dimanche 30 mars 2008

Répétez après moi, après moi, répétez

Comme je le disais précédemment, on n’a pas fini d’entendre le vieux continent se frotter les mains, se taper les cuisses et dire « c’est bien fait » en réaction aux attaques judiciaires dont est victime actuellement le web 2.0. Aujourd’hui, Amaury de Rochegonde, responsable de son état d’une chronique « Médias, grand angle : Tour d’horizon du monde de l’audiovisuel, analyse des résultats d’audience, succès et flops du petit écran, mutations technologiques : décryptage hebdomadaire » sur France Info est heureux de nous donner son avis éclairage sur cette petite affaire.

Pas besoin d’aller chercher très loin, dès le début tout est dit : « La condamnation du site fuzz.fr jeudi dernier par le Tribunal de commerce de Paris peut être vue comme une vraie bonne nouvelle pour les médias. »

Voir ici la « vraie bonne nouvelle » comme le fait que, désormais, les médias, vieux ou jeunes, ne « seront plus tentés d’attirer l’audience sur leur site avec des ragots ». Enfin le retour de la bonne vraie information, bien éthique, bien propre, bien vérifiée selon les codes et les usages de la « responsabilité éditoriale » - bref, vous pouvez recommencer à respirer les amis diplômés des salles et conférences de rédaction, plus question de souffrir « d’une concurrence un peu déloyale des millions de sites ou de blogs qui sont bien sûr moins surveillés, moins attaqués et font de l’audience en propageant rumeurs et commérages. ». Les petits cochons bien gardés, youpi.

Néanmoins, le lecteur lambda avide de leçons à écouter et d’exemples à suivre reste un peu sur sa faim face à la démonstration d’Amaury de Rochegonde, journaliste patenté. En effet, l’un des fonds du problème, à savoir si Eric Dupin est réellement responsable du contenu incriminé d’atteinte à la vie privée, passe rapidement à la trappe. Pas besoin de discuter pour Amaury de Rochegonde : « Le Tribunal de grande instance de Paris a donc tranché : non, ce site ne peut pas s’abriter derrière sa position de simple hébergeur pour s’exonérer de toute responsabilité éditoriale. Oui, il y a bien violation de la vie privée comme il en irait de n’importe quelle publication papier. » La justice a parlé, la justice a raison, alléluia. Que cette condamnation soit absurde, ignorante des processus les plus élémentaires du web participatif et ressemble, comme le fait remarquer l’avocat d’Eric Dupin, pourtant cité par Amaury de Rochegonde, à la condamnation du « kiosquier du coin parce qu’il expose les unes des magazines people au public », on s’en fout. L’important, c’est le symbaule (quoi ? j’entends « bouc-émissaire » ?) : cette condamnation éloigne une « audience pas très citoyenne » des rivages immaculés de la presse responsable, rivages déjà par trop attaqués par ces « dérives » qu’on aimerait bien oublier – ah l’affaire du SMS envoyé à Cécilia Sarkozy ! Si Airy Routier avait su qu’il serait bien plus célèbre en tant qu’épouvantail que journaliste, je ne sais pas s’il aurait usé ses fonds de culotte à l’ESJ de Lille…

En bref, tout le monde dans le droit chemin, les lits au carré, plus la peine de nous chauffer les oreilles avec vos changements de paradigmes et autres excuses à deux balles qui ne veulent rien dire d’autres que : « vous, petits anonymes des réseaux, si vous croyez qu’il suffit d’une souris et d’une connexion ADSL pour arriver à notre niveau d’officiels du relais d’information, vous vous fourrez le doigt dans l’œil, et jusqu’à l’os ».

Pas de bol pour les grandes (par leur portée) démonstrations d’Amaury de Rochegonde, à peu près au même moment où paraît son appel à laver plus blanc que blanc et à oublier les scories de l’Internet, pollueur des informations qui se valent, est relayée à peu près partout, et y compris dans la presse réelle et pas virtuelle, l’information suivante : l’ex-mari d’Ingrid Bétancourt craint qu’elle ne soit déjà morte. Bon évidemment, ce n’est pas de la même teneur que le ragot qui voulait qu’Olivier Martinez recouche avec Kylie Minogue, c’est même bien plus grave, vu que l’information touche à la Sainte Pucelle du temps présent, celle que même not’ président il a dit qu’on s’attaquait à elle, on s’attaquait à la France, inévitablement ça fout les jetons.

Aglagla ?


Illustration : Elisabeth Vigée-Lebrun (1755-1842), La Vertu irrésolue

Aucun commentaire: