vendredi 29 février 2008

Ecran de fumée

De l'esprit de sérieux, revenons-en. C'est un film avec des monstres dévoreurs dedans, ça ne peut pas être sérieux. Au mieux, The Mist, ça peut-être un bon divertissement (et comme on n'a pas la télé), du genre de ceux qui font dire que la carte illimitée, ça permet d'aller voir des navets en bonne conscience, on s'en fout, ça ou autre chose, c'est gratuit. Dès le début, il y a comme une vitesse d'exécution qui vous dirait que vous n'allez pas voir le film pour lequel vous avez « payé », un plan trop rapide sur la famille parfaite-enfant-unique, qui va forcément se faire dégommer (sauf le gosse) et son voisin noir (qui meurt toujours vite et de mort violente), il y a comme de ces détails qui vous diraient les choses changent par rapport au standard série B (comme bourrins - même si le jeudi soir au Publicis, c'est rempli de golios, ndlr, ouais même plus de limites, ils téléphonent pendant la séance...). Le huis-clos est rapidement fixé, le supermarché un lendemain de tempête, jour de pénurie zombiesque, queue à la caisse, une ville moyenne américaine qui se retrouve dans ses personnalités et ses archétypes (la vieille institutrice qui râle sur les pertes de repères, les militaires de la base du coin qui attendent leur permission, la folle messianique, les locaux qui se connaissent depuis le toujours du « vivre et mourir au pays », les adoptés un peu trop citadins pour être fiables aux yeux du collectif, les employés-médiateurs, etc.).

Et le brouillard qui recouvre tout d'un coup, sa bizarrerie qu'on sentait bien depuis le départ confirmée par une figure du patelin qui accourt en sang et annonce que « quelque chose » dans la brume a enlevé son vieux copain... Élément perturbateur justifiant que tout le monde se calfeutre dans le supermarché et commence à conjecturer – « c'est la mort », dit la folle messianique, et les bêtes dévoreuses peuvent arriver. La scène primitive d'un post-ado qui, croyant pisser plus loin en bravant le « même pas peur, je sors », termine coupé en deux, ça fait toujours plaisir. Mais le plus dérangeant (ouais, osons le mot) dans The Mist, c'est une mise en scène en porte-à-faux où tout ce qu'on croit attendre arrive sans vraiment aboutir, ne serait-ce dans cette fin au nihilisme plus que rare dans les films de cette trempe. Une description de l'humain trop humain en situation de crise, les moutons et les meneurs, le plus petit dénominateur commun qui rassemble la majorité inquisitrice hululant à l'Armaggedon (et faisant croire au passage au spectateur « mais non, ils n'ont pas osé » que c'est bien cela qui est mis en scène), une avant-garde conspuée (mais elle s'en fout, elle a le flingue) qui termine bien conne, et qui confirme au passage que la grosse bête à la corne de brume version Guerre des Mondes, ça marche toujours.

Evidemment, il y a les poncifs du genre : les bêtes, araignées métalliques et préhistoricomophiques à la Starship Troopers qui sont le fait d'un complexe militaro-scientifico-industriel pas très au fait du principe de précaution, les « prenez soin de mon fils s'il m'arrive quelque chose » d'un père de famille éploré à une blonde temporairement survivante, dont on espère bien qu'elle ne fera pas qu'astiquer le carnet de notes du potentiel orphelin, qui ne panique d'ailleurs pas trop, vu qu'il est bien élevé... mais le tout torturé, trituré, bancal, et surtout s'achevant dans un jouissif « on n'a jamais l'air aussi con qu'en se persuadant à sa propre malédiction, tout en essayant de prendre les choses en mains » que The Mist vaut définitivement le détour.


(Plus que Paris, bande de veaux)


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