dimanche 2 mars 2008

Marcela Iacub : Entretien dans Libération, édition du 29 février 2008

La Révolution sexuelle a -t-elle eu lieu en 68 ?
On s’est contenté de changer le contenu des contraintes. Il est faux de croire qu’on n’est passé d’un monde dans lequel on était accablé par des contraintes injustes, vers un régime de liberté sexuelle et procréative. Ce vieux maître rigide qu’était le mariage a été remplacé par un autre, tout aussi arbitraire, et, sans doute, plus redoutable encore qui est le sexe. Par ceci, j’entends un ensemble de normes juridiques qui a fait de la sexualité, non seulement le fondement des liens de filiation au détriment de la volonté, mais aussi la chose la plus importante en ce qui concerne notre bien-être psychique. La sexualité n’est pas une activité libre gouvernée par le seul consentement, mais quelque chose d’extrêmement délicat et dangereux qui peut, à tout moment, mettre en miettes notre santé mentale et notre avenir.

Quels ont les effets des réformes de cette époque comme la contraception ou l’avortement ?
La famille n’est plus organisée autour du mariage mais du ventre fertile des femmes. On met souvent en avant le fait que ces nouvelles lois ont permis aux femmes ne pas être enceintes lorsqu’elles ne le souhaitent pas. Ce faisant, on oublie le principal, c’est-à-dire que ce sont elles seules qui ont le pouvoir de faire naître. Ainsi, l’homme n’a pas le droit de demander à une femme d’avorter. C’est quand même un peu gonflé que l’on puisse encore imposer à un homme une paternité non désirée. Cela signifie que la liberté procréative n’est pas complète, car elle ne concerne que la moitié de la population. Les féministes traditionnelles voient cela comme une vengeance contre les hommes et le patriarcat.

Dans la situation présente, les femmes continuent à être le pivot de la reproduction de l’espèce. C’est pourtant un pouvoir qu’elles auraient intérêt à partager à égalité avec les hommes, si elles souhaitent s’investir davantage dans la vie professionnelle, sociale et politique. Et cela engagerait aussi les hommes d’une toute autre manière.

Vit-on aujourd’hui une pleine liberté sexuelle ?
La sexualité peut être consentie, mais pour autant pas autorisée dans le droit actuel. Il en va ainsi de la sexualité commerciale (prostitution) et tout ce qui l’entoure. Il en va de même de certaines pratiques sexuelles : les jeunes entre 15 et 18 ans ont, en principe, le droit d’avoir des rapports sexuels à deux de tout type, y compris avec les majeurs. Mais les pratiques qui supposent la présence de plusieurs partenaires, d’une manière concrète (partouzes) ou indirecte (prises de photos), ne sont autorisées qu’aux majeurs de 18 ans.

Plus généralement, je crois que le sexe a été un formidable alibi pour que l’Etat casse les instances intermédiaires qui s’occupaient de gouverner la vie privée : la famille, l’école, les églises. C’est dorénavant le droit, et surtout le droit pénal, qui est devenu l’arbitre des conflits interpersonnels, au détriment d’autres normes morales, disciplinaires ou de politesse.



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