vendredi 29 février 2008

Ecran de fumée

De l'esprit de sérieux, revenons-en. C'est un film avec des monstres dévoreurs dedans, ça ne peut pas être sérieux. Au mieux, The Mist, ça peut-être un bon divertissement (et comme on n'a pas la télé), du genre de ceux qui font dire que la carte illimitée, ça permet d'aller voir des navets en bonne conscience, on s'en fout, ça ou autre chose, c'est gratuit. Dès le début, il y a comme une vitesse d'exécution qui vous dirait que vous n'allez pas voir le film pour lequel vous avez « payé », un plan trop rapide sur la famille parfaite-enfant-unique, qui va forcément se faire dégommer (sauf le gosse) et son voisin noir (qui meurt toujours vite et de mort violente), il y a comme de ces détails qui vous diraient les choses changent par rapport au standard série B (comme bourrins - même si le jeudi soir au Publicis, c'est rempli de golios, ndlr, ouais même plus de limites, ils téléphonent pendant la séance...). Le huis-clos est rapidement fixé, le supermarché un lendemain de tempête, jour de pénurie zombiesque, queue à la caisse, une ville moyenne américaine qui se retrouve dans ses personnalités et ses archétypes (la vieille institutrice qui râle sur les pertes de repères, les militaires de la base du coin qui attendent leur permission, la folle messianique, les locaux qui se connaissent depuis le toujours du « vivre et mourir au pays », les adoptés un peu trop citadins pour être fiables aux yeux du collectif, les employés-médiateurs, etc.).

Et le brouillard qui recouvre tout d'un coup, sa bizarrerie qu'on sentait bien depuis le départ confirmée par une figure du patelin qui accourt en sang et annonce que « quelque chose » dans la brume a enlevé son vieux copain... Élément perturbateur justifiant que tout le monde se calfeutre dans le supermarché et commence à conjecturer – « c'est la mort », dit la folle messianique, et les bêtes dévoreuses peuvent arriver. La scène primitive d'un post-ado qui, croyant pisser plus loin en bravant le « même pas peur, je sors », termine coupé en deux, ça fait toujours plaisir. Mais le plus dérangeant (ouais, osons le mot) dans The Mist, c'est une mise en scène en porte-à-faux où tout ce qu'on croit attendre arrive sans vraiment aboutir, ne serait-ce dans cette fin au nihilisme plus que rare dans les films de cette trempe. Une description de l'humain trop humain en situation de crise, les moutons et les meneurs, le plus petit dénominateur commun qui rassemble la majorité inquisitrice hululant à l'Armaggedon (et faisant croire au passage au spectateur « mais non, ils n'ont pas osé » que c'est bien cela qui est mis en scène), une avant-garde conspuée (mais elle s'en fout, elle a le flingue) qui termine bien conne, et qui confirme au passage que la grosse bête à la corne de brume version Guerre des Mondes, ça marche toujours.

Evidemment, il y a les poncifs du genre : les bêtes, araignées métalliques et préhistoricomophiques à la Starship Troopers qui sont le fait d'un complexe militaro-scientifico-industriel pas très au fait du principe de précaution, les « prenez soin de mon fils s'il m'arrive quelque chose » d'un père de famille éploré à une blonde temporairement survivante, dont on espère bien qu'elle ne fera pas qu'astiquer le carnet de notes du potentiel orphelin, qui ne panique d'ailleurs pas trop, vu qu'il est bien élevé... mais le tout torturé, trituré, bancal, et surtout s'achevant dans un jouissif « on n'a jamais l'air aussi con qu'en se persuadant à sa propre malédiction, tout en essayant de prendre les choses en mains » que The Mist vaut définitivement le détour.


(Plus que Paris, bande de veaux)


mercredi 27 février 2008

Je ne suis pas le collectif

Prendre au sérieux. - L'intellect est chez la plupart une machine pesante, morne et grinçante que l'on a du mal à mettre en marche : ils parlent de « prendre la chose au sérieux » quand ils veulent travailler avec cette machine et penser pour de bon – oh, qu'il doit leur être incommode de penser pour de bon ! L'aimable bête homme perd à chaque fois, semble-t-il, sa bonne humeur quand elle pense pour de bon ; elle devient « sérieuse » ! Et, « là où l'on trouve rire et gaieté, la pensée ne vaut rien » : tel est le préjugé de cette bête sérieuse envers tout « gai savoir » - Fort bien ! Montrons que c'est là un préjugé!

