cet effet d' « inversion »
est bien plus fort chez les femelles, qui passeront le plus clair de
leurs journées à vouloir grimper leurs petites copines et à se
transformer en folles du cul à la moindre odeur féminine dans les
parages. L'action de l'allergie maternelle sur le développement
sexuel de la progéniture est aussi détectable au niveau cellulaire
dans le système nerveux des bestioles. Notamment, les filles de
mères allergiques auront une zone du cerveau (l'aire préoptique,
connue pour réguler la motivation sexuelle des mâles) plus riche en
synapses qu'à l'accoutumée. Mais si le changement se fait en miroir
chez les mâles, il ne se traduit chez eux que par un moindre intérêt
pour la gaudriole, sans coming-out à prévoir.