C'est toujours cette histoire de la dialectique du marteau (ou comment un marteau peut servir à planter des clous pour faire tenir une très belle armoire, ou fracasser le crâne du premier type qui passe), Facebook n'est qu'un outil, défini par ses usages. Et mon usage du réseau social rime avec phénobarbital.
Il faut savoir que je suis une personne extrêmement asociale. Du genre à détester la foule (qui commence avec une petite dizaine de personnes dans une même pièce, si ces individus me sont chers, à beaucoup moins, si ce sont des inconnus), à me provoquer des suées, des palpitations, des hallucinations – bref, toutes les manifestations d'un délire psychotique –, si trop de voix se mélangent dans mes oreilles, si trop de corps viennent frapper ma rétine, si trop de tout pénètre l'accès de mon système sensoriel. Soit tous ces indices informatifs dans lesquels, pour l'instant, mon cerveau a trouvé la meilleure façon d'être conscient de son environnement, et d'interagir avec lui afin d'assurer ma survie. Ce n'est pas une posture, ni encore moins une blague, c'est comme ça. Un comme ça dont je ne souffre pas et que je ne cherche pas à soigner, à la limite à comprendre. Appelons cela un axiome vital.
Pour le dire en une phrase aussi péremptoire que brève : Internet m'a sauvé la vie, diminuant toutes ces barrières humaines par lesquelles je devais auparavant passer pour vivre un tant soit peu confortablement. Mieux, il m'a permis, parce que je suis quand même curieuse, d'aller, en toute sécurité, à la rencontre de cet humain rassemblé que j'exècre. De la même manière que j'apprécie la télé-réalité, parce qu'elle me permet de connaître des types d'individus qui, dans la vraie vie, me feraient fuir, j'ai apprécié un temps Facebook pour sa fonction de vitre entre ces individus et moi. Un peu comme ces murs de fourmilières, en effet, sauf que j'ai une considération pour les fourmis de très loin supérieure à celle que j'ai pour les humains. D'un point de vue positif, parce que faisant partie d'Internet, Facebook m'a aussi permis et me permet encore de connaître des individus formidables (car comme tout misanthrope qui se respecte, quand je rencontre une personne que j'estime, je saute en l'air tellement la chose est trop rare pour être signalée sans cris, grattages de murs avec les ongles, courses en rond et youhouhous associés \o/).
Après six mois d'inscription blanche (entendez, sans aucune activité, et avec une seule «amie », à savoir la personne qui m'y avait invitée et à qui je n'avais pas grand chose à dire), tout est allé, comme souvent, assez vite. Dès que vous atteignez un certain nombre d'amis, les connexions se font, le réseau social turbine – de plus si vous avez la chance, comme Moi, d'être un Personnage Public (rires dans la salle), vous aurez le bonheur d'assister, les lendemains de passage dans des médias de masse, à un flot de demandes d'amitiés motivées par « Hey ? Es-tu la Peggy Sastre qui était avec moi à l'école/lycée/fac/...? » ; ce à quoi je répondais tacitement toujours par « Cher Ducon, nous n'avons jamais pu nous sentir, et cela fait 10/15/20/... ans qu'on ne se parle plus, ne crois-tu pas qu'il y a une raison ? ». Bref.
Au bout d'un certain temps, je me suis prise au jeu, accentué par le fait que n'ayant ni bureau, ni collègues qui vont avec, mes rencontres subies avec de l'humain non choisi, et les observations qui s'en suivent (et dont je commence à faire mon métier) peuvent vite s'apparenter à la morne plaine consacrée. Je suis donc devenue une « figure » de Facebook (entendez de mes 300 amis), à la valeur ajoutée définie par une activité et une réactivité notables – en particulier dans les running gags et autres jeux de langage a minima développés (pour ceux qui ne l'auraient pas vu, ce n'est pas vraiment sur Facebook qu'on peut tenir une conversation un tant soit peu valable – même si la notion est relative, tout un chacun peut s'en faire une idée). Envahie de socialité propre, comme un jeune prosélyte, j'ai expérimenté absolument tout ce qui, dans cette fameuse vie réelle, me donne envie de mourir : les ragots, les racontards, les qui a dit quoi sur qui, les non-mais-tu-as-vu-ce-qu'il/elle-raconte-qu'est-ce-t'-en-penses ?, le tout saucé d'objets propres à Internet, à savoir, par exemple, les screens provenant des murs d' « amis » oubliés (les mêmes partis en grande pompe et drama-queenage d'un « oublie-moi si tu peux » après moult vaudevilles ubuesques à tendance psycho-flippant – vous avez vu JF partagerait appartement ? Vous en avez une idée), et qui vous mettent borderline, parce que votre cerveau n'est pas encore assez développé pour, quand on vous menace de mort, ne pas paniquer comme un petit singe qui, dans la savane de nos ancêtres, se retrouve devant n'importe quel prédateur qui lui montre les dents. Il y a eu aussi les quiproquos, les mauvaises interprétations, les surveillances de murs comme on te colle un détective au cul, sauf que là, ça serait un détective un tout petit peu mongol, et même si ce n'est pas vraiment de sa faute ; comment pourrait-il comprendre un statut de 200 caractères qui fait suite à des paroles de chanson, à une discussion avec quelqu'un qu'il ne connaît pas, ou à tout autre manifestation d'écriture automatique sans plus de sens que rien du tout ?
C'est donc fatiguée de l'humain en grappe ET rassasiée de tous ses travers les plus pénibles que j'ai décidé de mettre un gros frein à mon activité réticulairement sociale. Non pas, pour ceux qui se demanderaient, parce que j'ai les flics à mes trousses, parce que je suis en instance de divorce ou à la veille d'un internement psychiatrique. Mais tout simplement parce qu'il y a tellement mieux à faire sur, et avec Internet.
5 commentaires:
Bien, cet article. Vraiment bien. Et je m'en fous pas mal de n'être pas constructif. Hein.
j'ai envie de te mettre un "like" uh uh uh
Supair! Mais j'ai pas tout compris. C'est quoi FaceBook?
Il y a tout un tas de phrases que j'ai appréciées dans cette article. Ma préférée est peut-être cependant la dernière.
tu es super chouette, et tu égayes mon dimanche soir du début de l'hiver!!! merci.
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