Nietzsche, Le Gai Savoir, §327, traduction Patrick Wotling

Du « dieu n'existe pas, alors tout est permis », je me suis toujours dit qu'il y avait là moyen et justification de faire de sa vie une œuvre d'art, terme ronflant ne désignant qu'après tout cette maximisation des choses qui proviennent de nous, et la minimisation de celles qui ne viennent pas de nous. Intérieur et extérieur, ce qui dépend vraiment de nous, quelle jauge, quelle mesure, quelle façon de déterminer le niveau de pollution – la poule et l’œuf ? Et qui supporte la liberté ? De la même manière que Nietzsche martelait la philosophie (sous-entendu ce background culturel qui faisait autrefois une « civilisation »), la société martèle l'individu, l'intime à prendre forme, à se plier, rentrer dans des cases, quitte à couper des oreilles quand elles dépassent. L'individu dangereux est un thème ancien, le vagabond, le voyageur, le hippie sur la route, le sans attaches fixes… toutes les figures disant à un ordre sa relativité, sa temporalité, sa non-permanence mais qui semblent, inexorablement, vouloir recréer l’ordre et la fixité quittés avec pertes et fracas. Encore un préjugé à démolir.

Ne te demande pas ce que tu peux apporter au groupe, mais demande-toi ce que le groupe peut t'apporter.


vendredi 22 février 2008

Je ne suis pas jeune

Ils manquent de repères, il veulent des vraies maisons avec des vrais emplois et des vrais engagements dedans. Ils veulent trouver leur place.

Une idée : sur une petite planchette de bois, avec une aiguille dans le bide. Pas de risque de se sentir perdu.

la liberté, ça doit être une putain de maladie mentale que certains choppent par hasard

Au début des années 1950, Léon Festinger, socio-psychologue de son état, pénètre les rangs d'une secte soucoupique. Ses membres croient dur comme fer à la réalité d'une prophétie selon laquelle, à une date précise, les extraterrestres vont atterrir sur Terre, la détruire et les libérer par la même occasion de leurs tourments de terriens. La date prédite passe et, si personne ne voit d'extraterrestre, un phénomène étrange apparaît : certains membres de la secte renoncent à leur croyance, mais d'autres, au contraire, se voient renforcés dans leur foi. A ces individus, Festinger pose la question suivante : « pourquoi votre croyance est-elle renforcée alors que les faits sont contre elle ? »

Revenu dans son laboratoire, Festinger rassemble 71 étudiants et leur propose une tâche : enrouler bêtement et répétitivement un fil sur une bobine et convaincre les volontaires suivants que l'activité présente un quelconque intérêt. Certains des volontaires seront payés 20$ quand les autres ne recevront qu'1$. A la fin de l'expérience, Festinger interroge ses cobayes sur l'intérêt réel qu'ils ont porté à la tâche. Alors que les grassement payés déclarent que le seul intérêt de remplir et de dévider une bobine est, clairement, de recevoir 20$ à la fin, les autres jugent au final la consigne « pas si ennuyeuse que cela ». La théorie de la « dissonance cognitive » est née, définie par Festinger comme « un état de tension désagréable dû à la présence simultanée de deux cognitions (idées, opinions, comportement) psychologiquement inconsistantes »

Que va faire un type persuadé que les extraterrestres vont arriver, s'ils n'arrivent pas ? il dira que les extraterrestres ont testé la force de sa foi... un type qui vient de passer une heure à faire un truc débile pour quedalle alors que son copain a ramassé des ronds, il dira que, finalement, le truc l'a intéressé.

Le postulat de base de la théorie de Festinger dit que les individus aspirent à éliminer les faits de pensée ou les faits comportementaux présents en eux et qui sont contradictoires. En gros, c'est agréable pour personne de se faire avoir, et que va faire quelqu'un qui s'est fait avoir, il va essayer de justifier son faire avoir afin de se persuader lui-même et de persuader les autres, qu'en fait, rien ni personne ne l'a eu...

Prenez un humaniste lambda, à qui on a chantonné depuis sa plus tendre enfance que les inégalités n'existent pas, que si elles existent, c'est la faute à la société, et qu'un bon coup de cravache sociétale remettra donc les choses dans l'ordre (supposé de : tout le monde égal avec tout le monde). L'humaniste lambda grandit, s'il sort un peu, il remarquera dans les faits que les inégalités existent, ça le perturbera et créera la fameuse dissonance cognitive : l'inexistence des inégalités ancrée dans son crâne, l'humaniste préfèrera faire toutes les pirouettes possibles et imaginables pour conserver le statu quo de son esprit plutôt que de s'adapter à ce que les faits lui enseignent.

Une de ces pirouettes peut prendre la forme d'un mantra, de la répétition duquel on estime que naîtra l'existence du fait qui corroborera la chère et vieille croyance.

Exemples de mantras connus : « le genre n'est pas naturel mais construit, d'ailleurs la nature n'existe pas » ; « l'école permet l'épanouissement de chacun et l'égalité de tous » ; « le travail rend libre »...


(la preuve)


Ugly Little Crying Babies

Ici

lundi 18 février 2008

Darina al-Joundi

free music






J'avais une philosophie de la vie très simple, j'étais convaincue que j'allais mourir d'une seconde à l'autre, je mettais les bouchées doubles, j'étais donc affamée de tout, de sexe, de drogue, d'alcool, j'avais toujours dans mon sac une bouteille de whisky, un paquet de cigarettes et une bougie que j'allumais sur le trottoir au coin de la rue Makhoul, où je restais des heures, seule.

J'ai découvert Darina al-Joundi lors d'une émission de Frédéric Taddeï. Pour le centenaire de la naissance de Simone de Beauvoir (et un peu après la « polémique » de ses fesses dé-cellulitées sur la couverture du Nouvel Observateur), il était donc temps de « faire le bilan du féminisme ».

Bon, ne rentrons pas dans les détails (et gardons-les pour plus tard), si ce n'est celui, toujours amusant, d'une Gisèle Halimi se demandant bien pourquoi le Nouvel Obs avait choisi, dans son sus-cité dossier, de faire intervenir une actrice de porno...

Et dans ce Liban où chacun n'existe que par sa communauté et sa confession, nous n'avions ni communauté, ni confession, nous ne savions pas si nous étions chrétiennes ou musulmanes.
Quand nous posions la question à notre père, il répondait :
-Vous êtes des femmes libres. Un point c'est tout.

Il était donc sujet de luttes, d'héritages, de restes, de bienfaits, d'effets pervers, cette dernière catégorie cristallisée autour du thème « ouais, le droit à l'avortement c'est vachement bien, mais quand même faut pas oublier que ça déclenche des dépressions nerveuses » (la voix de la raison tenue ce soir là par Caroline Bongrand, co-auteur de l'inoubliable « Le corset invisible »), quand Darina Al-Joundi prit la parole. Pour dire qu'elle avait récemment avorté et qu'elle avait éclaté de rire, qu'elle avait demandé aux infirmiers si « c'était tout », et qu'après leur réponse affirmative, elle avait eu cette envie de crier au monde que ça ne faisait pas mal, que ce n'était rien, qu'on ne sentait rien, que l'unique « traumatisme » venait de l'idée qu'une femme sans enfant est la moitié d'elle-même, et qu'une femme qui avorte se coupe délibérément de cet accomplissement salvateur. Cette normalité de se reproduire, qui fait qu'à un moment ou à un autre, tu te poseras la question, ou « on » (qui est un con) te la posera pour toi.

Sur le chemin, nous avons vu surgir d'un immeuble un jeune homme qui s'est rué sur une jeune fille, lui a tiré une balle dans la tête avant de se tirer une balle dans la bouche. Les deux sont morts sur le coup. Nous sommes restés interdits. Une voisine a enjambé les cadavres, comme s'il s'agissait de paquets abandonnés. Mon père lui a demandé :
-Mais qu'est-ce qui lui est arrivé ?
La femme imperturbable lui a répondu :
- Un malheur, monsieur, c'était sa fiancée, il a appris qu'elle le trompait.

Un choc, de ceux qui vous font relever la tête et vous demander « vous avez entendu aussi ? ». Je trouvai le mail de Darina, lui envoyai un message, et quelques jours plus tard nous déjeunions ensemble, alors que je venais de recevoir « Le jour où Nina Simone a cessé de chanter ». Deuxième choc. Quand Nina Simone cesse de chanter, c'est le jour de la mort du père, l'homme libre, l'écrivain, le journaliste, le poète, le dissident, l'intellectuel athée qui scolarise ses filles dans des écoles chrétiennes et juives.

Ce Dieu n'est pas le Dieu de mon père ! Il n'a jamais eu de Dieu, mon père. Il m'a fait jurer : « Ma fille, fais gaffe à ce que ces chiens ne mettent pas de Coran le jour de ma mort. Ma fille, je t'en prie, je voudrais du jazz à ma mort, et même du hip hop, mais surtout pas du Coran » Je veux bien lui mettre Nina Simone, Miles davis, Fairouz, et même Mireille Mathieu, mais pas de Coran. Vous m'entendez, je vais lui passer à la place de vos prières Le Dernier Tango à Paris. Il aimait La Coupole et le beurre, papa. Il prenait toujours du Fleurier demi-sel. Vous ne l'enterrez pas comme ça, vous ne l'aurez pas. Je ne vous ouvrirai pas.

C'est Darina qui raconte un récit « très largement inspiré de mon histoire » dit-elle, ses trente premières années protégée par son père vivant à l'occidentale, cette permission d'être libre, la tolérance qui cesse dès la mise en bière, initiant la rééducation. Il y a aussi le tragique et l'absurdité de la guerre civile. Sa beauté aussi de temps où tout devient possible, comme cette scène de roulette russe sous free base, où la mort n'est plus prise au sérieux.

Dans ce groupe, j'ai reconnu un visage familier, celui de Zeïna qui dansait avec moi au Back Street. Elle m'avait reconnue elle aussi, elle me caressait les cheveux en me parlant en anglais. Elle m'a chuchoté :
- Si tu veux sortir d'ici vivante, accepte ton état de folle.
J'ai passé la journée ligotée à observer toutes les folles. Je voyais toutes ces femmes et j'ai compris que je payais le prix de ma liberté insensée de femme dans ce pays d'insensés. J'ai compris qu'il fallait que je fasse tout ce qu'ils voulaient.

On parlera de survie, de manières de se protéger de tant de choses affreuses et si dures à porter. Darina, elle, rit, boit, fume, pleure et crache. Elle est de ces individus fuyants qui, sans refuser, s'amusent, de ceux qui sont insupportables pour des mères, des beaux-frères et pour une société qui ne peut tolérer qu'en brisant.

Un videur a tenté de s'interposer.
Vous être fous de frapper une nana, lâchez-la.
L'un des hommes lui a répondu :
- Tu sais ce qu'elle a fait cette salope ?
- Non ?
- Elle a dit que le Coran c'était de la merde.
Le videur m'a prise, il m'a fait une clé de judo :
- Vous pouvez y aller mes frères, je la tiens la salope.


Darina Al Joundi et Mohamed Kacimi / Le Jour où Nina Simone a cessé de chanter / Mise en scène - scénographie : Alain Timar / Tournée : mardi 8 avril à Saint-Cloud, vendredi 2 mai à Soissons, vendredi 23 et samedi 24 mai à Châteauvallon, samedi 5 juillet à Lisbonne, juillet : Avignon, Théâtre des Halles


jeudi 14 février 2008

De l'utérus parlant

Mardi 12 février, émission « Ce soir ou jamais », France 3, Frédéric Taddéi

Comme tous les mardis, Frédéric Taddeï demande à ses invités de réagir sur l'actualité – la fameuse « revue de presse ». Même s'il avait déclaré ne pas vouloir faire de « Ce soir ou jamais » un concept de talk-show « café du commerce », force est de constater que ses émissions tournent souvent, peu ou prou, à l'échange d'opinions sur tout et sur rien, et surtout sans aucun fondement - bref. Un des sujets du jour : la récente décision de la cour de cassation permettant de reconnaître un droit à l'état civil à tout fœtus, quelque soit son stade de développement et quelque soit son poids, a fortiori quelque soit son état final, mort ou vif.

Sur le plateau, une certaine Saïda Churchill, comédienne, l'une des deux femmes présentes ce soir-là, s'est donc dit qu'il était pertinent de donner son avis, se résumant à « il faut dire à tout le monde que l'avortement n'a rien d'anodin – mais personnellement et heureusement, je n'ai jamais avorté – et que la perte d'un enfant est une terrible épreuve pour la femme qui le portait – mais personnellement et heureusement, je n'ai jamais fait de fausse-couche ». Certes, tout le monde a le droit de donner son avis, même le plus con, mais je suis toujours interloquée par la façon dont certaines personnes – nombreuses – ont de croire que tout est pareil pour tout le monde. L'avortement serait toujours traumatisant, ce serait toujours une expérience douloureuse pour la femme qui avorte, il faudrait prendre des pincettes (pas pour extraire le fœtus, ça c'est archaïque – et c'est dégueulasse), garde, des précautions, et pas les choses à la légère.

Là où je suis encore plus interloquée, c'est la façon dont ce genre d'assertions passent, coulent, ne rencontrent aucun contradicteur, ne serait-ce qu'un minime « parlez pour vous ». Si l'on doit tortiller sur nos chaises à partager nos expériences personnelles, sachez que je ne veux pas d'enfant et qu'il m'est arrivé d'avorter. A ces moments, la plus grande « souffrance » ne fut pas dans l'expulsion du fœtus mais dans l'attente réglementaire, le sentiment qu'il y avait une force, extérieure à ma volonté et à mon désir, une force qui m'obligeait à me demander vraiment si je voulais ou non que la chose qui me dévorait le ventre continue à croître et à vivre sa vie, quitte à ravager la mienne, que même si j'étais sûre de moi, cette force me poussait à devoir tolérer l'attente pour toutes celles qui ne sont pas sûres d'elles et qui ne font pas ce qu'elles veulent, toutes celles qui font que les têtes se tournent et vous disent qu'elles n'y sont pour rien, que c'est la loi, qu'elles vont vous raconter les solutions alternatives et que vous devrez revenir, répondre à des questions, faire évaluer vos capacités mentales, avant l'échéance, l'expédient indésirable, le pis-aller...

Où est le monstre ?



Egalité des sexes

Marcela Iacub pense que l'égalité des sexes, ça commencerait par ne plus préciser le genre des enfants à la naissance. Moi, l'égalité des sexes, à la naissance, je la ferais coïncider avec l'incision de l'hymen. Comme ça, plus de sexualité traumatique pour les filles, plus de sexualité conquérante pour les garçons. Oui, si j'étais président de la République, je déciderais de l'abolition des camions et de l'incision obligatoire des hymens à la naissance. Car c'est beau, parfois, l'utopie.

Sinon, jusqu'au 30 mars à Liverpool, vous pouvez admirer le bioart hyménique de Julia Reodica à la Skinterface. Non mais non ? Mais oui !!


Un petit pas pour la Mutation, un grand pas pour Le Monde - ah ah

Aujourd'hui, pas de mauvais esprit, et ouais on interroge une psychanalyste, et ouais toutes les questions et réponses sont loin d'être brillantes, mais bon, faut se dire que les choses bougent...


Le temps des "mères porteuses"

LE MONDE | 09.02.08 | 14h14 • Mis à jour le 10.02.08 | 18h05

La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval, spécialiste de l'assistance médicale à la procréation, estime indispensable d'autoriser la pratique de la gestation pour autrui (GPA) en France.

La gestation pour autrui (GPA), qui s'adresse en premier lieu aux femmes présentant une pathologie utérine, va-t-elle entrer dans l'arsenal courant de la lutte contre la stérilité ?

Très probablement. Environ 10 000 bébés conçus dans le cadre d'une GPA sont nés aux Etats-Unis depuis une vingtaine d'années, et cette pratique est désormais autorisée dans de nombreux pays. Depuis la première fécondation in vitro (FIV, 1984) et le premier don d'ovocyte (1988), la fonction maternelle, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, peut ainsi se répartir entre trois femmes distinctes : la mère "d'intention" (qui élèvera l'enfant), la mère "génétique" (qui donnera l'ovocyte si besoin est) et la mère "gestatrice", terme aujourd'hui préféré à celui de "mère porteuse". Ces nouvelles façons de faire des bébés vont d'autant plus se développer que personne, aujourd'hui, ne supporte l'infertilité. Pas plus les médecins "fivistes" que les couples parentaux.

La France, où la pratique des "mères porteuses" est interdite par la loi bioéthique de 1994, est-elle en retard ?

Dans ce domaine, oui. La pratique de la GPA est aujourd'hui légale - ou du moins régulée par la déontologie médicale - dans de nombreux pays. En Europe, plusieurs d'entre eux ont déjà légiféré : la Grande-Bretagne en 1998, la Grèce en 2000, la Finlande et la Belgique en 2007. Tous l'ont fait dans des conditions rigoureuses, certaines lois prévoyant pour la gestatrice le remboursement par l'Etat des dépenses médicales. Voire, comme en Grèce, un dédommagement financier.

Vous figurez parmi les rares psychanalystes à vous prononcer pour la GPA. Pourquoi estimez-vous urgent, en France, de légiférer à nouveau sur ce point ?

Pour deux raisons majeures. La première, c'est que cet interdit représente une grave injustice vis-à-vis des femmes dont la stérilité est d'origine utérine, alors qu'on déploie par ailleurs une panoplie fabuleuse de traitements pour toutes les autres formes d'infertilité. La seconde, c'est que si on ne légifère pas, de plus en plus de couples se lancent dans des parcours hasardeux de "tourisme procréatif" pour trouver une femme susceptible de porter leur bébé. On estime qu'ils sont actuellement 300 à 400, chaque année, à faire ainsi appel à une aide étrangère. Or cette pratique, si elle n'est pas encadrée, présente des risques de dérives. Dans une GPA bien accompagnée, ce risque disparaît. C'est une histoire qui se déroule entre deux femmes, qui se connaissent tout naturellement. Certains protocoles prévoient même qu'elles se rencontrent plusieurs fois durant la grossesse.

Pour les femmes ayant une pathologie utérine, peut-on imaginer une autre perspective que la GPA dans un avenir proche ?

Non. La gestation intégrale en dehors du corps de la femme pose encore des problèmes techniques insurmontables, notamment pour suppléer l'ensemble des fonctions physiologiques assurées par le placenta et l'utérus. De même pour la greffe d'utérus, à laquelle personne ne croit vraiment. Et même si ces perspectives devenaient techniquement possibles, elles me semblent au plan psychologique infiniment plus lourdes que la GPA.

Cette gestation "par autrui" ne risque-t-elle pas de compliquer les relations entre l'enfant ainsi conçu et sa mère légale, celle qui l'élèvera ?

En anglais, il y a deux termes pour désigner la maternité : maternity et motherhood. Le premier désigne la mère proprement dite, et le second le "devenir mère". Ce que la psychanalyse a montré, c'est que ce "devenir mère" ne coïncide pas forcément avec la seule grossesse. Celle-ci, bien sûr, représente un temps privilégié d'élaboration du processus psychique mis en oeuvre. Mais l'adoption montre bien que la grossesse n'est pas l'alpha et l'oméga de la maternité. Une mère d'intention peut sans difficulté devenir une excellente mère sans jamais avoir porté son bébé. Quant au vécu de l'enfant ainsi conçu, il est encore trop tôt pour le connaître. Mais les risques psychiques d'une telle situation ne sont pas, dans mon expérience clinique, plus grands pour l'enfant que dans d'autres formes modernes de procréation, tels le don d'ovocyte ou "l'accueil d'embryon".

Quelle place la mère gestatrice prendra-t-elle dans la vie de l'enfant, si cette situation, comme la FIV aujourd'hui, devient relativement banale ?

En général, la gestatrice ne cherche pas à maintenir un lien étroit avec les parents d'accueil. Sa présence se limite souvent à une carte de voeux annuelle. Mais cela suffit à maintenir une sorte d'engagement moral, qui permettra, lorsque l'enfant sera plus grand, de lui parler de cette femme qui l'a mis au monde. A cet égard, les choses se passent de façon beaucoup plus simple dans les familles qui ont eu recours à une simple GPA que dans celles qui ont eu recours, de surcroît, à un don d'ovocyte. Car une grossesse ne dure que neuf mois, alors que les conséquences d'un don de gamètes se jouent sur plusieurs générations.

Si le recours à la GPA augmente trouvera-t-on suffisamment de femmes volontaires pour accepter cette mission ?

Lorsqu'on les interroge sur leurs motivations, on s'aperçoit que ces "mères porteuses" ont presque toujours connu une histoire de filiation un peu atypique : ce sont souvent des femmes généreuses qui mettent en oeuvre, à travers ces gestations, un processus de réparation. De plus, la plupart d'entre elles adorent être enceintes. Il est donc probable que certaines femmes, si on leur en donne la possibilité, s'accompliront dans une GPA.

Pour les couples gays désireux d'avoir des enfants, la GPA représentera-t-elle une voie privilégiée ?

Si les lois l'autorisent un jour, elle pourrait en effet constituer un palliatif à cette forme "sociologique" de stérilité masculine des couples homosexuels. De nombreux couples gays préféreront cette solution à l'adoption, car elle leur garantit que l'enfant à naître sera génétiquement lié à l'un des deux parents.

GPA, don d'embryons, homoparentalité... dans dix ou vingt ans, comment imaginez-vous les fêtes de famille ?

Tous ces bouleversements font que la famille coïncide de moins en moins avec le couple procréateur. Une nouvelle forme de parenté est en train de se construire sous nos yeux : une famille non plus seulement de sang ni même d'héritage. Comme la procréation sera de plus en plus médicalisée - surtout si l'on continue à retarder l'âge du premier accouchement -, ces cas de figure ne feront que croître. Les réunions de famille deviendront donc de plus en plus "multicomposées", de plus en plus sociales. Le tout, il faut l'espérer, dans la plus grande transparence.

Propos recueillis par Catherine Vincent



Le temps des "mères porteuses"
LE MONDE | 09.02.08

© Le Monde.fr

mardi 12 février 2008

Norme

L'humanité se divise en deux castes – au moins. Celle de ceux qui ont un avis, une opinion, des idées, des passions, etc. et qui veulent à tout prix convaincre les autres du bien-fondé, de la raison, de la beauté, de la vérité, de tels avis, opinions, idées, passions, etc. Celle de ceux qui vivent dans leur coin, pour qui, presque, toute communication est déjà une tentative d'évangélisation. Pour la première, la norme de l'existence est un conflit. Pour la seconde, le conflit est une nécessité existentielle.



jeudi 7 février 2008

Transplantation mitochondriale : un foetus, trois « parents »

Des généticiens de l'Université de Newcastle ont créé un embryon humain en utilisant l'ADN de deux femmes et d'un homme. L'équipe espère que ses travaux aideront à éradiquer de nombreuses maladies héréditaires : grâce à cette innovation, les femmes qui présentent certains défauts génétiques pourraient ne pas les transmettre à leurs enfants.

Le procédé se fonde sur une transplantation mitochondriale : le foetus hérite ainsi de l'ADN nucléaire des deux parents, mais de l'ADN mitochondrial d'une autre personne. « Nous n'essayons pas d'altérer les gènes, nous tentons juste d'échanger une portion de mauvais ADN contre une portion de bon. » a déclaré Patrick Chinnery, responsable de l'étude dont les travaux préliminaires ont été présentés la semaine dernière au Medical Research Council Centre for Neuromuscular Diseases de Londres.

La technique aiderait plus particulièrement les femmes dont les mitochondries, ces petits organes intracellulaires jouant le rôle de centrale énergétique de la cellule, ne fonctionnent pas normalement.

Outre l'épilepsie, un mauvais fonctionnement de la mitochondrie peut causer une cinquantaine de maladies comme des myopathies, des maladies neurodégénératives, la surdité, le diabète, la cécité, des troubles hépatiques graves, etc. pour lesquelles il n'existe actuellement aucun traitement.

Les expériences ont été menées sur 10 embryons anormaux qui n'avaient pas été utilisés lors de traitements traditionnels de la fertilité.

Quelques heures après leur création, des noyaux qui contenaient l'ADN de la mère et du père ont été retirés de l'embryon. Ils ont ensuite été implantés dans les oeufs de donneurs dont on avait largement extrait le bagage génétique. Les seules informations génétiques restantes, de l'ordre de 16000 composants sur les 3 milliards qui forment le génome humain, étaient celles qui qui contrôlaient la production de l'ADN mitochondrial. Les embryons se sont ensuite développés normalement, mais ont été détruits dans les six jours pour des raisons légales.

L'expérience avait été préalablement conduite sur des souris dont la descendance ainsi produite n'avait aucun problème.



mercredi 6 février 2008

Acheter (aussi)


Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) changent notre vie. Pour les tenants de la net-économie, il s’agit avant tout d’une nouvelle façon de vendre des biens et des services. Oubliez ces analystes à courte vue. Les NTIC amorcent une mutation historique, une rupture de civilisation, une nouvelle ère. La politique, l’économie, la société, les modes de pensée ne seront plus jamais comme avant.

En passant de l’imprimé et des médias de masse à l’interactivité et au multimédia, notre culture négocie un virage majeur, comparable à celui qui vit le féodalisme supplanté par le capitalisme. À l’époque ont émergé le capital, l’État-nation, les masses, les idéologies modernes. Le paradigme a changé : désormais, l’information et l’attention sont au cœur de la création de valeur et de tendance. Les aristocrates dominaient la terre et les serfs ; les bourgeois captaient l’argent et les moyens de production. Au XXIe siècle, les nouveaux maîtres du monde qui émergent sont les Netocrates, la nouvelle élite de l’après-capitalisme.

L’État-nation, la démocratie, l’égalitarisme, l’académisme et le prestige universitaire, l’humanisme et le bien commun, le progrès et la réalisation de soi… toutes ces belles idées vivent leurs dernières heures. Elles ne vont pas disparaître du jour au lendemain, mais elles se dissolvent dans une lente indifférence. Le pouvoir se déplace des moyens de production, des chaires universitaires ou des cabinets parlementaires à la capacité de tri, de production et de manipulation de l’information. Les Netocrates achèvent la réalisation historique de l’individualisme et font émerger l’ère des réseaux sélectifs.

Telles sont quelques-unes des leçons roboratives que nous donnent Alexander Bard et Jan Söderqvist dans Les Netocrates, best-seller mondial déjà traduit en douze langues, enfin disponible pour le public francophone près de dix ans après sa première publication.

Assurément, vous ne sortirez pas indemne de votre rencontre avec Les Netocrates, une analyse totalement originale du concept de société de l’information, bien loin du mythe de l’Éden transparent et égalitaire promis par les pionniers d’Internet. À mesure que défilent les chapitres, vos certitudes les plus solides seront ébranlées. Et en fermant le livre, vous porterez un regard neuf sur l’époque.


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Après huit ans d’attente, « Les Netocrates » d’Alexander Bard et Jan Söderqvist est enfin publié en France (aux Editions Léo Scheer). Les deux Suédois y évoquent une mutation historique, une rupture de « civilisation » (ça tombe bien) à l’ère d’Internet et des nouvelles technologies de l’information, pour un changement radical de la face du monde. Avec cette « nouvelle élite de l’après-capitalisme », ce sont des temps nouveaux qui commencent, faits d’information, de jeux identitaires, de réseaux sélectifs et de réputation dématérialisée et multiple. Pour Bard et Söderqvist, nous entrons aujourd’hui dans la « phase finale du commencement » de l’émergence d’une nouvelle ère, l’ère netocratique, laquelle qui signe la fin du capitalisme.